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Le départ de Saâdani ne met pas fin au 4ème mandat

par Abed Charef

Saâdani contre Ould Abbas. On n'est pas dans le combat du bien contre le mal, le combat du vide contre l'inutile

Le clan A, celui du Président Abdelaziz Bouteflika, est inquiet de la montée en puissance du clan B, celui parrainé par le général Gaïd Salah. En prévision d'une bataille inévitable, à l'approche de la présidentielle de 2019, le clan A cherche des alliances pour se renforcer. Il réussit à rétablir les ponts avec le clan C, celui du général Toufik Mediène, écarté des affaires il y a un an.

Dans ce monde, il n'y a pas place pour les sentiments, ni pour les considérations morales. Les alliances ne valent que le temps qu'elles sont nécessaires. Seuls les intérêts comptent. Ce qui amène, tout naturellement, le général Mediène, qui veut préserver les intérêts des siens, à répondre favorablement aux sollicitations du clan A. Il est prêt reprendre du service, à mettre ses réseaux au service du Président Bouteflika. Il en serait d'autant plus ravi que cette hypothèse lui permettrait d'atteindre deux grands objectifs : d'abord, se remettre en selle, et ensuite, avoir la possibilité d'en découdre avec celui qui lui a volé ses pouvoirs, le général Gaïd Salah.

Ça tombe bien : le clan Bouteflika veut précisément se débarrasser du clan Gaïd Salah, devenu trop puissant. Ce qu'on appelle, désormais, « le groupe de Annaba » est menaçant. Il a acquis trop de positions et prétend dicter ses choix pour 2019. Gaïd Salah, lui-même, ou un autre candidat, peut importe.

Un homme exclu est dangereux

Autre avantage de l'opération : pour le Président Bouteflika, le général Mediène est out. Il n'est plus en mesure de constituer une alternative. Par contre, s'il est réinjecté dans les circuits, comme ce fut le cas pour Gaïd Salah, il y a une décennie, il peut s'avérer très précieux : Gaïd Salah, à l'antichambre de la retraite en 2004, a succédé au puissant chef d'état-major Mohamed Lamari, pour jouer un rôle essentiel dans l'impossible quatrième mandat. Ce qui montre que les missions les plus périlleuses doivent être confiées aux hommes qui ont frôlé l'exclusion définitive. Comme Toufik Mediène.

Voilà donc le deal conclu entre le clan A et le clan C, pour faire face au clan B. En contrepartie, le général Mediène a demandé, comme gage de bonne volonté, le départ de Amar Saadani, l'homme qui s'est montré le pus virulent contre le général Mediène. Celui-ci s'est contenté de dire, publiquement, qu'il envisageait d'attaquer Saâdani en justice. Le message est arrivé à son destinataire, et la réponse a été extrêmement rapide.

Par ricochet à toutes ces combines, est née la désignation de M. Djamel Ould Abbas, à la tête du FLN. Et celui-ci a de l'avenir : non seulement, il fait bien ce qu'on lui demande de faire, mais il sait anticiper, aller au-devant du souhait de ses amis et parrains. Avec lui, il n'est pas nécessaire d'insister : dès sa première déclaration, il a ouvert la porte d'un cinquième mandat, au profit du Président Abdelaziz Bouteflika.

Changer de logiciel

Cinquième mandat : le mot est lâché. Toutes ces manœuvres, nous dit-on, sont dictées par cette échéance du cinquième mandat. Saâdani, Ould Abbas, Mediène, tout convergence vers cette échéance. Mais avant de dire quoi que ce soit sur le sujet, reprenons depuis le début, pour poser le problème autrement : faut-il continuer à essayer d'analyser ce qui se passe dans le pays, à travers ces guerres absurdes entre clans? Faut-il réellement faire l'effort de comprendre ce que font ces clans, de décortiquer leur démarche et leurs objectifs ? L'Algérie a-t-elle besoin de rester dans cette configuration absurde où Bouteflika se sert de Toufik Mediène pour éliminer Gaïd Salah après avoir utilisé Gaïd Salah pour mettre Mediène hors course ? Est-il nécessaire pour un pays comme l'Algérie de créer, puis de se défaire d'une créature comme Amar Saâdani, pour assurer le développement du pays, élargir son rayonnement, et garantir le bonheur et le bien-être de ses habitants ? Que représente l'avènement, à la tête du FLN, d'un homme aussi docile que Djamel Ould Abbès, à l'échelle de l'histoire? Que va ajouter à la gloire de l'Algérie le fait d'avoir comme président un homme dans l'incapacité de faire un discours, ni d'aller dans un quelconque forum international défendre les intérêts de son pays?

Symbole de l'échec

Bien sûr, les prochaines semaines seront remplies de bruissements et de rumeurs. Djamel Ould Abbès aura-t-il le feu vert pour réhabiliter Abdelaziz Belkhadem ? Celui-ci acceptera-t-il de rempiler, au risque de se retrouver de nouveau à la marge quand on n'aura plus besoin de lui ? Abdelkrim Abada et Abderrahmane Belayat se contenteront-ils de strapontins, pourvu que le parti ne retombe pas entre les mains de Belkhadem, ou bien auront-ils plus d'ambition, pour se placer en vue de 2019 ? Un FLN aussi faible est-il condamné à condamner les supplétifs, face à un RND aussi discipliné qu'une formation militaire, ce qui ouvre de grandes possibilités à M. Ahmed Ouyahia?

Toutes ces questions vont de nouveau se poser de manière récurrente, dans les mois qui viennent. Elles mobiliseront les analystes, et absorberont beaucoup d'énergie. Pour rien. Elles ne sont, absolument, d'aucune utilité pour le pays. Le fait même de les poser signifie que le pays n'avance pas. Elles sont le signe de l'échec. Comme Saâdani. Comme Bouteflika. Comme le 4ème mandat.