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ISLAM, ISLAMISME, DJIHADISME : ECLAIRAGES

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Histoire politique de l'Algérie, 1954-1984. Etude de Abdelkader Yefsah (Préface de Salem Chaker). Enag Editions, Alger 2016 (Première édition Enap, Alger 1990). 479 pages, 950 dinars.

C'est tout de suite à partir de sa problématique que l'on s'aperçoit que l'auteur allait donner un grand coup de pied (d'universitaire rigoureux) dans la fourmilière politique d'un pays enfoncé dans un système politique inadapté ? en fait depuis 1954, car il y eut simple transposition du pouvoir «rebelle», celui du temps de guerre - autour d'un pouvoir en crise permanente, lieu de luttes, ouvertes ou larvées, occultées du temps de guerre, mais toujours acharnées, entre factions et clans.

Bien sûr, c'est toujours à partir du clan dominant (dont le centre de gravité peut se déplacer géographiquement) que l'intégration nationale est pensée... avec, toujours, son amarrage à l'armée... sans laquelle le clan n'est rien.

Questionnements : Comment et pourquoi l'armée a toujours été (à l'exception de la période 56-57), au centre du pouvoir politique en Algérie. Puis, comment le Fln, censé encadrer et conduire la société civile, n'est en fait que la courroie de transmission des militaires. Ensuite, comment, malgré de multiples crises politiques qui cachent très mal les luttes pour le pouvoir, le régime algérien, et notamment depuis 1965, est un régime stable grâce à son unanimisme affiché et érigé en dogme.

Et, comment l'inadéquation de son discours politique par rapport à sa pratique quotidienne a peu à peu abouti à un divorce entre le régime et le peuple et permis la naissance d'une classe dominante en Algérie.

Enfin, en quoi le régime algérien n'est pas encore un Etat de droit mais un Etat répressif et policier fondé sur les prébendes et le bakchich.

Observations finales (conclusion) :

-Le pouvoir politique est de nature militaire

-Le parti unique Fln n'est en réalité que la courroie de transmission des militaires

-L'unanimisme, personnalisation du pouvoir = immobilisme

-La société civile refuse sa domestication. Niée dans son existence, elle se défend comme elle peut. Instinctivement... faisant, à l'instar du régime, de l'improvisation

-L'Etat n'est pas encore un Etat de droit. C'est l'Etat de l'arbitraire

-L'Etat-clan est un Etat de bakchich et de favoritisme

-L'Etat-clan étant un Etat arbitarire, il est par essence un Etat répressif et policier.

L'Auteur : Universitaire, politologue, né en 1952 à Tala Amara (Tizi Rached), maître de conférences à l'Institut des sciences politiques d'Alger depuis 1983... avant de partir en France au début des années 90. A disparu de la circulation universitaire nationale et c'est bien dommage. Avait déjà publié un premier ouvrage en 1982 (éd. Anthropos) : «Le processus de légitimation du pouvoir militaire et la construction de l'Etat en Algérie»

Extraits: «Le socialisme spécifique du parti unique a laissé place à un simulacre de démocratie tandis que l'économie dirigée a accouché d'une économie de bazar. L'Algérie est devenue, depuis, un vaste Prédaturium» (p 7, avant-propos), «Nous nous trouvons ainsi en face d'un pouvoir politique totalitaire, volontariste qui, niant la réalité algérienne dans sa complexité mouvante, s'efforce de «construire» un Etat à l'image de ses fantasmes qu'il «baptise» tantôt «moderne», tantôt «arabe-islamique» et tantôt les deux à la fois» (p 19).

Avis : Peut être considéré, à mon avis, comme un des premiers ouvrages universitaires politiques de niveau scientifique et critique, pratiquant une véritable «pédagogie de la vérité» (au départ, une thèse de Doctorat en sciences politiques ), publié en Algérie ( d'abord par une Enap-Editions alors plus que dynamique, car ne dépendant plus du Fln à ce moment, au début des années 90, sous le titre plus explicite et moins inodore : «La Question du pouvoir en Algérie»... et les mécanismes administratifs de la «censure» ayant sombré). Une mine d'or pour comprendre les racines du mal qui ronge (encore ?) le pays. A servi de modèle à bien d'autres qui ont suivi. Le contenu concerne une certaine période, mais en fait, il déborde aisément sur toutes celles qui ont suivi... jusqu'à nos jours... les nouvelles ( ?) formes politiques (comme le tout «nouveau» titre) n'ayant apporté rien de fondamental au fond. Toujours la même problématique ! Des progrès et des changements certes, mais à peu près les mêmes constats.

Citations : «Quand la raison abdique, la bigoterie prospère et l'immonde n'est pas loin» (p 7, avant-propos), «Il n'y a de production scientifique qu'indépendante et critique» (p 10, Salem Chaker, préface), «L'Etat ?mamelle, tout autant que l'Etat-repoussoir, déçoit, car il est l'Etat de la minorité» ( p 318), «Un peuple qui a le sentiment d'être l'acteur de sa destinée ne met pas le feu à ses biens et il n'existe pas, de par le monde, de peuple de Néron» (p 420, postface, rédigée en janvier 1990).

Le Djihadisme. L'Islam à l'épreuve de l'Histoire. Essai de Liess Boukra, Editions Apic, 457 pages, 900 dinars.

Le djihadisme est survenu, selon l'auteur, le 6 octobre 1981 avec l'assassinat du Président égyptien Anouar El-Sadat, par un commando se revendiquant du groupe «Djihad»... Il s'intensifie au Moyen-Orient et entame, en Algérie, sa formation, en 1982, avec la formation d'un Mouvement islamique armé, Mia, qui passe à l'acte le 17 novembre de la même année (attaque d'un barrage de Gendarmerie à Ben Aknoun/Alger). Au même moment, un djihad défensif, celui-ci, ... une résistance à l'invasion soviétique (1979), se déroule en Afghanistan avec le soutien massif de l'Arabie saoudite, du Pakistan et des Etats-Unis d'Amérique. Une nébuleuse arabe, contaminée par le germe djihadiste d'extraction égyptienne se développe et consolide ses rangs... et le djihad afghan est assez vite phagocyté par le djihadisme... qui, en quelque sorte, récupère la mise. Là est, peut-être, le grand tournant : Contrairement au mythe entretenu, la nébuleuse ne concourt en rien à la débâcle de l'Armée rouge (1989), mais elle en réclame la paternité au détriment des moudjahidine afghans. Elle déprécie ainsi leur djihad territorial pour promouvoir un djihad déterritorialisé.

C'est à s'y perdre !

En universitaire soucieux de rigueur scientifique, l'auteur, après avoir défini (plutôt aidé à cerner le concept de djihadisme), énonce deux hypothèses (à vérifier) qui vont lui permettre de suivre un cheminement éclairé pour une analyse concrète : L'islamisme, manifestation moderne du «blocage théologique» ; l'islamisme et sa dérive violente qu'est le djihadisme, expression d'un engagement politique. Deux hypothèses qui posent autant de questions qu'elles n'en résolvent. Par la suite, trois niveaux d'analyse :

-L'exploration du trajet menant de l'islam à l'islamisme (la relation entre islam et politique, définitions et repères historiques (lieu et moment de la lecture islamiste de la Lettre : énoncés coraniques et Tradition)

-L'analyse de l'itinéraire conduisant de l'islamisme au djihadisme (comment se fait le passage à l'acte...)

-La mondialisation du djihadisme ou l'étude de la Qaida et de sa conversion en acteur géopolitique (les causes, les conséquences, la transnationalisation du djihad)

La conclusion est claire et sans détours : L'Islam a besoin d'une «mise à jour» qui l'ancre dans le site mental de notre temps et l'ouvre au débat et la controverse fructueuse afin qu'il rédécouvre la diversité et reconnaisse l'altérité... Misssion impossible ? Car, cette «mise à jour» n'est pas une exigence récente. Déjà, dans les premiers siècles de l'islam, des penseurs (théologiens et philosophes) se sont échinés à relire la lettre à la lumière de la raison, pour en tirer une synthèse de compromis ; celle d'une foi raisonnable et d'une raison pieuse... et, de plus (surtout), la question (de la «mise à jour») n'est pas, en réalité, une question religieuse, encore moins philosophique ; elle est fondamentalement politique... Tout le problème est là.

L'Auteur : Sociologue, enseignant universitaire, il a publié plusieurs ouvrages sur les problématiques de la sociologie de notre société. Sur le terrorisme, déjà deux ouvrages, l'un en 2002 (Editions Favre, Lausanne : «Algérie : La terreur sacrée») et l'autre en 2006 (Editions Chihab, Alger : «Le terrorisme (Définition, histoire, idéologie et passage à l'acte»). A été longtemps directeur de l'Institut de sondage du Groupe Anep. Actuellement, directeur de l'Institut national d'études et de stratégie globale (Inesg), organisme d'études, de recherche et de prospective dépendant de la Présidence de la République.

Extraits : «Le djihadisme n'est pas le djihad. Ce dernier renvoie à la mobilisation guerrière de la communauté islamique soit à des fins défensives, soit en vue d'islamiser de nouveaux territoires... Quant au djihadisme, il s'agit d'un mouvement armé qui, se prévalenat d'une idéologie politique d'extraction religieuse, vise à abattre les régimes au pouvoir dans leur propre espace islamique» (p 7), «Le djihadisme est l'expression d'un extrêmisme religieux et cette prédisposition est immanente à toutes les religions «(p 8). La montée en puissance de l'islamisme, dans les années 1970-1980, est, pour une partie et par beaucoup de ses aspects, le fruit de la connivence entre le «cow-boy américain» et les «Ikhwan» wahabites» (p 256).

Avis : Ouvrage de base pour comprendre le djihadisme... expliqué presque de l'intérieur. Pas trop accessible au commun des lecteurs. Dommage ! Il faudrait, peut-être, qu'au niveau des éditeurs (et des auteurs), on pense sérieusement à publier, juste après ou parallèlement du livre de base, pour l'ouvrage de haut niveau, des sortes de «Que sais-je ?»... en français et en arabe... et en tamazight

Citations : «L'islamisme est la matrice idéologique du djihadisme. Toutefois, si tout djihadiste est un islamiste, tout islamiste n'est pas forcément un djihadiste... Tout islamiste est un salafiste, mais tout salafiste n'est nécessairement pas un islamiste» (p 24), «Dans sa réalité, l'histoire est le procès de production des hommes par eux-mêmes» (p 35), « L'islam est une religion, une spiritualité et un culte ; le salafisme est une idéologie, une manipulation politique, qui s'est indûment appropriée le message coranique, altérant son souffle humaniste, pervertissant son impulsion pacifique...» (p 107), «Les Etats arabes ne sont que très peu raccordés aux sociétés, qu'ils phagocytent à des fins de neutralisation, tandis que celles-ci ne sont que très peu intégrées au champ politique» ( p 431), «Dans nos contrées, contre l'oppression, ne parviennent à s'opposer efficacement que des idéologies oppressives» (p 440), «Ce n'est pas la Lettre qu'il faut contraindre, pour s'autoriser d'une interprétation nouvelle, mais les «pères» qu'il faut obliger à la retraite. Le monde islamique a plus besoin d'un parricide que d'un aggiornamento. Le prescripteur de la Lettre, qui ouvre une artère aux salafistes, qui ne veulent retenir de son sens que ce qui appelle au djihad, n'est pas l'islam en soi, mais les «princes», qui en ont fait la couche de leur conservatisme et l'ombre gardienne de leurs appétences hégémonqiues» (p 440)

L'Islam, la République et le monde. Essai de Alain Gresh. Casbah Editions 2005 (Librairie Arthème Fayard, 2004), 439 pages, 900 dinars

Caractéristiques principales, résultats de l'histoire et de la politique (et non du Coran) du monde musulman ? Quatre en tout : Tout d'abord, le milliard et quelque de musulmans... qui vit, pour son écrasante majorité, dans le «Tiers-monde» ; la persistance d'un fort sentiment religieux ; le sentiment profond d'unité de l'Oumma', lequel se concrétise, entre autres, lors du pèlerinage à la Mecque et, avec l'émergence de l'internet, la création d'une «oumma virtuelle» ; enfin, la diffusion, notamment à partir des années 1970, d'une lecture très conservatrice de la religion, souvent encouragée par l'appareil religieux ?et de l'argent-saoudien.

-L'inaptitude de nombre d'organisations islamistes à dépasser la lecture littérale et le conservatisme expliquent selon l'auteur la crise qu'elles traversent et leur incapacité à conquérir l'Etat. Il a, ensuite, distingué trois types de mouvements islamistes :

- L'islamisme traditionnel qui veut l'instauration d'un Etat islamique, et la politique est au coeur de sa pensée et de son action. Mise en œuvre de la Charia et établissement préalable d'une société juste ;

- Le courant ayant fait le choix - volontaire ou imposé par la répression d'Etat ? de la violence... Avec la lutte à mort contre les pouvoirs établis en terre musulmane, tous considérés comme des pouvoirs impies. Aucun succès enregistré, vu l'incapacité de mettre en œuvre le projet de construction d'un Etat islamique. D'où, «au milieu des décombres» se créent des partis classiques... et la propagation de nouvelles formes d'usage de la religion, compatibles avec le libéralisme.

- Le «troisième type» est un mouvement déterritorialisé avec Al Qaida, dont l'influence se situe aux marges du monde arabe et... dans le monde occidental et, «sans revendications précises» et aux «discours apocalyptique» (note : l'ouvrage a été publié avant l'émergence du mouvement de «quatrième type», l'«Ei» de Daesch qui s'attache à se créer une base géographique et politique, en Irak et en Syrie... puis en Libye, condition, lui semble-t-il (pour Daesch), de réussite). L'arme du terrorisme et des attentats souvent aveugles est utilisé avec, en face, du temps de Bush qui a ouvert la voie, une stratégie de «mobilisation du monde civilisé» et d'interventionnisme armé «contre la barbarie» encore plus aveugle et plus sanglante. La peur est attisée... déclenchant des campagnes contre... l'Islam et les musulmans.

Tout y passe, dans des alarmes bien françaises et des polémiques sans fin (du foulard à la menace du communautarisme en passant par des «détours algériens», Al Qaïda qui «recrute en France», les «nouvelles classes dangereuses», les viols, la machisme dans les cités...), avec une question essentielle totalement occultée : qu'est-ce qu'un musulman ? Et, avec une tendance à mettre tous les œufs dans un même panier alors qu'il y a un «arc-en-ciel de tendances et de choix personnels». Cette perception de la majorité des Français d'une «communauté» monolithique, soudée par la foi... a fait oublier que les musulmans sont bien unis par un principe, c'est celui des valeurs de la République auxquels adhèrent 95% d'entre eux... et 78% d'entre eux pensent que l'Islan est compatible avec les lois de la Républqiue (Le Figaro, avril 2003).

Qu'à cela ne tienne, l'incompréhension perdure. En juillet 2003, déjà, une Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, dite commission Stasi, du nom de son président, est mise en place. Une commission «au-dessus de tout soupçon ?» Pas si sûr ! Avec des témoins bien choisis... avec la rélégation «dans les poubelles de l'histoire» des problèmes sociaux... avec, au final, des propositions vite oubliées... et la propension à «étendre le combat» (sic !)... aggravant ainsi un climat déjà délétère avec les stéréoptypes impériaux débiles datant surtout de l'époque coloniale, émis bien souvent par des «sommités» intellectuelles et politiques (Victor Hugo, René Chateaubriand, Alexis de Tocqueville, Guy de Maupassant... Engels. Léon Blum, Jules Ferry....Théodore Roosevelt...) ou par des ouvrages (Ainsi, la définition de l'Arabe par Le dictionnaire Larousse de 1908 et de 1948). La «lepénisation des esprits» en marche ? Le racisme, un cancer !

L'Auteur : Ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, sépcialiste du Proche-Orient. Il est d'aileurs né au Caire, en 1948, en Egypte, où il y a vécu toute son enfance et sa prime jeunesse, jusqu'en 1961 : «Une époque formidable», dit-il. Une enfance cairote qui a laissé des traces. Débarquant en France alors que la guerre d'Algérie touchait à sa fin, il fait la connaissance de Henri Curiel, son père naturel et de ses compagnons, les «porteurs de valises». Athée, se réclamant du rationalisme, il ne croit à aucune vérité révélée... et, ce qui l'intéresse dans les religions, ce n'est «pas tant ce qu'elles disent que ce que font les croyants». Pour lui, aussi, «l'islam ne définit pas une politique» et il est du côté des opprimés contre les oppresseurs. Ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique (jusqu'en 2005), puis coordinateur de la rédaction des éditions en arabe, il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le Proche-Orient et l'Islam. Il a été membre de la commission Islam et laïcité, animée par la Ligue des droits de l'homme et le Monde diplomatique.

Extraits : «Nous n'emploierons pas le terme «intégriste», qui fait référence à des mouvements chrétiens et qui n'est utilisé, dans le cas de l'islam, que comme une épithète dénigrante et non analytique» (p 91), «Le racisme de certains services de police remonte loin, au moins en tout cas à la guerre d'Algérie» (p 164), «L'histoire coloniale fut la grande absente du débat sur le foulard. Faut-il y voir la démonstration que, malgré la «découverte» de l'usage de la torture durant la guerre d'Algérie, la France n'arrive pas à surmonter son amnésie ?» (p 361)

Avis : Des réponses à presque toutes les interrogations. Une vision libérée, apaisée et rationnelle de l'Islam et des musulmans

Citations : «L'Islam a servi de légitimation aux califats omeyyade et abbasside, à l'Empire ottoman, aux monarchies conservatrices du Golfe, aux républiques libérales arabes des années 1940 comme aux républiques arabes révolutionnaires des années 1960...» (p 91), «Tous les cadres de vie (dans les sociétés européennes) se fissurent. L'Etat-nation semble se disloquer sous les coups de la mondialisation et de la construction européenne (...). Ces peurs, certains veulent les cristalliser autour de l'islam, à la fois ennemi insaisissable à l'extérieur et relayé à l'intérieur par une cinquième colonne d'autant plus menaçante qu'elle est à la fois «exotique» et si semblable à nous-mêmes» (p 108), «Si l'égalité des sexes a remporté des victoires, c'est plus au combat, souvent décrié, des féministes qu'à la laïcité qu'on le doit» (p 295).

PS : Nabil Farès, docteur en sociologie, poète, dramaturge, enseignant universitaire, écrivain... est mort. Mort à Paris à l'âge de 76 ans, loin de son pays natal... et inhumé, à Marseille... loin de son pays natal. Né à Collo (wilaya de Skikda), fils de Abderrahmane Farès, alors notaire et futur président de l'Exécutif provisoire, Nabil Farès est celui qui ? peut-être, avec Mourad Bourboune et bien d'autres ? représente le plus une génération de talents et de génies de la pensée gaspillée par les régimes politiques qui se sont succédé à la tête du pays, de 62 à 88-90. D'autant que bien qu'ayant participé à la guerre de libération nationale d'une manière ou d'une autre, elle était, à l'Indépendance, encore trop jeune pour faire partie des nomenklaturas dirigeantes et trop âgée pour patienter. Subissant des tracasseries policières, parfois empêchés de travailler normalement, parfois emprissonnés ou menacés, ils ont été poussés à la porte, inaugurant la première vague de la «harga», celle du milieu et de la fin des années 60, soit vers les pays occidentaux (France et Etats-Unis particulièrement) soit vers des pays arabes (Syrie, Irak et Liban partculièrement). Une véritable génération «pas de chance» (Said Khatibi) qui a souffert et/ou qui souffre encore. Ignorée, oubliée, méconnue en raison de l'indigence culturelle généralisée, elle reste à répertorier et à être reconnue... de son vivant. A mon avis, en plus du légitime classement à la liste représentative du patrimoine mondial de l'humanité de certains aspects du patrimoine national... il faudrait penser, en urgence, au classement à une liste représentative du patrimoine national de l'Algérie des capacités culturelles et intellectuelles aujourd'hui éparpillées à travers le monde et quasi méconnues par nos nouveaux et jeunes citoyens.