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Le signal envoyé par l'UE à l'Algérie ne doit pas être altéré par les coulisses de l'IEF15 (01)

par Reghis Rabah

Le marché gazier européen est en déprime et le sommet des 27 - 29 juin dernier, tout en paniquant du Brexit a mis en exergue les contraintes qui retardent une politique commune de l'énergie entre autres l'exploitation et le développement de schiste.

Bien qu'ils se soient engagés à donner plus de poids dans leur bouquet énergétique aux énergies renouvelables d'ici 2020, des pressions politiques poussent à limiter les coûts notamment de l'énergie éolienne et du charbon. Revenir à redémarrer les centrales à charbon pour produire de l'électricité reviendrait à obliger le consommateur de payer plus chère sa facture de l'électricité ce qui enflammerait le climat social. En effet, la production d'un Mégawatt/h d'électricité dans une centrale dégage 0,38t de CO2 contre 0,99 t dans une centrale à charbon. Si l'on estime un prix d'émission à 25 euros/t, on s'approchera de 15 euros le Mégawatt/heure qu'il faudra ajouter dans la facture du citoyen européen. Connaissant les difficultés des hivers de ces dernières années, est-ce qu'il pourra la supporter ? Donc la bonne nouvelle pour l'Algérie c'est que le gaz continue d'avoir un avenir en Europe dont de nombreux membres sont sceptiques au gaz russe malgré les investissements consentis. C'est pour cela qu'il faudrait s'accrocher pour aboutir à un accord long terme avec la communauté européenne quitte à faire des concessions sur le prix. Il faut souligner d'autre part que si l'on se réfère aux données du Centre National de l'Informatique et des Statistiques (CNIS) de la douane dans ses rapports de 2008 au premier semestre 2016, on se rendra compte que Sonatrach et à travers elle l'Algérie exporte en volume plus de gaz que de pétrole et cette tendance est confirmée par les investissements dont bénéficie cette branche en amont et en aval. On estime les réserves prouvées de gaz à plus de 4 trillions de m3, l'Algérie ne pèsent pas lourd sur l'échiquier international. En effet, trois pays, la Russie (35%), l'Iran (15%) et le Qatar (10%), totalise à eux seuls 60% des réserves mondiales. Le continent asiatique où la croissance semble se maintenir est tout prêt du Qatar qui bradera son gaz pour ne pas laisser l'Algérie pénétrer ce marché et, ceci sans tenir compte du gaz de schiste de bonne qualité qui arrive au Japon et bientôt le charbon de l'Australie en Chine, pays très peu soucieux de l'environnement. La Russie a déjà investi dans les conduites North Stream et le South Stream, totalement opérationnels depuis 2015. Son retard sur de nombreux projet comme le Galsi rétréci son champs d'intervention et l'étrangle face à ces contraintes internes. Tout porte à croire que pour la première fois dans l'histoire des relations de l'Algérie et les pays de l'union européenne, Bruxelles sort avec une proposition qui panse la plaie de l'Algérie face à cette baisse drastique des prix du baril. En effet, seuls des investissements massifs de proximité pourront faire décoller l'économie nationale et la mettre sur la voie d'une diversification qui la fera sortir de sa dépendance chronique des hydrocarbures. Que risque t-elle avec la communauté européenne sinon de saisir l'opportunité de reconquérir son marché traditionnel qu'elle maitrise à la perfection au demeurant. Comment se comportent les acteurs du secteur ? Que doit-on attendre d'un forum dont l'Algérie assure la présidence depuis 2013 ? Pourquoi les prix du baril se sont timidement redressés suite à l'annonce du le président en exercice de l'Organisation, le ministre qatari Mohammed Ben Saleh Al-Sada qui avait, dans un communiqué, indiqué qu'une réunion «informelle des (14) pays membres de l'Opep est prévue en marge du 15ème Forum international de l'Energie» ?

Chacun se focalise sur ses intérêts, pourquoi pas l'Algérie ?

L'Algérie, le Venezuela, le Nigeria et bien d'autres pays membres de l'opep dont les économies ont été perturbées voire déséquilibrées suite à la chute drastique des prix du pétrole depuis fin 2014, ont tenté vainement de convaincre les gros producteurs de l'organisation d'agir sur l'offre pour rééquilibrer le marché. A trois reprises : fin novembre 2014, début juin 2015 et début décembre 2015, ils se sont butés à une réalité qui leur est imposée par l'Arabie Saoudite qui conduisait pratiquement tous les pays de Conseil de Coopération du Golfe. Cette réalité réoriente leur stratégie traditionnelle qui est celle de défendre les prix du baril. Or, le leader saoudien visait la reconquête des part du marché qu'il a laissé au profit des producteurs de gaz de schiste américains. Ces deux orientations sont contradictoires c'est-à-dire en tentant de récupérer les parts du marché, on doit impérativement faire des compromis sur les prix. Les pays qui ont une forte couverture de réserve de change, peuvent se le permettre mais pas l'Algérie et surtout le Venezuela. Ces deux pays et notamment le premier a maintenu un dialogue avec l'Arabie Saoudite pour tenter de comprendre les échéances de sa stratégie suicidaire qui fait mal à leurs économies. Il se trouve .qu'au cours de ces différentes rencontres, l'Arabie Saoudite a affiché son intention de collaborer à un gel de la production à condition de faire participer les gros pays producteurs qui ne font pas partie de leur organisation. L'Algérie a joué un rôle de facilitateur en organisant plusieurs rencontres informelles en Allemagne avec les uns et les autres qui a finalement aboutit à un premier gel de la production qui n'a pas été très productif et n'a pas non plus fait réagir le marché à la hausse comme espéré. L'occasion du Forum International de l'Energie, tribune qui regroupe prés de 600 participants de divers horizon ne serait- elle pas propice pour affrioler un nouvel accord entre opep et non opep pour un nouveau gel ? Quant à l'informatisation de la réunion des 14 membres en marge du forum, elle l'est de facto car elle ne sortira avec aucune décision applicable.

Ce n'est pas l'annonce de la réunion des 14 de l'opep qui a fait grimper les prix

L'Arabie Saoudite par la voie de son ministre du pétrole, déclare être disposée de discuter avec le Mexique et la Russie sur un éventuel gel qui visera à équilibrer les prix mais les russes continuent de souffler le chaud et le froid. D'une part, ils soutiennent l'initiative d'une rencontre pour un gel en fixant même une fourchette de date en octobre d'autre part leur ministre du pétrole estime qu'un baril entre 40 et 50 dollars est approprié et donc n'a pas besoin qu'on décide d'un gel. En d'autre terme les résultats et les efforts entrepris par l'Algérie pour fructifier cette audience internationale d'une telle envergure, sont presque ficelés d'avance. Il faut dire aussi dans un contexte de craintes de surabondance de l'offre, cela a suffi à faire monter les cours pendant sept séances consécutives même si de nombreux investisseurs doutent du succès des négociations, après un premier échec au printemps. Les marchés ont trop acheté, doutant qu'un tel gel puisse avoir lieu. De plus, même s'ils parviennent à un accord, ils ont déjà augmenté leur production à des niveaux proches du maximum ce qui signifie que cela n'aura qu'un impact marginal sur l'offre et que la situation de surproduction perdurera. L'Arabie saoudite va extraire plus de pétrole, le Nigeria a plus de marge de manœuvre pour relancer sa production et l'Iran veut pomper plus. Autre facteur faisant craindre un excès de l'offre, le décompte hebdomadaire des puits américains en activité, établi chaque vendredi par le groupe Baker Hughes a augmenté pour la huitième semaine consécutive même si il reste bien plus faible que l'an passé à la même période. La dernière fois qu'il y a eu une série de huit semaines consécutives, c'était il y a un peu plus de deux ans, juste avant que les cours qui flirtaient à l'époque avec les 110 dollars n'entament leur dégringolade. Ceci confirme que le prix du pétrole est en terrain instable. Lors de la semaine achevée le 12 août, les réserves commerciales de brut ont baissé de 2,5 millions de barils à 521,1 millions de barils, alors que les experts interrogés par l'agence Bloomberg tablaient sur une hausse de 950.000 barils des réserves de brut. Cette baisse est encore plus marquée que le recul d'un million de barils annoncé par la fédération privée American Petroleum Institute (API), dans ses estimations publiées la veille au soir. A ce niveau, les réserves américaines de brut s'affichent en hausse de 14,2% par rapport à la même période de 2015 et restent à des niveaux historiquement élevés à cette époque de l'année, comme l'a, une nouvelle fois, noté le département de l'énergie américain. Autre élément encourageant dans un contexte d'inquiétudes sur le niveau élevé des réserves: les stocks d'essence ont baissé de 2,7 millions de barils, une variation d'une plus grande ampleur que l'estimation des experts de Bloomberg qui prévoyaient une chute des stocks d'essence de 1,7 million de barils. Ce chiffre contredit l'augmentation de 2,2 millions de barils annoncée par l'API. Ils restent bien au-dessus de la limite supérieure de la fourchette moyenne en cette époque de l'année, et s'affichent en hausse de 9,3% par rapport à la même période en 2015. De leur côté, les réserves de produits distillés (gazole, fioul de chauffage, kérosène, etc.) ont augmenté de 1,9 million de barils alors que les experts de Bloomberg s'attendaient à une baisse de 600.000 barils. L'API a annoncé pour sa part une hausse plus importante, de 2,4 millions de barils. Elles progressent de 3,2% par rapport à l'an dernier et se trouvent proches de la limite supérieure de la fourchette moyenne à cette période de l'année.

Il appartient à l'opep de veiller au respect du quota par ses membres

Il faut signaler que les réserves prouvées en pétrole des pays de l'opep atteignent, fin 2015, 1 214 milliards de barils, soit 71,9% des réserves prouvées dans le monde, selon les données de BP. Il est à noter que dans la mesure où la valorisation des compagnies pétrolières et la notation des pays producteurs dépendent pour une part importante de l'appréciation des réserves, les montants communiqués, en particulier par l'opep, sont souvent surestimés pour des raisons tactiques dans le but de gagner en part de marché et, partant en côte financière. Si l'on considère le respect du quota par pays, on a déjà un dépassement de prés de 2 millions de baril prouvés par les chiffres de l'organisation elle même. Les prix moyens du panier de l'OPEP sont passés de 105.87 dollars/bbl en 2013 à 96,29 dollars/ bbl en 2014 pour redescendre à 44,13 le 20 aout dernier soit une perte de plus 40%. Pour donc espérer un rebond significatif des prix, il faut beaucoup plus que les 500000 barils par jour que l'organisation a habitué à consentir avec une grande difficulté. Alors, qui en est capable étant donné l'équilibre budgétaire de mettre la main dans la poche ? Tous les yeux sont tournés vers les pays du Golf qui suivent quant eux une toute autre stratégie très loin des préoccupations du cartel.

Conclusion

Logiquement l'Algérie qui a fortement besoin de renouer d'une manière solide avec son marché traditionnel, va dépêcher sa diplomatie pour évaluer les changements souhaités par l'Union Européenne. S'ils ne touchent pas à la souveraineté de sa politique économique, elle aura tout intérêt à suivre cette voie au lieu de perdre son temps dans des organisations stériles.

Renvoi (01) -IEF15 : 15 éme International Energy Forum qui se tiendra à Alger du 26 au 28 septembre 2016