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La réforme du baccalauréat, une entreprise à ne pas rater

par Ghezali Sofia*

Si 49,79 % de réussite au baccalauréat n'est pas l'expression d'un échec scolaire, selon la tu telle du secteur de l'Education nationale, mais le produit d'un triste avènement, (fuite des sujets et d'une seconde session de l'examen programmée à la hâte en un temps record -15 jours d'écart-), ce qui a, certes, altéré les capacités des candidats.

Dans tous les cas de figure et avec ce taux de réussite au baccalauréat, au plan national, l'Ecole algérienne est loin de former des Césars qui sauront avoir raison des écueils qui se dressent sur la voie du développement durable, des Césars qui sauront composer avec le rythme des mutations du complexe progrès / civilisation au plan international, des Césars qui ne sauront tourner le dos à tout ce qui est stérile et nuisible, des Césars qui ne sauront résister à l'orage acariâtre de l'illusion, des Césars qui se disperseront autour d'ambitions tourmentées, des Césars qui s'abandonneront sur la pente de l'imagination féconde en subtilités superflues. Elle en fera ces pauvres conquérants rustres et ignares et qui ne pourront sentir leurs consciences s'indigner face aux injures de la frustration.

En Algérie, longtemps le débat sur l'école quand une tribune venait à s'offrir, ne s'est voulu que recherche d'accommodements provisoires, d'aménagements transitoires, de formules hâtives pour enfin ne rien changer au désordre des choses. Cependant, si la réforme des examens nationaux et en particulier celle de l'examen du baccalauréat devrait être considérée, elle en constituera le dossier nodal.

La réforme du baccalauréat

La réforme du baccalauréat telle qu'envisagée n'aura de sens et n'atteindra l'impact escompté que si nous cessions de mettre la charrue avant les bœufs et que nous agissions d'abord et en premier lieu sur le curriculum en tant que plan de formation, c'est-à-dire sur le contenu des programmes d'étude, sur les moyens de l'apprentissage à mettre en oeuvre, sur les procédés d'enseignement à engager, sur les méthodes pédagogiques à développer, sur les rythmes scolaires ainsi que sur la formation de celles et de ceux qui seront appelés à gérer l'acte pédagogique, (enseignants) et sur celle de ceux et de celles qui seront appelés à gérer la mission éducative, (Chefs d'établissement et inspecteurs d'enseignement). Telle que pensée pour le moment, elle ne pourra être qu'une réorganisation structurelle inspirée par une évaluation tant sommative que systémique. Le souci est de permettre à celles et à ceux qui devront passer le baccalauréat, de l'affronter nantis de compétences générales, (raisonnement logique et jugement méthodique, ces composantes de la mentalité scientifique) et de qualifications spécialisées, (capital cognitif) et de ne pas le subir.

Réformer le baccalauréat, c'est donc nantir les candidats de ces compétences générales et de ces qualifications spécialisées, mais comment ?

Appelé à être un complexe de solides instruments d'instruction et d'éducation du comportement en général et de la mentalité scientifique en particulier, le curriculum sera conçu et élaboré de manière à ce que ses composantes interagissent, chacune dans les limites de sa fonction, pour initier l'individu à raisonner logiquement et à juger avec méthode à partir d'un complexe d'hypothèses-intérêts en aiguisant son sens de l'observation, à apprécier la cohérence et la faisabilité des données expérimentales qui en découlent en vue de les exploiter dans la recherche de la vérité à laquelle on aspire aboutir.

Il lui sera donc assigné d'encadrer un enseignement-apprentissage en mesure de disperser l'équivoque et de dissiper l'ambiguïté qui tenteraient d'assiéger l'esprit pour le noyer dans la confusion en se contentant de donner libre cours à son intuition.

Il lui sera, en outre, assigné de promouvoir un enseignement-apprentissage qui, au contraire, orientera l'esprit dans le sens de l'effort intellectuel authentique, cet effort qui, animant l'enquête scientifique, sera déterminé à piloter le rapport qui existe entre la connaissance et son utilisation pratique et ce pour lui permettre de cerner la vérité dans toute sa vérité. Notons cependant qu'une vérité qui, bien que scientifique, est relative. (La vérité absolue étant le produit d'une succession de vérités relatives).

1) Appelé à être un plan de formation, développant le capital cognitif par une action volontaire, consciente et systématique entraînant une modification de l'être physique et de son psychisme, (instruction), et formant l'individu à vivre dans un milieu social général et dans un milieu social particulier, (éducation), il constituera l'axe nodal de la politique éducative et culturelle à adopter. Il veillera à ce que la gestion de l'acte pédagogique et celle de la mission éducative :

-refuse d'assurer un simple montage d'automatismes disparates, fugaces et générateurs de l'étroitesse de l'esprit et de la dispersion de l'intelligence ;

-développe les mécanismes psycho-intellectuels, (motivation ? détermination ? curiosité et réflexion), destinés à élargir les intérêts de l'esprit, à structurer sa mentalité scientifique, (raisonnement logique et jugement méthodique) et à discipliner sa démarche intellectuelle.

2) Appelé, par ailleurs, à faire aboutir la formation ? développement de l'esprit, l'objectif escompté est de fertiliser l'aptitude de l'esprit à rechercher pour découvrir et à découvrir pour connaître en s'affranchissant des lisières de l'intuition.

3) Appelé, en outre, à familiariser l'esprit avec l'expérience, il lui apprendra à acquérir ce savoir-faire qui consiste à savoir observer, interpréter les données, procéder à des déductions, formuler des prévisions, émettre des hypothèses, classer, planifier, combiner pour mener à bon port ses investigations.

4) Appelé, enfin, à être le cadre dans lequel seront engagées les entreprises d'instruction et d'éducation destinées à accroître sa productivité intellectuelle et à développer sa faculté de construction logique, il organise une conception évolutive de l'apprentissage qui consiste en la collecte de l'information qui consiste en l'interprétation des constatations faites, ce qui permet à l'esprit de formuler des généralités et des déductions pour galvaniser son pouvoir de pénétrer à l'intérieur du savoir et y organiser ce qu'il doit connaître. Conçu donc et élaboré pour aider l'esprit à organiser son savoir en le repensant systématiquement, le curriculum s'investit dans la mise en évidence des relations et de la hiérarchie qui existent entre les acquis de l'esprit, ce qui lui en facilitera l'exploitation, l'aboutissement à la résolution de nouvelles situations-problèmes et l'intégration de nouvelles connaissances dans son champ aperceptif. Notons cependant, que les aptitudes qui devront être associées pour ce faire et qui devront être impérativement développées, sont la curiosité de réflexion, la réflexion critique, le discernement.

En tant que plan de formation créateur de renaissance, il a donc la charge de réhabiliter l'instruction et l'éducation dans leur interdépendance et dans leur complémentarité. Le souci est d'initier un projet de société libéré de tout préjugé inhibiteur et rétrograde et ouvert sur l'universel avec tout ce qu'il véhicule comme omniscience et modernité et où le citoyen n'évolue pas en tant que sujet accablé ou mis sous coupe réglée.

Cet objectif ne pourra-être efficacement cerné et convenablement atteint que si l'instruction et l'éducation ne fassent pas dans la promotion de l'enseignement « enseignemental » mais s'élargissent à un enseignement « formationnel », cet enseignement qui s'appréciera par la rigueur dans la formation de l'esprit critique, par son efficacité dans l'épanouissement de ses aptitudes, par l'affermissement de la volonté, par l'affermissement de la personnalité et par l'orientation qu'il fera prendre au rapport attention / intérêt modulateur de la perfectibilité de la démarche intellectuelle. Pour ce faire, l'instruction et l'éducation s'évertueront à féconder le sentiment par la raison. Elles permettront ainsi à l'esprit de dompter les mystères de la nature.

La mission de cet enseignement sera donc de permettre à celui qui le recevra de réunir toutes les conditions pour s'investir dans l'actualisation systématique de ses acquis et de son expertise.

Dès lors, il pourra réaliser son intégration sociale, non point en tant qu'individu stérile, sans buts, sans statut et sans originalité, mais en tant qu'être humain soutenu par son génie propre pour conjuguer ses efforts et ses initiatives, ce qui l'aidera à réajuster ses talents particuliers pour une meilleure pertinence et ce au profit de l'avenir commun aux hommes.

Jusque-là les concepts instruction, éducation et progrès-civilisationnel ont tellement subi l'injure de la banalité que s'est engagé à leur endroit un consensus ambigu. Cependant, dès que l'on s'attache à préciser leur signification aux plans de leurs rôles, de leurs objectifs, de leurs finalités, on constate alors que nous nous sommes laissés assujettir par ce que nous croyons être une polysémie, ce qui d'ailleurs nous a empêché de circonscrire leurs missions respectives et de définir une gestion efficace de l'acte pédagogique et de la mission éducative.

A propos de leur interdépendance

-L'éducation vitalise l'instinct de découvrir et d'innover, c'est son utilité pratique qui justifie l'acte de rechercher ;

-L'instruction offre le capital cognitif nécessaire à cet effet.

A propos de leurs objectifs

-L'éducation créant ou re-profilant les structures psycho-intellectuelles et psycho-mentales, son objectif est d'aider l'esprit à s'alimenter en connaissances ;

-l'instruction fécondant sa prédisposition à créer, elle favorise l'accomplissement progressif de son épanouissement. Son objectif est de développer le champ aperceptif de tout un chacun, ce qui lui permettra de dynamiser le pouvoir créatif de son esprit.

A propos de leurs finalités

-La finalité de l'éducation est d'apprendre à l'esprit à mépriser l'illusion du savoir ;

-la finalité de l'instruction est de pourvoir l'esprit en savoir générateur de savoir-faire.

A propos de leurs rôles ;

-Le rôle de l'éducation est d'initier l'esprit à dompter les mystères de la nature ;

-le rôle de l'instruction est de l'initier à les domestiquer.

Moralité, le souci du curriculum est de prendre acte de cette analyse comparative et de faire en sorte que l'éducation et l'instruction, sans pour autant se confondre, se complètent en se ressourçant l'une dans l'autre.

Nantir les candidats au baccalauréat de compétences générales et de qualifications spécialisées, c'est faire de ce plan de formation l'axe nodal de la politique éducative et culturelle à adopter et qui veillera à ce que la gestion de l'acte pédagogique et celle de la mission éducative :

-refuse d'assurer un simple montage d'automatismes disparates, fugaces et générateurs de l'étroitesse de l'esprit et de la dispersion de l'intelligence ;

-développe des mécanismes psycho-intellectuels, (motivation, détermination, curiosité de réflexion) parce qu'ils devront permettre à l'esprit d'élargir ses intérêts, structurer sa mentalité scientifique, discipliner sa démarche intellectuelle ;

En tout état de cause, la réforme des examens nationaux et celle du baccalauréat, en particulier, ne peut être un acte isolé. Elle doit être partie prenante d'une réforme globale de la gestion de l'acte pédagogique et celle de la mission éducative, (pédagogie, formation des enseignants, langues à enseigner, organisation des rythmes scolaires, évaluation systémique et sommative, orientation scolaire, profils de sortie). Le souci étant de former le citoyen capable de contribuer à l'édification d'une nation qui s'insérera dans les rangs des privilégiés. Le système éducatif et culturel algérien est toujours, malgré les bonnes volontés qui s'expriment çà et là, figé, marqué des stigmates d'un monolithisme culturel périmé et bâillonné au nom de principes identitaires étriqués qui cachent mal un projet politique tendancieux. Il doit être repensé dans tous les sens. Ceux qui le gèrent et à tous les niveaux de la hiérarchie doivent apprendre à s'arrêter aux moments propices, relire la conjoncture sociale, politique, économique et culturelle qui prévaut, discerner les urgences et proposer les virages qui s'imposeront. Ce n'est qu'ainsi et seulement ainsi que nous pouvons prétendre à une instruction et à une éducation de qualité et comptabiliser des taux de réussite élevés au baccalauréat, cet examen de fin de cursus scolaire et qui nous renseignera sur la perspicacité de la gestion adoptée .

*Magister de Français option didactique - Professeur de Français ? Lycée des Castors ? Mostaganem-