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Accord au Mali : le secret d'une philosophie algérienne de paix

par Abdellatif Bousenane

La communauté internationale a salué unanimement la signature, samedi dernier, de l'accord de paix et de réconciliation au Mali par la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA). L'Algérie était le pivot, le médiateur, et donc elle a joué un rôle majeur dans la concrétisation de cet accord.

La tâche n'a jamais été facile pour n'importe quel médiateur dans de telles guerres. Il ne faut pas croire qu'il suffit juste à un quelconque pays de vouloir faire un arbitrage et d'avoir tous les soutiens du monde et toutes les bonnes volontés pour que la paix se concrétise sur le terrain. En effet, la tâche est extrêmement compliquée, parce que pour arriver à de tels résultats il faut d'abord inspirer beaucoup de confiance à toutes les parties, il faut une connaissance profonde du terrain avec toute sa complexité économique, ethnique, idéologique et même hégémonique.

Quel est le secret ?

La signature de l'accord de paix et de réconciliation au Mali témoigne effectivement pour la énième fois de la justesse et la lucidité de la vision algérienne concernant les conflits dans la région. On peut même dire que la philosophie diplomatique algérienne est devenue un modèle unique reconnu et très respecté par une grande majorité de pays du monde. Pourtant, cette approche algérienne est basée sur des arguments assez évidents, voire simples ! À savoir, faire entendre à tous les protagonistes que la table de négociation est inévitable aujourd'hui ou demain car tous les conflits à travers la planète terminent toujours par la négociation qui aboutira à une signature d'accords. Par conséquent, pourquoi attendre des mois voir des années et perdre beaucoup d'âmes inestimables, énormément de temps et d'argent. D'autant plus qu'aucune partie n'envisage de déménager puisque la majeure partie de ces guerres se déclenchent entre frères de même patrie ou entre voisins. Un autre élément central dans cette logique algérienne, c'est le volet économique qui alimente ces affrontements d'une manière directe. Car, souvent on donne un aspect idéologique, ethnique et religieux à ces affrontements et on ignore, sciemment ou naïvement, les aspects économiques. Comme la répartition des richesses, la rareté de l'eau dans des régions comme le Sahel en Afrique, l'accaparement des terres fertiles par des groupes au détriment des autres composantes de la société...etc. Dès lors, la médiation algérienne ne néglige jamais cet élément et essaie tout le temps de le comprendre puis de trouver des compromis et des solutions satisfaisantes pour tous les antagonistes. Enfin le volet hégémonique, le plus difficile à résoudre, et qui rend plus complexe encore la problématique de n'importe quelle rivalité. Il s'agit bien évidement, de l'ingérence d'un ou de plusieurs pays étrangers, souvent des pays occidentaux tels que les USA, la France et la Grande-Bretagne, quoiqu'on observe depuis quelques temps l'arrivée de certains pays arabes du Golfe très excédentaires en pétrodollars qui participent d'une manière directe et indirecte dans ce genre de conflits en dehors de leurs territoires. De ce fait, notre diplomatie sera confrontée à des géants économiques, politiques et militaires pour les convaincre des bienfaits de sa démarche, y compris pour leurs intérêts dans la région !

Des défis pour l'avenir

Cette approche algérienne a démontré en fait son efficacité a maintes reprises dans le passé, du conflit Irak-Iran à la crise des diplomates américains à Téhéran, en passant par la guerre Éthiopie-Érythrée, la crise interne tunisienne et beaucoup d'autres antagonismes notamment en Afrique sans parler des sollicitations de quelques pays arabes pour des médiations discrètes. Mais le dossier libyen reste le plus brûlant aux mains des négociateurs algériens parce qu'il concerne directement la sécurité de notre pays. Le chaos libyen est le modèle-type du conflit interne avec des dimensions largement internationales par l'implication de plusieurs pays étrangers comme la France, les États-Unis et le Qatar. Suite à la chute de l'ancien Guide, Al Kadhafi, dont l'assassinat garde toujours le mystère, les « révolutionnaires » comme on les appelle dans les médias internationaux très impliqués dans cette agression contre un pays souverain, nous prédisaient « le Paradis » après le départ du système Kadhafi qui, selon leurs dires, constituait avec son « incompétence », sa « médiocrité », sa « corruption » et sa « cruauté », le seul obstacle devant le développement de la Libye. Mais après plus de quatre années du départ de ce grand « méchant », les gens « compétents », « brillants », « honnêtes », « gentils », les gens de la « paix » et de « l'amour » n'arrivent même pas à s'asseoir autour d'une table pour discuter, pour former un gouvernement. Pire encore, ils s'entretuent !

Bref, dans cet océan de guerres, d'antagonismes, de chaos, il faut tout de même le signaler et le dire haut et fort, notre pays, malgré tous ses torts et péchés, n'a pas seulement réussi à résister aux vents et marrées de ces guerres fratricides provoquées et alimentées par des cercles qui ont d'autres objectifs pas toujours compatibles avec le bien de ces peuples ! Mais il est, notre pays, devenu un acteur majeur dans la médiation et le règlement de ces conflits régionaux. Après avoir été traité de pays périphérique infréquentable à qui on donnait des leçons et le menaçait à la fin des années 1990, aujourd'hui on le qualifie de « pivot ». Franchement ! Nous avons de quoi être fiers et optimistes.