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Le Monde des Ibn Saoud

par Mimi Massiva

Dans son livre ?Ibn Saoud, le Loup et le Léopard', Benoist Mechin écrit : Les Arabes s'enorgueillissent d'avoir fourni 40.000 prophètes au monde et nous possédons des témoignages historiques sur au moins 200 d'entre eux.

L'examen de leurs vies révèle une similitude étrange : toutes reproduisent la même trajectoire, avec une obstination monotone?la frange des déserts arabes est jonchée de croyances brisées. Le « miracle » des Ibn Saoud c'est d'avoir kidnappé la dernière croyance et sauvé des sables les brisures pour mieux les immortaliser. Il y a quelque chose de pas naturel pour ne pas dire de détraqué, d'irréparable bien symbolisé par l'épée. On constate, de plus en plus, que cette dynastie « élue » représente la plus efficace et la plus rapide des sélections « naturelles » à la Darwin. La fratrie royale ne semble pas s'essouffler, encore moins hésiter. Depuis 1953, à la mort du Patriarche, chaque rejeton inaugure le règne avec la formule : « rien ne va changer ». Pourquoi changer ce qui marche si bien avec la « baraka d'Allah » ? Leurs sujets ne sont pas bêtes quand ils revendiquent juste un peu d'oxygène, un morceau plus gros de pain. Dans une étude sociologique américaine, faite dans les années 50, alors que la plupart des pays arabes étaient décolonisés, partout les gens interrogés ne rêvaient pas de démocratie, mais de protection. Il suffit de comparer l'Algérie, début des années 1990 et celle d'aujourd'hui, pour les comprendre. C'est connu, le désert n'enfante que le prophète, le guerrier et le poète. C'est si simple quand le prophète est guerrier et le poète bouffon?

La ville de Djeddah s'est construite autour du tombeau d'Eve. Personne ne peut, aujourd'hui, l'étudier pour confirmer ou infirmer l'authenticité puisque le fondateur du royaume a décidé de le détruire dès son accession au pouvoir. Le cerveau de l'homme a émergé des ténèbres quand il a commencé à honorer ses morts, disent les ethnologues et les sociologues. Les Arabes, quelles que soient leur religion, leur connaissance, leur ignorance, y compris du temps du Prophète, n'ont jamais eu l'idée de voir un quelconque danger dans ce tombeau. En envahissant le Hidjaz, l'armée, cimentée par l'idéologie wahhabite, les Ikhwan (les frères), a reçu l'ordre de tout raser, des ornements de la Kaaba, aux mausolées des saints jusqu'au moindre signe glorifiant un passé non saoudien, islamique ou pas, jusqu'à l'aube de l'Humanité. Comme leur avatar ?Daech' qui est en train de liquider les derniers vestiges de la Mésopotamie, berceau des civilisations.

Un monsieur de La Palisse dira c'est facile de détruire un cimetière que de construire des tombes. Quand Ibn Saoud et ses soldats rentrèrent à La Mecque, ils trouvèrent une ville morte, pétrifiée. Pèlerins, commerçants et habitants avaient fui terrorisés. Mais Ibn Saoud 1er , cette « force de la nature » d'après les Anglais, savait se dépouiller du renard pour se faire agneau, quand la victoire l'exigeait. Ses rivaux, les Hachémites, « raffinés et cultivés », proches des Persans, ne purent résister au « léopard » qui avait fondu sur eux, dans leur sommeil. Les Ibn Hachim n'étaient pas fiables, incapables de se défendre, de protéger leurs ouailles, encore moins d'imaginer que la foudre peut jaillir d'un ciel limpide. C'est comparer un émir du GIA, enrichi au propre et au figuré par son « repentir » à un Tahar Djaout enterré, définitivement, sous les fleurs desséchées de sa tombe. « On ne sert une cause qu'en lui survivant » et on ne peut lui survivre qu'en attaquant le premier, sans souci du moyen.

Pour décimer un régiment de soldats turcs, les Ikhwan se transformaient en brigands, massacrant, pillant les convois de ravitaillement malgré les accords de paix, signés avec la Sublime Porte. Ibn Saoud n'hésitait pas à massacrer toute une tribu qui refusait de le suivre, à décapiter les meneurs et obligeant la foule à assister au carnage... Pour monter sur le trône d'Arabie, il pataugea dans le sang d'un demi-million de bédouins. Mechin admiratif écrit : «Tout jeune encore, le fils d'Abdul Rhaman se jure d'unifier l'Arabie?Ibn Saoud partira à la conquête de son royaume, à la tête de 40 compagnons résolus. Patiemment, impatiemment, par la force et la ruse, jamais il ne cessera d'élargir son domaine...Au bout d'un demi-siècle, suzerain de La Mecque et détenteur d'un immense empire pétrolier, il se trouve à la tête d'un royaume, trois fois et demie grand comme la France , surgi, comme par miracle, des sables du désert. » Le miracle est une trinité qui s'appelle : les Américains pour le pétrole, les Français pour l'eau et les Anglais qui, abandonnant les descendants de l'oncle du Prophète, permirent la victoire des Saoudiens. De cet abandon Lawrence, l'auteur des 7 Piliers de la Sagesse, ne s'en est jamais remis : « l'imposture inaperçue habillait si juste, si bien, la camelote humaine !...Tout l'intervalle n'est que trahison ou duperie. Quand on ne détient pas l'absolu du commandement, il faut se réfugier dans l'absolu de l'obéissance. » En Arabie, on lui aurait coupé la tête, en Angleterre on l'a laissée pourrir. Le 11 septembre 2001 qui aurait dû sonner le glas du crépuscule des ex singes dorés, les a transformés en dresseurs de singes savants. Un poète, gagné à leur cause, dit : «Ce que désire la fleur du monde, ce n'est pas la sécurité matérielle, mais le danger surmonté en bonne compagnie, l'amour, le rire, le contraste et la conquête.»

Dans le monde des Ibn Saoud, il n'y a aucun danger puisque, sans amour, sans rire, sans bonne compagnie que le flot des pétrodollars qui jaillit des profondeurs pour combler le néant de la surface. Mais d'où vient leur sorcellerie ? Non seulement, ils règnent sur la conscience de 1,5 milliard de musulmans, en plus ils réussissent à faire baver tous les puissants de ce monde. À l'exception de ces satanés Persans qui refusent de se soumettre, si doués pour la menace malgré leur isolement international. Pas étonnant que ce soit Khomeiny qui a eu la seule parole sensée, sous le Croissant, depuis des siècles : internationaliser les Lieux Saints de l'Islam.

C'est durant le pèlerinage de 1979 que la France des « Lumières » avec ses gendarmes du GlGN, convertis, dans l'urgence conformément à la charia, est venue au secours des « Serviteurs » et libérer la Grande Mosquée du « serpent » iranien. Pourquoi le grand gendarme et le petit gendarme du monde, l'Amérique et la France protègent ce « degré zéro de la culture », expression du diplomate français Jean Michel Foulquier, dans son ouvrage « Arabie Saoudite, la dictature protégée » ? L'auteur évoque le témoignage d'un officier de police, à la retraite, au sujet de l'impressionnant trafic de drogue, à bord de la flotte privée de la monarchie, vers la France en contradiction totale avec l'enseignement, sans concession, dispensé par les « sauveurs » d'un Islam pur et dur. L'affaire a été divulguée par la revue allemande ?Stern' et reprise, sans entrain, comme toujours, par la presse française (1). Aucune puissance au monde n'échappe au bâton ou à la carotte wahhabites. Selon ?The Gardien' (2) « ?les dirigeants de l'Arabie Saoudite ont menacé de faciliter des attaques terroristes contre Londres si les autorités britanniques ne mettaient pas fin à des enquêtes sur des ventes d'armes les impliquant?Le prince Bandar, chef du Conseil saoudien de la sécurité nationale a été identifié? comme celui qui avait menacé? » La presse russe, aussi, a révélé que ce prince avait menacé, avec les mêmes mots, Poutine s'il s'obstinait à soutenir le régime syrien. Ajoutons Obama, Prix Nobel de la Paix, le fan de la « communauté internationale », qui n'ose pas froisser le ?Jurassic park' qui détient le pouvoir de vie ou de mort sur ses 30 millions de sujets et condamne, le monde entier, à une insécurité chronique. Pire, des blogueurs se retrouvent en prison, en instance de flagellation pendant qu'au palais des ?Mille et une nuits', le raïs américain fait honneur au méchoui que lui offrent ses illustres hôtes habillés en blanc cernés d'or et de lumière tels des anges échappés du Paradis. Pourtant, la justice américaine a été saisie sur le pourquoi de cette étrange servitude. Des victimes se sont plaintes, notamment, des femmes des Noirs, des Juifs et autres spécimens considérés comme parias par la « sainte » monarchie.

Le premier cas concerne la compagnie pétrolière d'ARAMCO, de 1959, véritable lampe d'Aladin que les Ibn Saoud n'avaient pas besoin de frotter pour passer de l'enfer de la tente à l'eldorado du sérail. Jugeant qu'il était plus rentable d'utiliser des Autochtones que d'importer des travailleurs d'Amérique, ARAMCO a construit des logements des écoles, des hôpitaux, des universités pour avoir une main-d'œuvre locale qualifiée et en bonne santé. Des chercheurs du ?Baylor College of Medecine' ont été sollicités.

Un tri racial, confessionnel et sexuel a été imposé aux candidats. Le tribunal a conclu que seul le personnel du Collège était responsable, guidé par l'envie d'être plus royaliste que le roi. Dans un article datant de 2002 « Le scandale des relations Etats-Unis / Arabie Saoudite », signé Daniel Pipes, on peut lire : « ? En novembre 1990, le Président Bush est allé? rendre visite aux 400.000 soldats réunis en Arabie Saoudite, envoyés, là, pour protéger ce pays contre une invasion irakienne. Lorsque les autorités saoudiennes ont appris que le Président avait l'intention de dire le bénédicité, avant un dîner festif de Thanksgiving, elles ont protesté ; l'Arabie Saoudite ne connaît qu'une religion, ont-elles dit, et c'est l'Islam. Bush a obéi? En avril 2002, comme le prince héritier Abdallah d'Arabie Saoudite, véritable dirigeant du pays , était sur le point de voyager, à travers le Texas, pour rendre visite au Président Bush, des gens envoyés, en avant, ont parlé au directeur de l'aéroport de Waco? et lui ont dit qu'ils ne voulaient pas de femmes sur la passerelle et?qu'il ne devait pas y avoir de femmes pour prendre la parole dans l'avion? ?La Federal Aviation Administration' ( FAA) à Waco s'est conformée à cette demande? » En 1995, le lieutenant-colonel, Martha McSally, pilote de chasse, ayant le plus haut grade, dans la Force aérienne américaine en Arabie Saoudite a porté plainte : « Je suis capable d'être en position de leadership et de voler dans les sorties de combat, en territoire ennemi, mais quand je quitte la base, je remets les clés à mes subalternes hommes, je m'assoies à l'arrière et je porte la tenue musulmane qui est très dégradante et humiliante. » Ignorée par le système, elle rend l'affaire publique, le ministère de la Défense américaine, obligé de s'expliquer sur ces graves violations de la Constitution, réagit avec sagesse : il lui donne raison. En 2002, la Chambre des représentants a voté, à l'unanimité, l'interdiction pour le ?Pentagone' d'obliger les femmes soldats à porter l'abaya. Mais la situation n'a pas changé, l'armée américaine continue à acheter des abaya pour ses femmes « fortement encouragés » à respecter « la sensibilité de la nation hôte ». Traduction, celles qui copient McSally ont la certitude qu'il vaut mieux être humiliées, ouvertement, que sanctionnées subtilement?

Dans le royaume des Saoud, les grandes compagnies américaines n'emploient aucune femme parfois en contradiction avec leur logo. L'Amérique ne réagit pas plus, quand ses citoyens sont emprisonnés par les milices de la Vertu, encore moins quand des pères saoudiens kidnappent leurs enfants nés sur le sol américain pour les emmener dans leur pays? sans parler de la situation des chrétiens, des chiites? Plus étonnant, l'attitude des responsables de la Maison-Blanche, après le 11 septembre 2001. Tous les Ben Laden eurent le temps de quitter les USA, avant même que les enquêteurs ne puissent les interroger. Idem pour la princesse, Haifa al-Fayçal, épouse de l'ambassadeur saoudien aux USA, qui a donné, la veille du 11 septembre 2001, à l'un des terroristes une forte somme d'argent. Au point de faire dire au sénateur démocrate de New York, Charles Schumer, «Il semble que chaque fois que les Saoudiens sont en jeu, nous nous arrêtons (faire une enquête?) En revanche l'administration Bush a présenté des excuses au couple?» D'après le ?New York Times', l'épouse de Collin Powel et la mère du président ont même téléphoné à la princesse saoudienne pour lui témoigner leur « soutien et sympathie ». Mohamed Al Khilewi, diplomate saoudien, ayant obtenu l'asile politique aux USA a eu ce commentaire : « En ce qui concerne la relation américano-saoudienne, la Maison-Blanche devrait s'appeler la Tente Blanche. »

 Que dire des autres pays et notamment des « pauvres » pays arabes. C'est un secret de polichinelle d'affirmer que « l'argent saoudien officiel ou non, est derrière une grande partie de la rhétorique et de l'action islamistes extrémistes, dans le monde d'aujourd'hui.» (3) On a prouvé que tout était saoudien dans le 11 septembre : l'idéologie, le personnel, l'organisation et le financement. L'ambassadeur saoudien, le prince Bandar bin Sultan explique son succès, auprès des Américains puissants : « Si la réputation vient à s'établir que les Saoudiens traitent bien leurs amis, quand ils quittent leurs fonctions?

Vous seriez surpris de voir combien vous avez d'excellents amis lorsque vous venez juste d'entrer en fonctions. » Traduction : la corruption. Le bakchich. Pour paralyser l'administration de l'Oncle Sam, en leur faveur, les Ibn Saoud n'hésitent pas à corrompre les fonctionnaires bien placés, à offrir de fabuleux cachets aux ténors du barreau pour leur garantir une réputation immaculée etc. Heureusement que les pères fondateurs de l'Amérique ont eu la prudence de donner au dragon plusieurs têtes. Aujourd'hui ce qui empêche les USA de s'agenouiller, sans s'allonger, aux pieds des Ibn Saoud c'est ses élus. Cette démocratie participative qui permet à chaque citoyen de sanctionner le temps d'un vote. Les gardiens de l'Islam, pour ne pas dire ses kidnappeurs, ne reconnaissent aucune élection que celle divine dont seuls eux en sont bénéficiaires. Le Président Roosevelt avait, déjà, un pied dans la tombe quand il signa l'accord avec Ibn Saoud, deux hommes puissants vieux malades intelligents, mais là où le premier complète, avec une sorte de naïveté relative, l'autre lui oppose une brutalité définitive. Le président américain aurait dû se méfier quand il a su que son invité a pris la précaution de venir au rendez-vous historique du ?Quinty' avec plusieurs otages de tribus dont il suspectait la fidélité. Au contraire, Roosevelt fut impressionné : «Parmi tous les hommes auxquels j'ai eu affaire, au cours de ma vie, je n'en ai pas rencontré un seul dont j'ai pu moins tirer que ce monarque arabe à la volonté de fer. »

Trois ans avant la mort du Patriarche saoudien, un délégué de l'ONU, invité au Palais exprima sa fascination à la vue des milliers de lampadaires s'allumant, dès la tombée de la nuit, cernant en lucioles jusqu'à l'horizon, les alentours paradisiaques de la résidence royale.

 Assis sur le fauteuil roulant, cadeau de Roosevelt, Saoud leur précisa : « Ce que vous voyez là, Excellence, ce sont les colliers de perles de l'Arabie nouvelle. Cependant, les plus beaux joyaux que je possède, ce ne sont pas ces lumières. Ce sont mes fils?Si Dieu les aide autant qu'il m'a aidé?ils arbitreront, un jour, les destinées de plus de 100 millions de Croyants.» Son excellence s'étonna : « N'est-il pas imprudent de vouloir prévoir aussi loin ? Le monde vit sur un volcan?» Réponse du géniteur des joyaux: «Il n'est de pouvoir qu'en Dieu? Il m'est apparu dans le désert, au temps de ma jeunesse, et m'a dit une parole que je n'ai jamais oubliée. C'est elle qui a inspiré tous les actes de ma vie?» «Peut-on savoir ce qu'Il a dit à votre Majesté ?» Après réflexion, le souverain inspiré répliqua : «Pour moi tout n'est qu'un moyen, même l'obstacle.» Une réponse terrifiante et sans camouflage. Un pouvoir absolu sur des millions d'êtres humains avec même l'obstacle comme moyen. À l'annonce de son décès, tous les habitants se sont figés, sur place, comme des marionnettes coupées de leur fil, la mort du Prophète n'avait pas suscité un tel effet : «Lorsque les habitants? apprirent que le cœur, le plus puissant d'Arabie, avait cessé de battre, ils furent saisis d'une sorte de stupeur. » Si la nature après 50 naissances donne un génie, à la race humaine, dans le monde arabe, elle est contrainte de le faire naître dans le harem des Ibn Saoud ou de l'étouffer dans le ventre de sa mère. L'or noir, en imbibant les sables d'Arabie, les a rendus mouvants.

Le prophète se contente de fabriquer des fatwas, plus c'est hallucinant plus c'est amusant. Quant au frère siamois, le guerrier, il est devenu « roi fainéant » sans perdre une once de gloire grâce au « serment des barbares ». Le Liban, l'Irak, l'Algérie, la Libye, la Syrie, le Yémen?tous doivent goûter, à égalité, la décennie noire sous l'étendard noir. Un Khalid Ibn Walid est remplacé par un taulard, un drogué, un maboul, c'est bien pratique pour ne pas salir d'augustes mains. Qui mieux que les pétrodollars savent diluer les encombrantes nationalités, engendrées par le leurre des indépendances.

Lawrence d'Arabie ajoute : «On peut lier les Arabes à une idée, comme à une longe. La libre allégeance de leurs esprits en fait des serviteurs fidèles et soumis. Aucun d'eux n'essaie de s'échapper avant le succès. On les entraînerait aux quatre coins du monde, rien qu'en leur montrant les richesses et les plaisirs de la terre. Mais qu'ils rencontrent sur leur route le prophète d'une idée, sans toit pour abriter sa tête et sans autre moyen de subsistance que la chasse ou la charité, et ils le suivront aussitôt?Ce sont d'incorruptibles enfants idéalistes, aveugles aux couleurs comme aux nuances? peuple aussi instable que l'eau, mais, précisément comme l'eau, assuré, peut-être, à la fin de la victoire? » . Imaginer les Lieux Saints sans les Ibn Saoud c'est rêver d'une Algérie, sans FLN et sans généraux. Le ressort a perdu son élasticité, mais quel ressort ? Les opposants survivants ont peur du changement, ils finissent tôt, pourquoi une malédiction renouvelée ne vire pas à la bénédiction ? Les Anciens croyaient que c'est l'obstiné qui remporte la victoire sur le méchant. Aujourd'hui, la cellule maboule s'est mise à fabriquer l'obstiné avec la pâte du méchant et vice-versa. L'Arabie Saoudite n'a rien cédé, la « volonté de fer » du Patriarche guide les fils sans avoir besoin d'utiliser la ruse et la prudence. Rien qu'un léger lifting pour s'adapter au look du monde moderne. Par contre, le monde moderne semble s'adapter à elle, en profondeur. Les rats et les cafards survivent bien aux abeilles et aux papillons. 20 années plus tard, après le livre ?Ibn Saoud', Benoist Mechin écrit en 1974, sa déception dans Un Printemps Arabe : « et si c'est la faute aux Arabes, ces grands enfants du désert, si les vapeurs du pétrole leur sont montées à la tête?Abdul Wahab les avait cuirassés d'austérité, parce qu'ils les savaient avides et jouisseurs.

La cuirasse est brisée et l'avidité triomphe? » Aujourd'hui, ce commentaire ferait sourire les « Indignés » et les psychologues. Pour les premiers, le désenchantement est omniprésent, les vapeurs pétrolières ont envahi la planète entière. Par nature, l'enfant est joueur, l'adulte jouisseur s'il ne s'interdisait les lignes rouges qui menacent l'équilibre social. Quant aux seconds, confortés par moult expériences scientifiques, les spécialistes de la nature humaine savent qu'on ne peut cuirasser le genre humain, sans le déshumaniser, en faire un Frankenstein, un zombie. En plus, qui peut avoir la prétention de cuirasser des millions de ses semblables sinon un malade mental ?

1 : Quotidien français ?Libération' 2 août 1995

2 : ?The Gardien' 15 janvier 2008

3 : Ben Gilman (président des relations internationales )