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Mouvement associatif dites-vous ?

par Mohammed Beghdad

Selon le site du ministère de l'Intérieur, la situation arrêtée à la date du 31 décembre 2011 sur l'état associatif général du pays est de 1027 associations nationales agréées [1], tous domaines confondus. Au niveau local, ce sont 92627 associations [2] qui sont présumées actives.

C'est au niveau local que le besoin du travail associatif se fait le plus sentir. Les associations nationales dans leur grande majorité s'il l'on excepte quelques raretés, comme de nombreux partis d'ailleurs, occupent plus les salons cossus des résidences et des grands hôtels que le terrain bouillonnant de notre société. Ces derniers temps, avec cette prolifération de chaînes de télévisions pseudo-privées, elles sont beaucoup plus occupées à soigner leur image télégénique pour d'éventuelles escalades dans l'échelle de l'opportunisme que d'être aux côtés des populations qu'elles sont censées défendre leurs intérêts.

Encore pire pour les présidents des associations locales, qui fréquentent souvent les bureaux des responsables pour de quelconques dividendes, se transformant ainsi, de façon douteuse, en des permanences électorales pour tel ou tel candidat d'un parti après que le vent ait indiqué la direction à suivre en faveur du futur vainqueur, omettant par conséquent toutes les prérogatives associatives. En usant de la brosse dans le sens du poil, ils tuent l'émergence d'une réelle société civile. Heureusement qu'il existe des associations incorruptibles, qui luttent de toutes leurs forces, le plus souvent à contre-courant contre vents et marées, afin que le mouvement associatif puisse écrire quelques lettres de noblesse.

À titre d'exemple, les associations des handicapés et les inadaptés, puisque c'est de cette tranche souffrante de la population qu'il est question, représentent localement 1.33 % du total, soit 1234 au niveau de tout le pays. A titre d'exemple, la wilaya de Relizane dispose d'un pourcentage encore plus faible par rapport à la moyenne nationale, voire insignifiant, avec un taux de 0.3 % sur l'ensemble des 330 associations officielles quoique sa population soit de 2.13 % de la totalité du pays, ce qui nous adjuge donc un déficit de 1643 associations dans cette wilaya ! Il faut noter, au passage, que cette wilaya est la moins représentée après celle de Tindouf mais cette dernière est environ 15 fois moins peuplée. Au prorata, la wilaya de Relizane se classe donc en queue du peloton. Si je m'appuie ici sur cette wilaya, c'est dans le but de vous montrer que du néant peut surgir une référence. Souvent, c'est la qualité qui fait la différence.

En effet, il existe des associations qui activent dans l'ombre au sein de la société. On discerne certainement de nombreux cas comparables à travers tout le territoire national qui possèdent le sens du travail associatif et n'attendent nullement de quelconques récompenses mais seulement de la reconnaissance de la part des autorités par leurs éventuelles assistances dans leur besogne quotidienne.

Avant la célébration de la journée internationale des personnes handicapées qui coïncide avec le 3 décembre de chaque année, j'ai rendu visite en ce 1er du mois de novembre écoulé, journée très chère de notre histoire contemporaine, en compagnie de quelques amis de groupes de réseaux sociaux, à une association de la ville que j'ai connue grâce à Facebook et qui avait attiré notre intention par son formidable travail de proximité vis-à-vis de cette catégorie qui n'est point gâtée par la vie.

Rappelons que cette journée a été effectivement proclamée depuis 1992 par les Nations unies. Comme le note si bien le site dédié à cette catégorie spécifique de la population mondiale, cette commémoration universelle est l'occasion idéale de réaffirmer certains principes de base, trop souvent oubliés comme : «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits». Le respect de cette dignité due à chaque personne, valide ou non, implique la reconnaissance de droits fondamentaux comme l'éducation ou l'accès au travail [3].

Les manifestations organisées en cette occasion nous incitent à modifier le regard que nous portons sur les personnes handicapées. Dommage que de telles journées passent presque inaperçues dans le pays. Juste un petit reportage dans le journal télévisé et puis c'est l'oubli presque total tout au long de l'année. Avoir un handicap, c'est presque pour la plupart pour toute la vie. Ces êtres qui sont nés avec des incapacités physiques ou ils le sont devenus par de divers accidents de la vie.

Imad Imc*, puisque c'est l'exemple dont repose ce modeste papier, est une association qui a deux adresses de part et d'autre des deux rives de la Méditerranée. Elle a un pied à Bobigny en région parisienne en France (dans le département de Seine-Saint-Denis, plus connu sous le numéro fétiche du 93) et où elle milite dans une association de handicapés [4] et qui a même fait l'objet d'un reportage sur le journal de la ville [5]. L'autre pied se situe plus exactement à la cité Dnc de Relizane. Elle s'emploie durant toute l'année à lever des fonds de toute nature pour venir en aide aux mêmes catégories d'enfants au sud de la Méditerranée.

Elle n'hésite pas à organiser des concerts pour financer l'acheminement de dons de matériel médical pour des enfants porteurs de handicap en Algérie. C'est ce qu'elle avait fait avec succès en cette soirée de solidarité du 30 novembre 2013 à la salle Pablo Neruda de Bobigny avec la participation dévouée de sponsors locaux. Elle a poussé même les portes de l'exploit pour faire de même à Relizane le 12 mars 2013 à l'hôtel Mina de la ville avec l'aide et la disponibilité de Ferhat, membre de l'ex-groupe des « Sailors » et de sa troupe venue spécialement d'Oran pour la noble cause, sans oublier l'animation des infatigables Madjid, Mokhtar, Redouane et d'autres amis facebookiens.

Les handicapés et leurs familles étaient les vedettes de cette agréable soirée par leur sympathique présence au cours de laquelle des chaises roulantes ont été distribuées par l'association aux plus nécessiteux. Si une telle solennité ait été célébrée, c'est uniquement dans l'intention de sensibiliser les citoyens sur les bienfaits de l'humanisme. Comme le note l'ami Larbi dans un de ses posts, derrière cela, il y a le message du cœur et de l'humilité, un geste devenant une denrée rare de nos jours. Si certaines institutions étatiques, dont la prise en charge des malades handicapés est défaillante, et c'est aussi vraie, ces associations caritatives ne doivent pas les prendre comme exemple, c'est-à-dire de se condamner à l'immobilisme. Car il y va de la survie de cette frange de la société.

Lors de notre dernière visite que nous avons effectuée à l'adresse de cette association, nous avons été interpellés par l'honorable attitude de sa présidente, en l'occurrence notre héroïne Rafika, qui est au four et au moulin, n'a pas hésité un instant pour mettre le rez-de-chaussée de sa maison du bled à la disposition de ces handicapés qui viennent parfois de loin durant toute la journée effectuer des rééducations avec le matériel qu'elle l'avait ramené d'outre-mer avec tous les tracas administratifs et les aléas du transport que cela suppose ainsi que le temps fou et l'énergie incroyable qu'elle n'a pas ménagés pour braver l'inimaginable.

Ce ne sont pas moins d'une centaine d'enfants handicapés qui sont pris en charge tout au long de l'année. Il faut également souligner l'attention et l'affection que portent toutes ces personnes de ce modeste centre qui s'occupent de ces polyhandicapés en ne lésinant pas sur les moyens, quoique modestes, mis à leur disposition pour faire l'impossible de les soulager de leurs épreuves quotidiennes qu'ils endurent avec leur entourage. J'ai vu des mamans qui viennent d'une vingtaine de kilomètres pour ramener leurs enfants faire leurs séances, nonobstant les difficultés de transport, d'un bus à un autre, surtout particulière d'un handicapé. J'ai également rencontré un papa dont la vie professionnelle est complètement bouleversée et qui souhaite un rapprochement de son lieu de travail afin de s'occuper pleinement de sa fille handicapée. Chaque situation est un vrai cas particulier.

C'est dans ces conditions extrêmes que cette dame, qui en passant est douée d'un incroyable dynamisme, gère tous les jours au milieu de toutes les sollicitations de ces familles qui ont trouvé en elle un véritable réconfort et un soutien indéniable. C'est vrai qu'elle est elle-même mère d'un handicapé. Ce qui explique fortement sa détermination farouche pour cet auguste combat qu'elle mène sur les deux fronts de la Méditerranée puisqu'elle sent les profonds sentiments des parents de ces malades et le calvaire qu'ils subissent tous les jours pour leur apporter un tant soit peu de bonheur et d'amour. C'est dans l'échange de ces riches expériences qu'elle décèle sa récompense.

Malgré tous ces sacrifices et sans l'appui formel de l'Etat, ces aides restent insuffisantes au vu de la particularité de ces patients. Ces handicapés ne peuvent pas vivre dans l'incertitude en attendant aléatoirement qu'un éventuel donateur vienne taper à leurs portes. Certes les associations intègres, comme celle que je viens de citer, peuvent apporter un certain soutien moral et permanent mais la logistique doit émaner des institutions publiques qui ne doivent pas omettre leurs implications dans la vie publique.

 Il est anormal que les autorités ne puissent pas dégager des terrains de quelques dizaines de mètres carrés pour la construction de centres avec toutes les commodités nécessaires afin que ces personnes infirmes, en plus de leurs handicaps qui ne les avantagent déjà guère dans leur quotidien et en ne comptant que sur leur visible ténacité, puissent enfin goûter à une certaine dignité. Ça y va du devoir de tous.

* Imc : Infirmité motrice cérébrale.

NB : Nous souhaitons un prompt rétablissement à Imad, dont l'appellation de l'association porte le nom, et qui vient de subir une lourde opération d'un de ses multiples handicaps.

Sources :

[1]http://www.interieur.gov.dz/Dynamics/frmItem.aspx?html=1&s=29

[2]http://www.interieur.gov.dz/Dynamics/frmItem.aspx?html=2&s=29

[3]http://www.handicap-international.org/

[4] http://apf93.blogs.apf.asso.fr/

[5]http://www.bobigny.fr/fileadmin/bobigny/MEDIA/Publications/bonjour_bobigny/2013/bonjour-bobigny-n690.pdf