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La « théorie du complot »

par Bouchan Hadj-Chikh

« Il me paraît essentiel qu'il y ait des gueux ignorants (?) quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu » Voltaire 1766 Lettre à Damilaville 1er Avril 1766

Vous croyez, sans doute, que la formule du 16 ème président des Etats-Unis, M.Abraham Lincoln ? « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » au eu un sens au cours de l'histoire de ce pays ? Que le même article, repris dans le 2eme article de la V ème République française, a trouvé son expression dans l'exercice du pouvoir au quotidien en France ? Que « la révolution par le peuple et pour le peuple », fondement de la République Algérienne, est traduit quotidiennement dans les faits ? Voire.

Evaluez vos élus par leurs actes, allez à leur rencontre, discutez avec eux ? après tout, vous êtes supposées les avoir élus, n'est-ce pas ? - et vous vous ferez une opinion.

Lisez la presse et vous vous trouverez « prenant les armes contre une mer de troubles », voguant à travers des interrogations qui ne trouveront pas de réponse, comme Hamlet dans la scène III acte I du monologue de Shakespeare. Car « quelque chose est pourri » dans les royaumes en ce début du XXI siècle.

On nous cache tant de choses. On en dévoile si peu.

Dès qu'un observateur parvient - à force de déchiffrages de documents, de recoupements - à éventer des secrets pour expliquer l'orage qui risque de s'abattre sur un peuple, ceux qui les concoctent sont les premiersà habiller les conclusions évidentes d'un méprisant « théorie du complot ». Plus tard, pourtant, toute honte bue, calmement, devant les caméras de la télévision - comme il y a quelques mois lorsqu'elles diffusèrent « les chiens de garde » - les « responsables » d'alorsavoueront, sans le moindre tremblement dans la voix, leurs forfaits. Délibérés.

Le meurtre de Maamar Kadhafi, il y a trois ans ? déjà ? -échafaudé par l'Otan, sous traité par le Qatar qui y a bien pris une grande part, a été exécuté lors du bombardement des appareils français de sa colonne militaire qui l'escortait dans sa fuite de la nasse où il s'était laissé enfermé en fait partie.

Lundi 6 Octobre, de la bouche des acteurs, sans la moindre émotion, tout ce qui se murmurait fut confirmé. Le conseiller spécial de M. Sarkozy, et son ministre de la « défiance nationale », ainsi que d'autres personnalités arabes de premier plan sont « passés aux aveux ».

C'est dur, pour celui qui a vu clair ? Kadhafi fut de ceux-là quand il mettait en garde ses pairs contre ce qui les attendait ?dans le déhanchement des chefs d'états occidentaux, un échauffement en vue d'une danse macabre. C'est dur de l'entrevoir, de le vivre et d'y perdre la vie. Dur, de notre coté, d'être le témoin d'un désastre - cette nouvelle « chronique d'une mort annoncée », pour reprendre le titre du célèbre roman de Gabriel Garcia Marquez -.

Le peuple libyen, qui bénéficiait du plus fort PNB en Afrique, au dessus même que celui de la Hollande, écrit le chercheur Garikai Chengu, de l'Université de Harvard, paie, à ce jour la note. Il vit, au quotidien, les tentatives de démembrement de son pays. Comme la « somalisation »de cette contrée de la corne de l'Afrique qui n'intéresse plus les médias ni le monde politique parce que, sous les pieds des pauvres hères somaliens, il n'y a pas de ressources en pétrole et en gaz.On meurt toujours en Somalie. Mais les somaliens sont en jachère. On activera leur malheur le moment venu quand la crise mondiale conduira à réhabiliter la base abandonnée de Berbera, sur la mer rouge - construite par les américains pour servir de piste d'atterrissage alternative à la navette spatiale ? pour servir de pont d'agression.

Qu'ont-ils donc fait de la Somalie ? De l'Afghanistan ? Du Yémen ? De l'Irak ? De la Lybie ? Ils se reconstruisent, répondent-ils ? Avec qui ? Pour qui ? Et pourquoi tant d'acharnement sur la Syrie ? Pour remettre en question les facilités d'attache aux navires de guerre de la flotte russe. D'une part. Pour consolider le flanc est de l'entité sioniste. D'autre part. Pour ouvrir toutes grandes les oreilles électroniques sur l'Iran et calmer toute velléité de contestation arabe dans la région. Enfin contrôler l'ensemble de la mer méditerranée.

Les hommes politiques « sponsorisés » qui sortiront vainqueur de cesmêlées se verront rappeler, un jour, d'où leur venaient les soutiens militaires, quiveillaient aux entrainements de leurs troupes, pour les inviter à payer la note. Comme l'indiquait cet agent des services spéciaux américains, M. John Perkins, dans le documentaire « repentir d'un agent d'influence » de Stelios Koul.

Tout se paie.

Quand le comptable tarde à honorer les prestataires de service, le fournisseur lui indique la porte de sortie. Ce fut le cas au Qatar. Un prince a évincé un autre prince. Une affaire de la plus haute importance politique pour la région réduite, dans les médias, à une querelle familiale de bas étage. Derrière cette éviction, il s'agit bien de l' « arabisation » du conflit, avec ses supplétifs comme avant hier les « goumis » ou les « harkis », hier la « vietnamisation » d'une partie de la péninsule indochinoise. Israël peut être rassuré. Son travail de sape dans la région a été et sera mené à son terme ? ce qu'à Dieu ne plaise- en toute confiance.

Complots ?

Ce ne sont pas là de simples incidents dans le cours de l'histoire contemporaine. S'est-on jamais demandé, ces dernières années et mois pourquoi le vent des « Printemps arabe» n'a soufflésur aucune monarchie arabe qui sont tout aussi dictatoriales que les régimes balayés par la rue remontée ? Curieux, n'est-ce pas ? Est-ce que les libertés fondamentales y sont garanties ? Est-ce que travailleurs du Bengladesh, des Philippines et du Pakistan sont traités selon les normes du Bureau International du Travail ? Pensez donc !

Complot, Répétez-vous ? Lisez plutôt ces quelques lignes :

« Quelques-uns croient que nous ? faisons partie d'une cabale travaillant contre les meilleurs intérêts des Etats Unis, caractérisant ma famille et moi en tant qu'internationalistes et conspirant avec d'autres autour de la Terre pour construire une politique globale plus intégrée ainsi qu'une structure économique ? un seul monde si vous voulez. Si cela est l'accusation, je suis coupable et fier de l'être ». L'auteur ? David Rockefeller, le banquier.

De sa plus belle plume. Dans ses Mémoires, page 405. Le même banquier déclarait, le 23 Septembre 1994 : « La présente fenêtre d'opportunité durant laquelle un ordre mondial pacifique et indépendant peut-être construit, ne sera pas ouverte pour très longtemps. Nous sommes à l'orée d'une transformation globale. Tout ce dont nous avons besoin est une crise majeure appropriée et les nations accepteront le Nouvel Ordre Mondial ».

Cela a pris du temps. Et nous y sommes.

L'effondrement de l'URSS ne leur suffit plus

C'est un « ordre mondial nouveau » qu'il leur faut. Le Dr Henry Kissinger, professeur à Harvard, ancien secrétaire d'état US, déclarait, dans un discours prononcé en Turquie, « ceux qui rejettent l'ordre mondial sont des terroristes ». Pas moins ! A la manière de M.George W. Bush quand il lança ses troupes pour détruire l'Irak. Au nom de la démocratie. « Vous êtes avec nous ou contre nous » proclamait le petit fils de M. Prescott Bush, banquier de son état qui, affirment les historiens, contribua à la mise en place à l'aspect financier du nazisme. Tout comme, en d'autres domaines, l'industriel Ford.

La tension mondiale autour de l'Ukraine procède de la même stratégie du « containment » de la Russie.

Et le reste de la planète dans tout cela ?

Souvenez-vous du Président Houari Boumediene, à la tribune des Nations-Unies, martelant ses mots quand, au nom des pays non alignés, il revendiquait « un Nouvel Ordre Economique Mondial ». Autre chose. Ce que le tiers monde voulait pour soi. Un monde plus juste. Ce tiers monde revendiquait le droit de vivre. Les puissances mondiales pensaient à un monde unique, à une gouvernance mondiale sous sa direction. A la mondialisation que tout le monde tient pour une fatalité après avoir baissé les bras. En somme, à l'abandon des souverainetés nationales, à la primauté du producteur docile, à une direction confiée à une oligarchie apatride.

Le totalitarisme à visage humain

Cette prétention n'est pas née dans l'esprit de Ian Fleming et de son héros James Bond. Elle est une perspective depuis 1921 avec la création du « Conseil des relations internationales ». Elle prit forme en 1952, avant de se concrétiser lors de la première réunion, entre le 29 et le 31 Mais 1954, dans l'hôtel deBilderberg, à Oosterbeek, en Hollande, après une préparation confiée au Prince Bernhard de Hollande et à M. Joseph Herzinger (1891 ? 1967). Auxquels il faut sans doute ajouter le travail préparatoire de l'ancien Directeur des services spéciaux US d'avant la seconde guerre mondiale, l'OSS, M. William Joseph Donavan, dès 1948, au sein du « Comité américain pour une Europe unie ». Son budget d'alors : un million de dollars attribué par la CIA. Somme colossale pour l'époque.

Pour faire court, rappelons que ces réunions du groupe Bilderberg, quasi secrète, composéesde 120 à 130 membres, tous cooptés, réunit tout ce qui compte vraiment dans ce monde occidental.

Uniquement de ce monde là. Pas un arabe.

Ni un Latino-américain ou un asiatique.

Elles furent à l'origine de l'Europe du charbon et de l'acier qui déboucha sur le traité de Rome constitué comme force politico économique liée aux Etats-Unis pour contenir l'Union Soviétique. Un pont transatlantique entre l'Amérique et l'Europe. L'un des rédacteurs de ce traité se trouve être un autre banquier. M. Rothschild.

C'est au sein de ce groupe que la guerre en Irak a été discutée et décidée en 2002. Comme fut décidée l'invasion de l'Afghanistan l'année précédente. Paul Horowitz, alors Secrétaire d'état adjoint à la défense, participa en 2005, es qualité, à certaines sessions de ce groupe.

On y discute de ce qui devra être fait. On y décide du sort du monde et des peuples. Même européens, quand ils mordent sur la ligne blanche. Ainsi, la violence en Italie, un temps, fut leur produit phare dénoncé, dans un ouvrage intitulé « la République des massacres impunis », par le juge Ferdinando Imposimato ? juge d'instruction de l'assassinat du président du conseil Aldo Moro ?. Le magistrat accuse l'Otan, donc ce groupe là, d'être derrière les évènements sanglants vécus par son pays.

Les patrons des grands média mondiaux

Le Washington Post, le New York Times, le Figaro, pour ne citer que ceux-là, sont leurs invités. « The ruling class journalists », comme les qualifie Richard Harwood dans son livre. Des journalistes dont on « n'exige pas des analyses concernant les propos qu'ils auraient entendu, ni d'interpréter la politique extérieur. Leur rôle est d'aider à son élaboration au quotidien ».

Version française de ces conciliabules, les réunions du premier jeudi de chaque mois au cours desquels les journalistes français de premier plan, rédacteurs en chef et directeur d'organe, se réunissent avec des « décideurs », industriels et politiques, pour écouter leur point de vue sur les questions de l'heure quiferont les « premières pages » de leurs organes respectifs et constitueront la base des éditoriaux des journaux et magazines ainsi que les titres d'ouverture des journaux télévisés du soir. Pour broyer les consciences.

Echanges d'idées seulement?

Le noyau central du Groupe Bilderberg, composé de Henry Kissinger, David Rockefeller et d'une trentaine de dirigeants, dont le vicomte belgeEtienne Davignon, qui préside les sessions depuis 1999, ont parrainé les campagnes et les élections de MM. Gerard Schroeder, Jimmy Carter, Bill Clinton et Mme Margaret Thatcher. Leurs derniers invités, le Premier Ministre français M. Manuel Vals et la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Fleur Pellerin. Leur avenir politique serait tout tracé.

Le groupe Bilderberg aurait, affirme-ton, adoubé Obama. C'est le journaliste américain Daniel Estorin qui l'écrit. Vrai ? Il insiste : parmi les personnalités invitées à la conférence de 2008, bon nombre de ses ministres en sont les produits.

C'est certainement vrai.

Ces derniers années, ils ont identifié les leaders de demain, formatés, pour les aider à accéder au pouvoir. Ces leaders des protesta du pseudo printemps arabes, ces jeunes passés par des formations accélérées pour conduire des manifestations de rue.

Reconstruire le monde ? Pour qui ?

Quand le 11 Novembre 2009, le député européen, M. Mario Burghezzia, membre du groupe « Europe of Freedom and Democracy » prit la parole en session plénière pour réclamer plus de transparence dans les décisions du groupe, quand fut imposée à l'assistance la candidature du Président du Conseil, il rencontra un silence impressionnant dans l'hémicycle. Plus tard, il voulut, avec d'autres députés, forcer le cordon de sécurité pour pénétrer dans le hall de l'hôtel Sourvette de Saint Moritz, en Suisse, où se déroulait la conférence de Bilderberg, en Juin 2011. Il fut, arrêté et molesté par les gardes. Sans qu'un tel acte de violence ne soulevât la moindre vague.

L'Europe ? Du cousu mainmade in USA.

Deux commissaires britanniques, purs produits de l'école de Chicago et des Universités britanniques à l'enseignement réorienté, interprétèrent, dans les années 80, à leur manière, l'article 90, para 3 du traité de Rome, transformant une directive autorisant, dès 1982, la commission européenne à légiférer en matière de libéralisation alors que, dans sa rédaction, il ne s'agissait que d'une recommandation. L'Europe se substituant à la souveraineté nationale.

Et l'Algérie ?

Ne vous étonnez pas donc sicertains seront amenés à se poser toutes ces questions, pourquoi ils éprouveront des doutes en pensant voir, dans les attitudes des uns et des autres, en dehors des principes fondamentaux de l'Algérie combattante, la main « bienveillante » qui dirigerait le pays. Jamais, ces dernières années, ces derniers mois, la presse algérienne n'a autant cité les analyses de la Banque Mondiale ou du Fonds Monétaire International, auditeurs attentifs du Groupe de Bilderberg. Des analyses dont on se passait, en d'autres temps, quand la gestion du pays était maitrisée. Quand ce pays était - avec un baril de pétrole ridiculement bas ? moins cher qu'un baril de Coca Cola -« un slogan et une adresse ». Avec une capacité de mobilisation considérable dans le concert des pays d'Afrique, du monde dit « arabe » et même en Asie et dans les Caraïbes pour réduire la pression des puissantes nations industrialisées occidentales.

Alors ?

« Décennie noire » ? « Infitah » ? Fatalité ?

Quel est le peuple qui acceptera, un jour, qu'il n'est qu' « une populace », comme le prétendait Voltaire ?

Notes :

* Milton Friedman, le théoricien de la libre entreprise de l'Université de Chicago, donne, froidement, pour expliquer la capacité de nuisance des états, cet exemple : les clandestins, contrairement aux américains, en Californie, trouvent du travail rapidement, dès leur arrivée, parce qu'ils acceptent les règles du jeu, accepter que leurs patrons ne les déclarent pas. Et donc n'imposant, de par leur travail, aucune charge.

* David Rockefeller, le boulimique banquier, a présidé, ou préside, aux destinées de 5 « think tanks » :« The Council of the Americas », « The Americas Society », « The forum of the Americas », « The Institute for International Economics », « The Trilateral commission ».

* Henry Kissinger, ancien secrétaire d'état US, auteur de « L'Ordre Mondial »,

septembre 2014