Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

BNP Paribas épinglée

par Akram Belkaïd, Paris

De temps à autre, un événement, qu’il soit économique ou politique, rappelle à la planète entière que les Etats-Unis sont et demeurent la première puissance mondiale et qu’ils peuvent dicter leur loi en toutes occasions. C’est ce qui vient à l’esprit quand on examine la récente décision de la banque française BNP Paribas d’accepter de plaider coupable et de payer une amende de 8,9 milliards de dollars (6,5 milliards d’euros) pour clore un dossier où elle est accusée d’avoir violé des embargos sur le Soudan, Cuba et l’Iran. Il faut dire que BNP Paribas avait beaucoup à perdre. Outre la perspective d’un procès dommageable pour sa réputation, elle risquait de perdre sa licence bancaire aux Etats-Unis.

Violation d’embargos

Ainsi, rien n’y a fait. Ni les efforts diplomatiques du gouvernement français ni la mobilisation d’une escouade d’avocats. BNP Paribas est aujourd’hui lourdement condamnée et mise en cause. Sa réputation est affectée de manière négative et il lui faudra dépenser des sommes importantes en communication afin de faire oublier cette affaire. Certainement motivés par leurs propres ambitions politiques, le ministre de la Justice américain, Eric Holder, le procureur de l’Etat de New York, Cyrus Vance, ainsi que le régulateur bancaire du même Etat, Benjamin Lawsky, ont fait preuve chacun d’une détermination sans faille pour amener l’établissement français à plier. Le message est clair. Quelle que soit la taille de la banque et quelle que soit sa nationalité, les Etats-Unis peuvent la traîner devant les tribunaux surtout s’il s’agit de cas liés à un non-respect des embargos décidés par Washington (parfois de manière unilatérale). Du coup, on pense aux banques du Golfe dont certaines entretiennent des relations économiques et financières avec l’Iran et qui sont dans le collimateur de la justice américaine.

INTERROGATIONS SUR LA SANTE FINANCIERE

Pour bien prendre la mesure de cette affaire, il faut savoir que l’amende infligée à la banque française équivaut à son bénéfice annuel. Du coup, les questions quant à la solidité de BNP Paribas sont désormais posées et l’on attend d’elle qu’elle précise comment elle compte financer ces 8,9 milliards de dollars. Depuis lundi, les dirigeants de BNP Paribas s’emploient à rassurer actionnaires et analystes mais il est indéniable que l’établissement va être suivi de près au cours des prochaines années. Certes, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le gendarme des banques, s’est déclarée rassurée par la capacité de l’établissement français à tenir le choc mais les doutes ne vont pas être levés tout de suite. C’est d’autant plus vrai qu’outre l’amende, la banque n’aura pas le droit de financer, durant toute l’année 2015, certaines opérations en dollars sur les marchés des matières premières. Un manque à gagner qui risque d’être important car BNP Paribas est très présente sur ce secteur. A ce sujet, on voit l’importance que revêt la devise américaine. En effet, cette dernière est incontournable sur de nombreux marchés financiers dont celui des commodités (comme par exemple le pétrole ou les produits agricoles) et, à ce jour, l’euro n’a pas été capable de la concurrencer et encore moins de la supplanter.

 Reste désormais à savoir si la décision américaine va générer des représailles de la part de l’Etat français cela d’autant que les autorités américaines ont aussi obtenu que treize dirigeants et cadres supérieurs devront quitter BNP Paribas. Toutefois Paris a très peu de moyens de rétorsion en sa possession cela sans compter le fait qu’il se dit que d’autres établissements français pourraient être mis en causes pour les mêmes raisons.

La chronique économique s’interrompt pour la période estivale et reprendra le mercredi 3 septembre.