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L'impasse

par El Yazid Dib

Il fut un temps où ce parti créait, outre l'Etat, faisait encore le système. Il en était le souffle. Qu'en est-il en ces jours ? Une impasse.

L'on dirait qu'il s'agit là d'un lot de terrain marginal objet à convoitise entre deux personnes qui trainent chacune bon nombre de personnes. Mardi dernier le parti a donné l'image la plus modique de son existence. Interdire l'entrée à des dirigeants ou à des membres es-qualité au motif d'une quelconque unilatéralité réglementaire sied bien à un groupe voulant préserver à prendre en main un parti dévidé et asséché. La démocratie voudrait que l'on y aille aux urnes. Que l'on fasse bon dos face à ses partenaires pour ne pas dire ses adversaires. Faites vos coulisses et laisser le bulletin agir à sa façon. Gérer une séance du comité central à partir d'un portable, attendre l'ordre d'accès pour un tel ou un tel est bel et bien un agissement qui s'éloigne d'une démocratie interne.

Empêcher Belkhadem ministre d'Etat, représentant personnel du président de la république, président du parti d'y accéder et le laisser circambuler d'un hall à une réception d'hôtel est une nouvelle marque virale partisane. Bref, c'est ça en somme les symptômes d'un organe fiévreux. Le délire, l'hystérie et la mort à l'œil.

D'année en année, d'une échéance à une autre, d'un comité central au prochain ; le FLN est en phase de décomposition au détriment de tout un peuple. Les protagonistes qui s'entredéchirent à coup de communiqués ou de conférences de presse n'agissent pas pour l'intérêt du parti et clament chacun dans ses tranchées que cet intérêt ne s'arrête pas à une personne. Ils cultivent la division quand l'histoire recommande à tout jamais la convergence dans une diversité d'avis. Ce n'est pas propre au FLN, ce qui surgit comme ennui, récrimination, implosion, recul collectif et frustration. Tous les partis connaissent à une telle phase évolutionnaire de leur vie active, une telle fièvre indocile et acariâtre.

Le FLN dans sa peau actuelle ne déferait-il pas de ce sigle assez expressif et symbolique qui a fait du siècle écoulé, une épopée indélébile ? A t-il réussi à demeurer ce lien charnel unissant l'algérien à son compatriote ? Autant d'interpellations que légitimement tout algérien est épris d'en découdre. Loin l'idée de le mettre au musée, ou lui mettre une camisole pour l'interner plus qu'il faudrait l'en faire à ses tenants actuels. A quand aurions-nous des noms neufs et jeunes ?

Au début ce fut l'euphorie, l'inédit, les grandes amours. Maintenant c'est l'usuel, le réchauffé et les grandes dépossessions. Avec un personnel réduit à sa portion de carriéristes ce parti ; on va l'apercevoir au fur et à mesure de l'effilement de toutes les élections qu'il n'a plus le vent en poupe. En son sein, dans ses rangs les engagements ne se sont jamais préoccupés de menus idéologiques ou d'avis contradictoires, si ce n'était cette guéguerre du poste et du koursi. Les conflits qui se vivent opposent les personnes, les clans et les familles et non les idées ou la nature de projets sociaux.

La désignation du secrétaire général, la composition du bureau politique récent, la diversion du comité central sont autant de facteurs de scission que d'appels à la diminution des discordes et leur réduction. Dans le temps mémoriel, le temps des idéaux et du combat, il n'y avait pas de coup d'état scientifique, ni l'immixtion administrative, ni encore de décisions judicaires à l'emporte pièces. L'alternance se faisait au nom d'une méditation, d'une envie de liberté pas plus. Les conclaves ne se tenaient pas à l'hôtel l'Aurassi, mais sur les cimes des Aurès. Dans le feu et le sang et non pas autour d'un thé à la menthe et des suaves produits de la pêcherie algéroise. Il n'y avait pas un député à qui l'on facturait le prix de la galette à l'orge pétrie gracieusement par ces mains rurales et enthousiastes. La pauvreté dans ce temps là ; était une simple fatalité infligée et la richesse, loin des avantages fiscaux et de la générosité des banques publiques était parfois une rareté soupçonnée. L'on ne personnalisait pas les bilans, ni individualiser les attaques. Que reste-il par conséquent à cette devise placardée sur tous les pignons que les réalisations sont faites par le peuple et pour le peuple ? Détalé inconsciemment, vidé de sa substance, l'on a tendance à le rendre caduc et inapproprié. Le FLN est malade. Il s'est laissé se faire encombrer par des broutilles sans vergognes.

Il reste édifiant encore de remarquer avec abattement que même avec la survenance, d'ailleurs avantageuse d'autres associations politiques, le FLN tient à contrario de la ligne éditoriale, à prescrire pour imposer une catégorie au nom d'une légitimité cupide et friquée. Il s'arrange toujours pour être, piteux entre des mains indésirables mais agissantes par le douro et l'euro.

La capital-militantisme (rassid ennidhali) ne se mesure plus par la qualité des actes, mais bel et bien par la quantité des liasses et paquets (el baqui). L'opportunisme est confectionné grâce à une approche venant sous un visage de sponsor, d'aide ou de subventions. Rien n'est donné par amour. Tout est calculé et compté. Le pugilat, la contrefaçon et la fourberie n'apparaissent qu'autour d'un vote qui fera des hommes publics pour ceux qui ne sont que d'ordinaires noms communs. Que de personnes inconnues sans ascendant ni cran n'ont-elles été rendues indispensables? Il y a des gens qui gravitent mourants et agonisants à ses alentours. Il est devenu une vraie kyrielle d'un cv inaccompli ailleurs. Avec un quasi-personnel ou un esprit généralisé des années du parti unique le FLN n'ira pas vers le fond pédagogique de la démarche qu'il semble tout le temps préconiser. Il ne subsistera, à peine de révolution intra-muros ; qu'un outil de manœuvre dans les mains de néo-caciques et de groupes corporatistes fort jaloux envers toute innovation. Faisant dans une détermination semblant façadière, sa propension de changement, il n'arbore qu'une démocratie de bavardage dénuée de toute logique propre à un parti où le centralisme démocratique est une règle d'or.

La défection collective de militants, les démissions successives de chefs de kasmas désavoués par la centrale dans l'établissement de listes électorales locales n'ont cessé de mettre à jour le souci révolutionnaire flniste qui ne dérange plus les opportunistes, les attentistes et les profiteurs sans conscience et dont l'unique but n'est autre que de continuer à se positionner dans un confort matériel singulier. Quelle position a-t-il pris ce parti, à travers ces deux courants en collision face à une constitution qui ne lui confère plus ou peu le rôle qu'il avait joué dans le recouvrement de l'indépendance? L'on ne redresse pas une situation que l'on dit déjà redressée. Chacun croit avoir raison alors que le tord est largement partagé. Ces redresseurs bondissent de partout à l'instant même où un dividende quelconque les concernant venait à être visé. Ils vivent selon le coefficient d'utilité fonctionnelle.

Les alliances se font et se défont du jour au lendemain selon le même topo. Les anciens apparatchiks cherchent l'éternel confort vécu, les autres sont en quête d'un mieux, d'une position qui les rendra eux aussi des eternels mentors. L'ancrage politique dont se prévaut le FLN, au sein de la masse, constitue une aubaine pour la reprise des affaires ; si toutefois les noms usés, avachis et méchamment répétitifs, n'useraient pas l'espace des instances partisanes ou des listes à soumettre aux mêmes masses. Répondre à toutes ces préoccupations revient à ceux qui savent mesurer la portée du sentiment que transporte sensiblement le FLN. Ils se doivent d'innover, de se mouvoir autrement, de concevoir le fœtus de la société nouvelle. De ranger, si ce n'est trop tard ; les mailles d'un tissu sentimental et national en totale perte de poinçons et de maillons. C'est l'extraction des impuretés qui va redonner, avec rigueur, la vigueur et le punch à ce corps- parti, bâti sur le filigrane de l'Etat. Lui le parti d'avant-garde, porteur de l'espérance populaire, englobe à ce jour en son sein certains esprits qui ont fait de l'engagement, un gage lucratif, de la compétence ; une force de famille et un nombre tribal. Dans certaines contrées le FLN ; s'assimile à des noms et à des pans de famille entière. Ses héritiers légitimes disent-ils. Comme il gagnerait, ce parti, à se débarrasser tout court, de ces " représentants " qui jusqu'à hier, se passaient pour les défenseurs acharnés, tant de l'unicité que l'égalité sociale, et qui ; par magie du scrutin ; squattent les villas promotionnelles, montent et remontent des fortunes, se délivrent des cartes de résidences étrangères et veulent se vêtir d'un passeport diplomatique. Le bois de Boulogne est juste à coté de Neuilly sur seine et ne ressemble pas à celui de Bouchaoui. Le comble de la représentativité demeure ce virus incurable moi que l'autre. L'embourgeoisement est décidément un courant d'air contagieux ! Parti né pour gouverner, il doit faire son apprentissage dans les classes de l'opposition.

Car rien n'est sur demain. Il ne suffira plus de se cramponner sans âme à Novembre quand tous les autres partis sauront en tirer aussi l'essence. Il ne doit plus compter sur une administration hétéroclite soumise hélas aux volontés fines et futées d'un pouvoir à la recherche ininterrompue de maintien et de survie. Eviter de servir de " béquilles " pour un corps moribond appelé un jour à disparaitre ne manquera pas, à posteriori, de se faire gagner des crédits et accorder de l'aspiration pour le compter sur soi.

Majoritaire à l'assemblée nationale, il n'exprime aucun poids. Évincé de la chefferie du gouvernement malgré son obédience totale au régime, il reste absent dans le staff exécutif. Ainsi se confirme le rôle assigné à ses éléments : faire office de faire-valoir. Son secrétaire général, venu dans une contingence troublée et tonitruante, ne s'émeut point des réticences qui gangrènent ses rangs. Comptant sur autrui ; il persiste à l'affrontement. Ses adversaires, comptant aussi sur un autre autrui tiennent mordicus à lui en faire payer sa peau et les autres pots. Saidani comme un jongleur malhabile et abasourdi marche en se faisant trainer tout en trainant des casseroles mal cuivrées et déteintes faisant un tintamarre pour rien et que personne n'est encore prêt à en prêter l'infime oreille. Le parti s'agite dans un tourbillon qui ne concerne personne sauf celles au sommet ou celles ayant un intérêt de survie. Cela fait très longtemps qu'il s'est coupé du peuple. Seule une fibre sentimentale un peu vive reste chez certains par nostalgie à un passé avant-gardiste. Ils le voient se noyer dans l'opiniâtreté des uns et des autres. Il fonce ; le parti dans l'avenir sans issue. Expédier en un temps deux mouvements une consécration au poste du SG reste passible d'un acte attentatoire à la liberté du choix par légitimation. De 10 heures 15, entrée de Saidani et ouverture de la séance à 11 heures 23, sa levée; l'ambiance était électrique et le temps pesait des éternités. Conclusions: personne n'est gagnant. L'histoire va continuer en dehors des salles?..l'impasse.