Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Dehors le matador !

par Slemnia Bendaoud

Le champion tombe du premier coup ! Tel un château de cartes, il s'effrite d'emblée ! Dès l'entame, c'est-à-dire d'entrée de jeu de cette Coupe du monde 2014, à cause de ses deux très mauvaises prestations : contre les Pays-Bas d'abord, ensuite face à cette étonnante équipe chilienne.

En l'espace de trois mi-temps seulement, l'Espagne était désormais hors course. Définitivement out ! Avec à la clef, pas moins de sept buts encaissés contre un seul seulement, marqué lui sur pénalty plus que douteux, très litigieux ou très généreux !

Le bilan est donc des plus désastreux ! Bien négatif sur toute la ligne et sur tous les plans ! L'humiliation qui l'accompagne était des plus honteuses pour un champion en titre, jouant sans réelle conviction, sinon en titubant ! Une page d'histoire venait-elle donc d'être définitivement tournée ?

Déjà, à l'issue de son premier match disputé et perdu par un score fleuve contre les Pays-Bas, l'Espagne avait un genou à terre. La suite de la compétition ne pouvait que l'envoyer à trépas ! Au cachot ! Le Chili en devint ce grand bourreau, terminant imparablement ce travail brillamment entamé d'ailleurs par ces très volontaires hollandais, pressés de se remettre sur orbite et effacer à jamais les stigmates de cette finale alors bêtement perdue contre ce même adversaire lors de la toute dernière édition.

Méconnaissable et très vieillissante, la formation de la ?'Roja'' aura longtemps erré sur ce rectangle vert sans qu'elle sache jamais comment s'y prendre afin de bien gérer son premier match, lequel s'annonçait pourtant très difficile, avec en prime cet esprit de réelle revanche qui se profilait et planait en l'air.

Son jeu, essentiellement calqué sur celui longtemps pratiqué par les pièces maitresses et valeurs désormais très usées de son club fétiche du F C Barcelone aura produit ses véritables limites. La bonne raison est qu'il était longtemps resté invariable, puisque plus ou moins continuant toujours à être à la limite du performant et du réaliste. La sélection espagnole le doit surtout à cette équipe catalane, très tôt préoccupée par la recherche de moyens et potentiel propres à prouver sa réelle suprématie sur le Réal de Madrid, l'autre grosse pointure ou cylindrée de son championnat, ayant dans l'intervalle de cette dernière décennie réussi à former ce groupe exceptionnel qui pouvait gagner haut la main tous les titres conquis et mettre dans le vent les plus huppés clubs du monde du football. Depuis, autant l'Espagne que les catalans vivaient uniquement de ce rêve superbe de ravir la vedette à tous nombreux adversaires de tous les grands clubs et très respectées nations footballistiques de notre planète. Sur sa Comète, l'Espagne dominait alors tout ce beau monde installé sur tous les coins de notre grande planète, ne descendant que très rarement de son très haut nuage, paré de ses véritables mirages !

Durant de nombreuses années, cette image féerique et idyllique était des plus saisissantes, des plus captivantes encore, tant le tir au but ou le geste de la toute belle feinte espagnole pouvaient avoir raison de toutes ces autres pratiques footballistiques jusque-là admises dans le concert de l'art sportif haut de gamme.

On s'en rassasiait, se délectant à l'envi, au passage, de cet âge vraiment doré de ce football espagnol où évoluaient naguère les Puskas, Di Stephano et autres stars locales, lequel vivait cette période de gloire bien semblable à celle de sa véritable émergence que couronnait alors ce titre de champion d'Europe acquis de haute lutte devant l'ex URSS lors de l'année 1964, à l'époque de Luis Suarez et de Marcelino Martinez.

Avec cette génération à la Messi, Ignesta et Xavi, le Barça était devenu ce club-bulldozer qui pouvait tout détruire et tout gagner sur son passage, préparant le lit et engageant le fond de jeu de la sélection de la «Roja» qui allait lui succéder magistralement, s'inspirant alors énormément des qualités techniques indéniables et valeurs intrinsèques de son meneur de jeu argentin.

La machine était donc devenue bien huilée. Le moteur répondait, lui, au simple appui sur son contact dont la batterie d'alimentation était toujours au point. On jouait comme sur du velours, là où on évoluait, très serein de gagner des titres de grand mérite à la pelle ou à la série !

En équipe nationale d'Espagne, il y régnait alors ce même climat des victoires, cette même force de la réelle persévérance, ce désir ardent d'aller au plus vite au charbon, cette folle envie de tenter et surtout de gagner ces étapes supérieures et ces étages importants dans la plus haute hiérarchie de la sphère footballistique. L'Espagne n'inspirait à ses nombreux adversaires plus que ce grand respect et cette autre bien réelle admiration, en plus du frisson de celui qui allait l'affronter, là où elle se produisait et là où elle arrivait à battre sans rémission les meilleures formations de notre planète.

A présent, est-ce cette fin de cycle ? Faut-il désormais changer le fusil d'épaule ? Penser plutôt à véritablement prendre un tout autre chemin au lieu de se borner à inventer ces nombreux et inutiles raccourcis ? Tenter de totalement refaire l'histoire au lieu de s'accrocher à recomposer ce même puzzle ?

Et quelle est encore cette supposée ou bien réelle incidence d'un Roi volontairement déchu qui abdique et remet sa couronne en jeu à son hier encore potentiel futur héritier pour une sélection nationale habitée dorénavant par cette nécessité absolue de faire peau neuve, après avoir connu cet échec cuisant de ne plus se permettre dorénavant de trôner sur tout son monde du haut de ses valeureux galons, à cause justement de ce souffle devenu trop court qui la met en réel danger face à la très haute compétition mondiale de ce sport-roi ou favori de tous les continents ?

L'heure du rajeunissement a-t-elle concomitamment sonné, tant pour la sphère politique ibérique que pour celle footballistique de ce même pays et nation ? Y-a-t-il un signe évident d'un véritable renouveau qui se profile à l'horizon pour ce véritable football-gala ou en démonstration espagnol ?

Désormais, il est plutôt question de ne plus regarder dans le rétroviseur pour celui qui aura cette très lourde charge de s'installer très rapidement dans la cabine de pilotage de ce Matador Espagnol, en quête de ce grand territoire à conquérir et de cette autre célébrité à au plus vite recouvrer !

Grâce à sa très longue tradition sportive, l'Espagne est mesure de provoquer son renouveau footballistique, à l'image de celui politique, intelligemment tenté et surtout admirablement réussi, durant le tout dernier quart du siècle dernier. Il ne s'agira tout au plus que d'opérer ce repli stratégique ayant autrefois été à l'origine de son renouveau économique du moment. D'autres Xavi, Casillas, Inesta et autres Butragueno seront toujours possibles à faire rapidement émerger de ces pépites de futures classes de la grande élite dont regorge son football-maison, à la fin de chaque saison ou grande compétition.

Le retour de l'Espagne parmi ces grandes nations de football peut être envisagé à n'importe que moment. Tant les leviers de sa réelle réalisation demeurent encore cette donnée pérenne dont il faudra au plus vite exploiter son produit technique à bon escient. Il en a toujours été ainsi pour ces géants qui ne donnent justement que cette fausse impression de prêter le flanc ou quitter carrément la scène de l'arène, emportés par cette fatigue du moment que leur impose leur sommeil trainé ou cumulé depuis la veille.

Tel un lion obligé de marquer son territoire et une halte stratégique dans son histoire de gloire, l'Espagne semble bien partie pour revoir de fond en comble toute sa manière d'évoluer à ce très haut niveau de la compétition mondiale du foot des nations. Il sera à la recherche d'autres mécanismes régulateurs de son jeu d'équipe, de manière à revenir au plus vite en haut du podium, en se remettant fondamentalement en cause de manière à pouvoir comme par le passé s'imposer réellement et imposer sa façon d'évoluer sur les terrains de jeu. Même lessivé et franchement abattu, puisque criblé de toute part de ces flèches violemment plantées dans son dos, le Madator espagnol ne donne plus jamais l'impression qu'il est irrémédiablement abattu, pour finalement plier le genou et quitter la tête basse l'arène du jeu.

Il usera toujours de ce coup de rein hypothétique ou très salutaire, façon à lui de se remettre à nouveau sur selle et en compétition, attendant avec impatience l'arrivée sur scène et au sein de la grande arène de ses tout petits taurillons, venir à tour de rôle le soulager de son grand et vraiment pénible fardeau, supporté avec peine et grand courage depuis déjà la nuit des temps.

Même déjà à genou, il n'ira jamais jusqu'à plier l'échine et surtout l'autre genou, pour se mettre carrément à terre, en signe de cette inévitable ou inéluctable défaite devant son accablant sort et vraiment désolante situation.

Il saura toujours trouver ces ressources suffisantes qui le feront rejaillir et propulser de nouveau bien haut dans le concert des très grandes nations du football mondial. A force de vraiment bien croire en cette force de la nature de ce Matador qu'il fut et désire encore le rester pour l'éternité !

La coupe du monde 2014 constituera-t-elle le prélude de ce nouveau départ espagnol ? La réponse dépendra surtout de la façon de s'y prendre à l'avenir de ce grand Matador. Tout dépendra donc sa capacité à pouvoir au plus vite reproduire encore cette touche magique de la balle, faite en de très courtes passes et en perpétuelles déviations qui fascinaient leurs nombreux spectateurs.