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La lumière au bout du compte

par Salim Metref

Les grands équilibres financiers de l'Algérie pourraient se fragiliser. Certains experts l'affirment et ce pour peu, disent-ils, que la conjoncture internationale vienne à évoluer dans un sens qui serait défavorable.

Il s'agit d'un véritable équilibre instable.

Tout semble se tenir mais la moindre petite perturbation pourrait faire s'écrouler tout l'édifice. La situation n'en est pas encore là mais la vigilance doit être de tous les instants. Tout comme la prudence qui est d'ailleurs particulièrement recommandée par les instances financières internationales pourvoyeuses d'indicateurs supposés viables. L'Algérie n'est pas à l'abri d'un crash pétrolier qui peut survenir à tout moment car il peut être induit par l'impact des turbulences régionales en cours. Cette dépendance extrême à l'égard des fluctuations du cours du pétrole est inquiétante. Elle peut aussi bien nous maintenir la tête en dessus de l'eau pour pouvoir continuer de respirer que de nous entrainer vers de sombres profondeurs avec toutes les conséquences que l'on sait sur un climat social déjà en ébullition.

Que peut-on donc faire pour ne pas connaître de nouveau l'asphyxie financière et tomber sous les fourches caudines des institutions financières internationales, comme cela a été le cas dans les années 80 avec les conséquences tragiques induites que l'on connait sur les décennies suivantes ?

Si des mesures draconiennes devront être prises pour endiguer une probable dérive de notre situation financière, qui pourrait survenir plus rapidement que ne le laissent entendre certains experts, comment faire pour les faire accepter par tout le monde sans risque potentiel de remise en cause de notre encore fragile paix civile ?

L'élection présidentielle en cours et la campagne électorale qui l'accompagne semblent surseoir encore une fois de plus de débattre de questions fondamentales qui se poseront inéluctablement à l'avenir et qui pourraient, si l'on continue à les occulter à force de populisme et de démagogie, mettre à mal aussi bien notre sécurité nationale que la pérennité même de notre nation.

L'avenir s'annonce porteur de défis majeurs à relever et de menaces à combattre. Les uns et les autres ne se relèvent et ne se combattent que par l'intelligence et l'efficacité. Les solutions autoritaires qui font fi du débat démocratique et de l'indispensable convergence des intelligences et des volontés ne peuvent être que provisoires et induiraient, de fait et d'elles-mêmes et a court terme, des dangers encore plus graves que ceux qu'elles prétendent combattre.

La recherche assidue du consensus national autour de questions vitales comme l'émergence d'une société libre et juste qui garantisse à l'ensemble de ses citoyens l'espérance d'une vie sereine dans son propre pays, le bon usage et le non gaspillage des ressources financières générées par nos richesses naturelles, la préservation de ces mêmes richesses, non renouvelables, au profit des générations futures, les réformes structurelles indispensables de notre système de santé et de notre système éducatif, le nouveau rôle géopolitique que notre pays pourrait avoir dans un contexte international extrêmement mouvementé sont quelques unes des questions pertinentes auxquelles il faudra apporter des réponses et le plus rapidement possible. Des pays d'Amérique latine ont réussi, grâce à l'arrivée au pouvoir de nouvelles élites politiques soucieuses de l'intérêt national et sans pétrole et sans gaz, à redresser une trajectoire sociale et économique extrêmement périlleuse et ont permis, grâce à l'effort partagé et aux sacrifices équitablement consentis, d'améliorer de façon substantielle le niveau de vie de leurs peuples.

En Algérie, la situation sociale reste préoccupante. De larges pans de la population ont inexorablement dérivé vers la pauvreté et la souffrance. La violence est partout. Sur les routes, a l'école, dans la rue, ? La situation globale de notre pays est très au dessous de ce qu'elle aurait pu être eu égard à l'importance des ressources financières dont a disposé à ce jour l'Algérie.

 Cette situation paradoxale augure du pire. Et il ne faut plus se leurrer. Le courage n'est pas dans l'ivresse du pouvoir ni dans la jouissance du faste qu'il peut procurer. Il est dans cet immense dévouement qu?il faut incarner au profit de son pays et son peuple. Le courage est, comme dirait Gabin, dans ce Mékong qu'il faut remonter à la nage. Accéder au pouvoir où s'y maintenir est un combat légitime si et seulement il se traduit dans les faits par un combat politique pacifique conduit par des procédés démocratiques. Nous restons encore et malgré les vœux des uns et des autres encore très loin des standards internationaux en la matière.

La doctrine qui consiste à continuer de croire qu'il faut toujours gérer avec force et autorité l'aspiration légitime de notre peuple à la justice et à la liberté n'aura malheureusement que trop duré depuis l'indépendance. Elle aura en tous les cas provoqué dans le corps social de profondes déchirures qui sont devenues si béantes qu'elles ont quasiment fait voler en éclats tout espoir d'endiguement. El les tragiques événements que continue de vivre Ghardaïa ne constituent qu'un avant-gout de ce qui pourrait nous arriver si nous venons à continuer de refuser de faire appel à l'intelligence et à l'efficacité.

Nous devons rester lucides car nous pouvons être à tout moment entrainés par une spirale de turbulences extrêmement maline et aux mutations imprévisibles qui pourraient réussir à cristalliser l'ensemble de nos frustrations, de nos rancœurs et de nos rancunes, nous emporter tous et qui pourrait ne jamais s'arrêter. Il n'y aura alors au bout du compte ni forts, ni faibles. Ni riches, ni pauvres. Justes de malheureux vaincus devenus la risée de la communauté internationale!

La descente aux enfers n'est cependant pas une fatalité. Rien n'est encore perdu et tout peut renaître. La recherche des coupables risque de nous faire encore perdre un temps devenu si précieux et dont nous ne disposons plus. Il s'agit désormais d'une véritable course contre la montre. Il faut vite se ressaisir et se repentir. Que Dieu nous préserve de qui pourrait bien nous arriver.