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La République et les Tic

par Yazid Haddar

Nous assistons à l'émergence d'une nouvelle forme de communication lors de cette élection. Les informations et la désinformation font le plein des réseaux sociaux, et les sites d'informations. Les mécanismes jadis n'ont plus d'influence. Il fut une époque où l'information est contrôlée par le parti unique, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les nouvelles technologies ont remué les pratiques politiques employées habituellement. Les élections présidentielles de 2014 ont bel et bien renforcé l'idée du lien, qui existe entre la politique et les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), en conséquence l'internet. Ces liens peuvent susciter à la fois matière à inquiétudes et à réjouissances. En fait, on peut regrouper trois idées phares qui peuvent nous aider à comprendre les liens entre politique et NTIC.

Une première s'appuie sur la pensée postmoderne; le cyberespace serait une manifestation de la société postmoderne, fragmentée et sans frontières, déterminées qui accélère la mondialisation et l'universalisation des valeurs humaines. On compare en effet la multitude des réseaux, ou plutôt leur potentiel et leur rapidité à s'adapter aux évolutions, à la difficulté croissante pour les États de légiférer et réglementer dans un monde global ; la porosité des frontières et la multiplicité des enjeux de nature supranationale rendraient obsolète ou franchement inefficace l'action des États dans certains domaines (environnement, liberté d'expression, etc.). On relie aussi la multiplicité des identités cybernétiques à des interrogations plus vastes portant sur les difficultés d'appartenance ou à l'enferment ethnique, territoriale ou linguistique qui concernent les sociétés de certains pays.

Une deuxième idée phare concerne une sorte de revitalisation de la démocratie dans les sociétés, une amélioration de la société et une transformation sociale. Ce discours renvoie à plusieurs objectifs que rendraient possibles les NTIC : un potentiel de délibération accru, menant à des prises de décision collective, et une efficacité croissante de l'État (mais quand l'Etat existe avec ses institutions, qui jouent leur rôle destinée). Ces réalisations dépendraient de l'interactivité, de l'accès à l'information, de la transmission à haut débit et des systèmes automatisés de transmission de l'information. Ce courant de pensée prend appui sur l'idéologie de la communication, c'est-à-dire sur l'idée que la plupart des problèmes sociaux et politiques viennent d'un manque de communication et que la solution à ces problèmes se trouve essentiellement dans l'implantation de nouvelles structures de communication et d'information. Des expressions comme le «village global» ou la «société de l'information» abondamment utilisées, reflètent bien l'idéologie de la communication.

Enfin, une troisième idée phare se rapporte au contrôle et à la surveillance résultant de l'usage des NTIC par les administrations gouvernementales. Les objectifs visés consistent en une gestion plus efficace, une connaissance accrue des «clientèles» par l'appartement des banques de données, une application plus stricte de la loi. Les résultats de certaines expériences gouvernementales des NTIC montrent que, contrairement au modèle athénien, le contrôle et la surveillance constituent des logiques structurant l'activité étatique électronique. La démocratie s'en trouve d'autant plus perdante que le contrôle qu'exercent les fonctionnaires sur l'information dans les processus d'élaboration des politiques publiques leur donne un avantage sur les élus et les citoyens.

Concernant l'Algérie, comme je l'ai souligné plus haut, la dynamique des réseaux sociaux se généralise de plus en plus. L'information n'est plus otage d'un poigner des gouverneurs, désormais, l'information est publique, accessible à l'ensemble des citoyens, ainsi la manipulation pourrait se réduire, lorsqu'on sait que le nombre de personne qui se connecte à l'internet est en net évolution dans notre société. La compagne de dénonciation sur la toile s'est amplifiée et les pratiques frauduleuses sont dénoncées avec image et vidéo, elle ne laisse aucun doute sur les faits. Ceci dit, cette dynamique de dénonciation est en état fœtal, elle nécessite une maturation et une organisation, que seront à mon avis vite rattrapés dès qu'il y a une volonté d'y aller de l'avant?