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Les revers d'un mandat

par El Yazid Dib

Des anti aux pro ; le mandat en voie d'obtention ne semble pas être un papier à musique. Il chiffonne des franges tout en enthousiasmant d'autres. Si le suffrage est remis en cause, c'est que la démocratie est la première patiente dans ce pays. Beaucoup d'encre a coulé sur les parois de ce mandat. Beaucoup d'ombres ont émerveillé les uns et stigmatisé les autres.

Le cafouillage et l'incertitude ont eu également le dessus sur une régularité tant criée ou décriée. Les antagonistes se heurtent dans les définitions, dans les concepts mais aussi s'évasent dans l'hypothèse et le vœu. La question est dépassée de savoir qui a tord et qui s'inscrit dans une raison. Elle est cependant suspendue dans le temps que s'impartit la date du 17 avril. D'ici là on verra disent les fins observateurs feignant ainsi l'enthousiasme vulgaire des acharnés à faire renouveler des étincelles et en souffler l'ardeur dans des braises en phase d'extinction.

La maladie est-elle une faille d'un programme ?

La terminaison d'un pouvoir ou l'échéance à terme d'un contrat ne peut être politiquement engendrée par une indisposition physique qui ne dit pas son nom. Ce n'est qu'une condition naturellement humaine, à vivre par tout un chacun. Personne n'en échappe dans une éventualité du ressort divin. Brandir à chaque coup une pathologie défavorable est un prétexte qui peut aléatoirement tomber à l'eau, si jamais le " malade " se relève. Il s'agirait là d'une question d'appréciation et de position. Dans une grippe saisonnière, tout un chacun peut y déceler un indice de trépas ou un indice de bonne santé. La question d'un état de santé doit dépendre d'un conclave de spécialistes et non faire partie d'une action politique. Pour ce faire, il existe pas mal d'ingrédients à mettre en relief. Extirper les relents malheureux d'un bilan politique c'est mieux que de le faire à partir d'un bulletin de santé. Qui n'est pas malade peu ou prou dans ce grand lot de candidats ? Le pays a certes besoin d'un président apte à réagir, discourir, décider et gérer, mais en aucun cas elle éprouve ce besoin dans la musculature et les biceps d'un joueur latéral, sanglé sous un brassard de capitaine d'équipe à injecter dans une équipe nationale.

 Ainsi l'on voit que la ladrerie humaine se resserre et s'évanouit placidement dans le froid affectueux au fur et à mesure que les règles de bienséance s'évadent des cœurs des gens censés dessiner l'avenir de leurs concitoyens. Il est immoral de tenter d'avoir toute propension à l'effet de faire d'une maladie un programme électoral. L'on ne peut attaquer un homme affecté autre que par un échec, une faillite ou une déconfiture gestionnelle. 15 années sont largement suffisantes pour y déceler des fantaisies, des écarts et des rapines. Et là ; le registre est grandement ouvert. Le peuple algérien n'est pas heureux et manque à mourir de bonheur. Seules des conjonctures précises se hissent au niveau des impératifs du moment. Ce sont ceux qui sont au chevet du malade qui refusent de croire à un peuple qui aime ou du moins a aimé son président. Dès que l'intérêt vital d'un groupe se fait sentir, l'haleine boulimique de mettre à bas les autres est vite surprise en plein mouvement rotatif. L'on récupère le refroidi, l'on tance la résistance et l'on claironne la réviviscence messianique. Trouver autre chose qu'une douleur est plus porteur pour vilipender un souffreteux. Ainsi la fibre citoyenne est en droit de s'interpeller si la maladie d'un président désirant se remettre en course, est-elle une faille d'un programme ou un élément disqualificatif selon la norme éthique ?

Les questions d'âge, d'impotence ou de santé des hommes d'Etat sont une simple question de pouvoir et ont depuis la naissance du pouvoir constitué à travers tous les Etats une raison d'Etat. Il n'y à qu'à se référer au livre de Pierre Accoce et du Dr Pierre Rentchtiick " ces malades qui nous gouvernent " paru en 1978, avant bien, la cessation de la guerre froide, la chute du mur de Berlin, le printemps arabe et le 4e mandat.

Le peuple social

Le peuple tend à devenir comme un logement ; un cas social. Si la société est un grand groupe d'individus, elle ne peut être exclusivement une alliance d'êtres physiques et un mécanisme matériel constitué d'un œsophage, d'une cavité gastrique et d'un conduit rectal. C'est dans ce sens qu'elle se trouve mêlée à toutes les mêlées là où s'entremêlent pêle-mêle agios, préséances et objectifs. Dans le cours historique plusieurs évènements poignants ont été par malheur encollés au présent d'un pays que l'on fait absenter. Des tiédeurs caractérielles et hypothétiquement d'avenir ont défrayé ses annales. Des scandales ont aspergé ses repères et ses hiérarchies. Même des tentatives de putsch médiatique se refont au gré des contingences, suggérant au passage la partance ou l'abandon de ses chefs. Ces faits d'une vie courante sont mâchés puis avalés, sans nul accroc par la masse des passants, des lecteurs et en aval des électeurs. Dans les dédales de la haute incompréhension informationnelle, ce monde sociétal cherche vainement une mire de véracité. Dans chaque source il croit y trouver sa vérité. Du moins lui inspire-t-on sa plausible existence. Son crâne craque de contradictions et d'antinomies. L'événement factuel est pris pour une histoire référentielle quand l'actualité se trouve honteusement dénudée. Le peuple social ou la société populaire est entre deux recrutements perpendiculaires d'un régime anonyme. L'un est parsemé de fatalité pour une rupture rapide, l'autre jonché de fins espoirs pour une stabilité précaire. Son gosier devenu aphone à force d'avoir su se taire est l'amplificateur du mal provenant de ses entrailles et de ses profondes tripes. Un cri inaudible jusqu'aux préaux des écoles ou aux halls des ministères. Ou sur le parvis de la Fac centrale.

L'amalgame crée dans la sémantique d'une société dite civile ne s'est point débarrassé des scories malsaines et utiles à son expression. Associations, corporations, fédérations, syndicats, ligues, fondations et autres sobriquets sont parfois un simple régiment populaire. Les partis qui grouillent dans la périphérie du système sont identiques à ceux qui logent aux celliers de l'opposition. Beaucoup de démangeaisons sont provoquées quand le corps électoral de la dite société est convoqué. Celle-là dite civile ne se remarque pas donc là où elle se dilue mais là où elle crèche ; pauvre, éparse, désunie et sans nul sobriquet. Ce sont ses attaches pour un rêve collectif et commun qui la font croître, vibrer pour ne jamais défaillir aux grands rendez-vous de l'histoire. Ce mandat n'est pas encore prêt pour la faire décanter. Du chemin reste à faire.

Quel avenir, pour quelle société ?

Le pays est en cours changement de par les paris et les enjeux qui se pointent chaque jour. Ce pays ne s'arrêtera pas à une prochaine échéance ; comme il ne se bornera pas à figer le temps dans l'attente d'un retour mythique. S'il n'y avait pas de pouvoir à conquérir ou à fortiori à partager, l'enjeu ne serait qu'une affaire de chronologie, voire de biologie. Mais c'est un retour itératif de la marche d'une histoire qui ne se termine jamais ; les successions compliquent les attitudes des uns et brouillent celles des autres. La transmission de l'autorité, à travers les âges s'est quasiment faite dans le sang, dans la scission et rarement dans l'adhésion. A voir cet horizon qui ne semble pas vouloir s'arrêter au 17 avril, le peuple est dans toutes ses légitimités historique et démocratique d'exiger un minimum d'éclaircissement et de levée de brouillard qui obstrue tout le champ de vision d'un futur menaçant, sinon incertain. La campagne électorale qui va faire clignoter des vagues de promesses devra, en dehors de son classicisme suranné, finir par tracer les contours d'un nouveau système de traitement de la vie publique. Un nouvel ordre national. La constitution va-t-elle être amendée ou non et dans quel sens ? Ce sont là les vraies approches à faire entendre à un peuple social désintéressé mais pas inféodé. Si les problèmes du monde apparaissent comme des problèmes économiques, l'Algérie souffre d'une économie à grand problèmes économiques. Quant à la politique, elle n'est que le produit adultérin d'une constitution qui tarde à faire sa sainte toilette depuis le viol commis dans un cinéma algérois. Il est indispensable de porter dès à présent la réflexion sur une révision constitutionnelle qui puisse garantir pour longtemps l'harmonie institutionnelle et partant la prérogative monopolistique de leur fonctionnement au profit exclusif de la nation et de l'Etat. Ceci ne peut se faire valoir que par l'impérativité des contre-pouvoirs. Sans ça la dérive sera toujours possible et la personnalisation du pouvoir menacera l'équilibre de la plus belle constitution. Un contre-pouvoir n'est pas forcement à situer dans une opposition, mais dans les instruments de gestion étatique. A défaut de cette conscience veilleuse et éveillée, l'on fera dans l'autocratie démocratique. Car, chez l'arabe surtout, le pouvoir est comme la femme, il ne se partage pas. L'avenir de nos enfants est censé se contenir dans les paumes de leurs mains. C'est à eux que se destine tout programme. Qu'il soit d'abord en conformité aux nouvelles exigences juvéniles en matière d'ouverture et ensuite en pleine adéquation avec les mutations que connait le monde actuel. Il n'est plus permis, à peine de division de vouloir perpétuer un esprit rompu aux méthodes captieuses et cachotières. Les jeunes de la societé de demain marchent à la seconde près. Ils déroulent leur vie tel un post abrégé et laconique. Ils ne voudront plus, un jour se savoir les étrennes de machinations politiciennes ou des unités amorphes et inanimés n'étant utiles qu'à rempiler aux appels ou compter dans les queues des Ansej.

Des manifs et des sit-in

Des manifestations ont eu lieu cette semaine à Alger et un peu partout dans le bled. Elles étaient toutes orientées vers le blocage de ce mandat jugé de trop. Selon plusieurs avis, elles ne devraient être qu'un chemin pathétique bien étudié et devant en finalité ne servir qu'une option, pas du tout voulue par ceux là mêmes qui légitimement marchent, s'assoient ou se figent sur le carrelage et l'asphalte. Les charger ou les embarquer travaille bien le desideratum affiché. Cependant ce genre d'expression populaire est bien répandu ailleurs. Il se positionne telle une liberté d'agir et de héler. La rue risque bien de voir encore des marches spontanées. Le quiproquo ne cessera qu'une fois un certain traitement égalitaire et légaliste sera de mise. Si chacun ameute ses troupes ; ce ne sera pas le volume des décibels lancés ou le nombre de participants recrutés de part et d'autre qui aura gain de cause. La cause semblerait être un amalgame d'avis que seule l'urne franche et assainie aura à en faire la décantation. Si les manifs et les sit-in sont une forme participative publique à ne pas châtier, ni interdire, les élections ne sont à défaut d'autres résolutions que l'ultime recours. Il ne reste que cette notion jamais égalée dans la répartition de l'équité, c'est la majorité. A-t-elle cependant toujours raison ? Jean Paul II en dit " La vérité n'est pas toujours conforme à l'opinion de la majorité ". Si un referendum était organisé au niveau universel sur la validité de l'islam, la majorité dirait non, et pourtant la vérité est située dans l'autre partie. La majorité autrement dit est l'expression numérique et non qualitative d'une masse. Elle n'est qu'un chiffre qui peut toutefois être loin d'une vérité et qui doit se conformer à la justesse d'un choix. Pour ou contre ce mandat est aussi une façon d'obliquer les jeux. Rouler pour un candidat n'est pas politiquement la réfutation de l'autre. Abattre uniquement cet autre est une fantaisie lourde de sens.