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Quand la santé va...

par Bachir Benadji

Votre serviteur vient de perdre l'être le plus cher de sa vie, ma mère, ce qui m'a obligé de ne pas être parmi vous à la fin du mois de février dernier, mais croyez-moi que cette dure épreuve m'a ouvert les yeux sur le secteur de la santé en Algérie, et j'en ai vraiment appris malgré que je connaisse ce secteur pour avoir été moi-même malade, hospitalisé, opéré d'un organe vital, le cœur, mais la courte maladie de ma mère m'a été salutaire pour entrer de plain-pied dans les rouages des services spécialisés.

Cette épreuve m'au permis de voir les spécialistes travailler, réagir, dialoguer, ne pas dialoguer, souffrir en silence, soulager les autres, être impuissants devant des situations impossibles, faire le maximum pour prendre en charge malades et accompagnateurs, et aussi avoir la conscience tranquille vis-à-vis d'eux-mêmes et de leurs employeurs. La liste pourrait être longue à force de vous énumérer les actions des membres du corps médical et paramédical. J'ai vu le comportement des médecins, infirmiers et autres corps du service dont les administratifs et les fonctionnaires, et j'ai également vu ceux du secteur privé, qu'ils soient médecins, aides-soignants ou laborantins.

Sur le secteur de la santé, il y a beaucoup à dire, mais croyez-moi, je ne serais jamais négatif parce que j'estime en mon âme et conscience que les travailleurs du secteur public font plus qu'ils n'en peuvent et quoiqu'en disent certains, ils ne lésinent sur aucun moyen pour être au service du malade et même de sa famille. Je pourrais même vous dire que la meilleure structure au monde ne peut donner que ce qu'elle a s'il n'y avait pas les hommes et même si les moyens ne font pas défaut.

Dans nos hôpitaux, polycliniques, centres de santé et autres, il y a des hommes et des femmes, des êtres humains qui réagissent comme vous et moi, les uns font plus qu'il n'en faut, d'autres un peu moins et d'autres, sans conscience aucune, font semblant de travailler et souhaitent ne pas rencontrer de malades, parce que occupés à parler au téléphone avec leurs petits chéris ou leurs petites chéries, mais aussi pas encadrés du tout, et c'est là ou le bas blesse. Ceci concerne certains « internistes » assurant des gardes, seuls et sans aucun soutien de leurs pairs expérimentés. Parfois ces jeunes médecins ont recours à l'expérience des infirmiers et techniciens de la santé, plus anciens et plus aguerris, mais faudrait-il que ceci soit accepté par les futurs praticiens.

Dans mes tribulations de polycliniques en polycliniques, d'EHS en EHS, et jusqu'à un grand CHU, j'ai rencontré des soi-disant médecins car n'ayant pas encore terminé leurs formations et qui attendent que vous leur suggériez le diagnostic que vous voulez, car c'est vous qui êtes avec le malade et qui, par expériences, savez ou il a mal et quelle en est l'origine. J'ai rencontré des praticiens qui n'attendent rien de vous, qui ne veulent parler qu'au malade pour en tirer quelque chose et de là savoir qu'est ce qu'il a, et quels soins lui donner ou prodiguer ou quoi lui prescrire comme traitement, bien sûr la présence d'un accompagnateur peut beaucoup aider, car parfois le malade ne sachant pas quoi dire, pourrait mener le médecin sur une fausse piste, et la médecine n'est malheureusement pas, je vous le dis, une science exacte. Il n'y a qu'à voir les erreurs médicales de par le monde, et toute erreur ne peut être qu'humaine, comme dirait l'autre.

Et pour tout cela et ce que j'ai vu et dont je n'ai pas soufflé mot, je vous dis honnêtement qu'il faut rendre hommage aux personnels du secteur public, surtout, eux qui travaillent et font l'effort nécessaire pour satisfaire les autres, alors qu'eux-mêmes ne sont pas satisfaits, ce qui poussent pas mal d'entre eux à aller « arrondir » leur fin de mois chez les cliniques privées, au dépens et au détriment de leur santé et de la santé des malades de l'hôpital ou ils travaillent, des malades que reçoivent les cliniques privées, dont certaines sont poussées par des considérations purement mercantiles en vous vantant les mérites de tel ou tel traitement, de telle ou telle intervention, parfois même pas nécessaire ou dangereuse. Sur ce cas, je vous citerais l'exemple de ce citoyen de 42 ans que j'ai rencontré par hasard dans une clinique privée et le soir même dans un hôpital, et qui est allé, plié par la douleur, voir un médecin dans une clinique privée, qui lui a diagnostiqué pour cinq mille dinars (5000 DA) un problème d'appendicite qu'il faut impérativement opérer à soixante dix mille dinars (70.000 DA). Le quidam a hésité, appelé son père et son frère, pour aller aux urgences chirurgicales d'un hôpital ou on lui a affirmé et soutenu mordicus qu'il n'avait pas un problème d'appendicite, et il ne l'avait pas, voilà ce que font certains médecins inconscients « afin de prendre leurs parts du gâteau », mais beaucoup plus causer du tort au citoyen lambda qui pestera contre les médecins et la médecine, innocents des agissements de gens complètement dingues, car n'ayant pas leurs places dans ce corps.

Il y a aussi ces infirmières et infirmiers qui s'endorment la nuit dans des services sensibles, délaissant des malades, parfois fraichement opérés, sans le moindre remord, ce qui frise le geste criminel, même si les destins des gens ne sont pas entre les mains de pareilles personnes, mais entre celle du créateur. J'ai aussi rencontré plusieurs spécialistes très consciencieux dont l'un était sur la défensive vis-à-vis des accompagnateurs des malades, pensant que tout le monde voit le corps médical en noir, alors que dans les faits pourquoi devons-nous les voir en noir, alors que nous leur mettons entre les mains nos propres corps à soigner. Ces gens-là méritent notre respect et doivent être cités en exemples et pourquoi ne pas recevoir des médailles du mérite pour ce qu'ils font pour le malade, même s'ils ne peuvent rien devant le destin de l'être humain, voué à la disparition même s'il se cache dans le ventre de la baleine !

Mais le plus important à mes yeux, c'est le manque de coordination entre les établissements de santé du secteur public, d'une même ville, chef-lieu de wilaya, d'une même wilaya, dont les praticiens se contentent d'écrire à leurs collègues, sans pour autant les appeler au téléphone, demander leur avis, débattre du problème rencontré ou de la maladie du patient entre leur main, alors qu'il serait souhaitable qu'il y ai des canaux de communication à même de permettre aux praticiens de coordonner leurs actions au profit du malade, au lieu de lui donner une lettre à remettre, sèche et sans âme, ce qui pourrait parfois blesser le destinataire, car considéré comme un réceptacle alors qu'il est dans certains cas désarmé et sans moyens par rapport au service expéditeur.

Il y a aussi des gestionnaires d'hôpitaux, diplômés de grandes écoles, qui ont le souci de la prise en charge du malade, qui font ce qu'ils peuvent, faute d'une politique pointue et claire qui leur permettra de travailler dans les conditions, les meilleures, sans pour autant faillir à leur mission, et offrant aux praticiens de la santé et aux autres corps du secteur, les moyens de faire leur travail, et aux citoyens de croire au système national de santé. Il y aussi de ces gestionnaires qui ne peuvent même pas se gérer et qui se font du tort, en font au système de santé en place et ne pourront jamais suivre la cadence de développement que les pouvoirs publics s'efforcent d'atteindre.

En l'état actuel des choses et en dépit de ce que font les pouvoirs publics, avec les moyens mis et la bonne volonté de changements positifs, le citoyen, éternel insatisfait, se plaindra toujours et ne sera jamais convaincu des efforts déployés pour lui permettre d'aller mieux. Lui, veut une médecine performante, lui veut un hôpital à son service, sans gardiens, sans garde-fous, sans barrière, et en fin de compte un personnel médical et paramédical à son service exclusif, et ça il ne le trouvera nulle part au prix qu'il ne paye pas aujourd'hui et qu'il ne voudra jamais payer demain et après demain. Lui vous dira, vive la médecine gratuite, moi je ne paye rien, mais offre-moi tout, du ministre au dernier des agents du secteur de la santé. Ceux qui aiment la médecine payante doivent partir dans les cliniques privées ou à l'étranger, puisqu'ils ont les moyens et laisser le citoyen, simple, moyen ou partisan du secteur public, se faire servir comme il veut et gratos.

Les pouvoirs publics sont en train de faire un grand effort, de tenter de recoller des morceaux cassés dans le passé, œuvrent à offrir le meilleur pour le simple citoyen, mais qui profite gratuitement au millionnaire et au milliardaire, construisent hommes et infrastructures, réfléchissent des réformes et font de leur mieux grâce à la manne financière que Dieu a offert à l'Algérie, mais le plus important dans tout cela, c'est la mentalité du citoyen qu'il faut revoir impérativement. Le citoyen doit en premier lieu se respecter avant de respecter les autres, doit se mettre dans la tête que comme les autres sont à son service, il doit lui aussi être au service des autres.

Si les algériens ne se comprennent pas, ne se supportent pas dans le meilleur et dans le pire, ils n'avanceront jamais. Nous savons tous que dans les autres pays, en occident, la santé est tout autre, et tout le monde la vante, mais faudrait-il que nous soyons, nous aussi comme les autres peuples qui payent rubis sur ongle la prise en charge de leur santé, disciplinés, respectueux et reconnaissants envers ceux qui sont chargés de nous satisfaire. Et c'est là ou le bas blesse, l'un essaye de vous creuser la tombe de votre mère et vous vous essayer de vous échapper avec les pioches et pelles. La santé c'est primordial, comme il y a le malade et le patient, il y a le médecin et le praticien, et si l'un ne respecte pas l'autre, c'est la faillite du système de santé, c'est la faillite de tous les systèmes, depuis l'école jusqu'au politique et économique, et qui voudrait l'écroulement de tous ces systèmes, est ce le citoyen qui a tout à perdre, ou ceux qui ont les moyens de prendre l'avion d'aller se soigner ailleurs et de revenir manger et insulter tout le monde. A bon entendeur salut !