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Ouyahia : le mystère d'un destin

par El Yazid Dib

« Mieux vaut être impopulaire qu'irresponsable » (Raymond Barre)

On le dit impopulaire, il ne dit pas le contraire. On le dit responsable, il endosse et se tire. Il va et revient. Est-il une énigme d'un système ou un mystère d'un destin ?

Il est de retour cet enfant austère. Il ne l'est pas dans la parole, ni dans l'aubaine providentielle. S'il était prodigue il ne le serait donc que dans ce débit oblatif qui présidait à tous ses conclaves. «L'objet de mon propos n'est pas de juger qui que ce soit, ni même de répondre aux attaques parfois blessantes dont j'ai été l'objet. Il s'agit pour moi en ma qualité de secrétaire général, de dresser des constats et d'en tirer quelques conclusions» c'est ainsi que se termine la lettre de démission de Ahmed Ouyahia du poste de secrétaire général du RND. Quelles conclusions ont-elles été tirées après ce repli le placardant une année et plus durant dans une aphasie totale ?

Comme l'énigme, le mystère a besoin d'argumenter ses définitions. Ce sont les innombrables questionnements qui peuvent sans toujours réussir tenter seulement de repérer leurs secrets indéchiffrables. Ce retour est-il une estampille cachetée à l'adresse de la personne dans son personnage intrinsèque ou serait-il un signe envers son parti ? Son parti s'est bien rappliqué dans la thèse en vogue. A lui seul, il ne peut rameuter foule. Le RND ; contrairement à sa matrice originelle s'est confiné dans une certaine discipline à ne plus abêtir ses adeptes. Le dernier congrès portant au perchoir partisan le gardien du perchoir sénatorial ne s'est point privé d'apporter tout son appui à une candidature paraissant il y a un temps équivoque. Dans la part des choses, Ouyahia est un cas personnifié, son parti est une alliance innée.

L'homme semblait emmagasiner le manque à parler. Sa langue n'était pas dans sa poche mais son volume se trouvait depuis en position mute. Car moins de 48 heures après sa résurrection dans les cimes de la hiérarchie, le voilà redécouvrir tout son atticisme. Dans deux chaines privées il a rattrapé le temps perdu et revenu sur tout le fil d'une actualité faite en son absence. L'homme en fait n'était pas engourdi, ni en état de vacances. Il laissait comprendre qu'il avait l'ouïe et l'iris plantés dans le factuel, tel un micro en état de veille et non totalement éteint. En termes de papotage, chiffres et loquacité rien ne l'égalerait dans sa posture de premier ministre. Néanmoins, il sait user de substrats métaphoriques qu'il condense dans une tournure d'hilarité lénifiante, pour endosser le rôle d'explicateur politique. N'était-ce son sourire facétieux et son minois futé, toute sa communication pâtirait dans l'incrédulité de ses auditeurs. Car son argumentation intégralement consensuelle excite l'incroyance de son assistance. Ses suggestions réveillent les démons assoupis. L'homme restera tout de même un bon gestionnaire s'il arrive à rendre moins opaque l'alphabet de dictée qu'il tente parfois présomptueusement de transcrire. Guettant comme un loup-cervier une proie événementielle, il en fait de l'actualité un menu conforme à ses besoins ou à ceux qu'il tend de défendre. Enfant légitime et avoué du système ; il semble même être à l'origine de sa renaissance répétitive lorsque celui-ci se trouve en phase finale de pénitence. La dualité se posant en termes conflictuels au faîte de l'Etat, allait en faire un enjeu dans la résolution d'un équilibre ayant entamé un peu son parallélisme. Le président recouvrant dans son entièreté le quart qui lui manquait dans l'algèbre présidentiel ; serait tenté de le réconforter et finit par admettre l'embryon de son futur légataire. Mis à maintes fois en porte-à-faux avec le président, il a toujours su maintenir la case successorale à son avantage. Incarne-t-il une à la longue une conclusion systémique en cas de besoin ? Ouyahia serait donc selon certains internautes le résultat compositionnel d'un accommodement tactique. Mais là, Belkhadem revenu dans les mêmes conditions ne serait aussi qu'un autre contrepoids dans cette harmonie brisée un temps et rapiécée un autre. Si Belkhadem représente quand bien même une certaine sagesse quoique molle et plaintive ; son rival et néanmoins collègue de bureau Ouyahia n'est qu'une ambition organisée. Ils n'ont pas le même livre de chevet certes mais vont nonobstant cela faire la même feuille de route au moins jusqu'au jour J. L'après jour J est une autre histoire.

Le pays vit une spécificité électorale impuissante à lever les douteux agiotages qui définissent mal un lendemain embrouillé. Les élections vont avoir lieu aux dates fixées par le dispositif maintenant bien lubrifié d'un système qui croit toujours parvenir à ses fins. C'est aux urnes de trancher la péroraison d'une campagne déjà mauvaisement entamée. Disposer d'une opinion, la plaider et accepter l'autre opinion dans toute sa contrariété n'est pas chose aisée à l'apparence. Ceci n'est pas l'apanage des campagnards de tout bord. Il est une vertu liée à une grande civilité qui s'adosse à une montagne de tolérance. C?est ainsi que la campagne qui s'annonce va démontrer toute la difficulté de pouvoir être un démocrate, un bon démocrate. D'emblée, à peine de capotage le cerveau du candidat élu se doit d'éliminer certaines cellules qui fonctionnant mal causent des lésions irrémédiables. La saidanite et ses consœurs pathogènes ; affections nosocomiales doivent être mises en quarantaine pour le bonheur du patient. Le renfort récent en termes de sérum et de thérapie à injecter dans la campagne est assez éloquent pour mener à bon port le message vers les bonnes urnes.

Pour Ouyahia aussi l'alternance tant brandie n'a d'issue que dans les urnes. En fait d'urne il en connait le monsieur. Il a mené et dirigé 11 campagnes électorales. Sans coup férir il encaissait le sort d'une responsabilité à laquelle il ne s'en dérobe pas. Le manque d'hygiène politique n'a pas été sans faire des torts à certains personnels, hier en charges des affaires publiques. Ceux qui n'ont pu, délicatement accepter leur condition, se découvrent aux rebords d'un trouble non identifié ou à la merci d'un incident cardiaque. Le pouvoir en fait, faisant des miracles ne fait pas dans la création de gens heureux mais agit aussi dans la production de la tourmente et de la frénésie. Ce pouvoir quelles que soient les mains dans lesquelles il s'anime est capable des pires pathologies.

Les élections en cours, vont dans une translation pâteuse provoquer originalement un renversement de tendances. L'actualité est profondément bouleversée par la quasi-adhésion d'une grande frange dépendant de la classe politique. Le pouvoir aussi précaire que la saute d'humeur de ses dirigeants ne vacillant plus sur du surplace est arrivé à forger une image de vainqueur précoce. Malgré un début cafouilleux, l'autre mandat est mis en place après la mise en place de tout un agencement préalable et studieux visant la garantie de l'échéance. Entre autres ingrédients de sa nouvelle force revigorée, l'arrivée d'Ouyahia n'est pas un acte simple d'une simple nomination. La présidence, semble-t-il aurait ressenti le besoin d'un superviseur de tous les fragments alliés et aussi d'un fédérateur coriace et concluant. En-est-il apte à relever le défi avec ou sans l'apport de ses parrains ? Sa rétribution, voire sa réincarnation ne se projette pas dans l'immédiateté du fait générateur. Elle se prolonge pour se stabiliser dans l'après 17 avril. C'est là, où toute la complexité de la phase actuelle, portant en soi une transition interne aura à faire éclore le mérite ou le forfait du récipiendaire. Une certitude s'élève à ce niveau, c'est que l'homme va assurément encore amadouer son destin pour en faire un moyen. Apprivoiser la fatalité c'est ne rien laisser au hasard.

L'ancien patron du RND est revenu à ses premières amours. L'action à l'ombre lui sied à merveille et propulse son apprêt à se répandre sine-die à la clarté des grands jours. Fort de ses 16 ans de travail exécutif, Ouyahia est à scruter comme une claudique cardinale, une espèce de boite à pandore du système. Quand l'événement ne l'arrange pas, il sait le rendre positif. Quand la vicissitude brouille ses horizons, il dessine un océan et descend le ciel pour en faire son horizon. Ses dernières déclarations sur la gestion du pays étaient apparemment produites pour dévier le débat sur l'embarras récolté par les urnes lors des dernières législatives. Stoïque sur les angles ; l'homme est toujours resté quoique sans parti une corrélation fondamentale dans la géométrie du pouvoir. Son retrait était, selon les analystes pour quelque chose dans la reconfiguration générale de l'avenir imminent du pays. L'avenir d'alors corroborait ce redéploiement d'acteurs. Rien ne pouvait présupposer que dans cette abjuration partisane il pouvait y avoir une stratégie. La fin politique dans l'actualité de l'époque semblait avoir été déjà consommée. Dans le dernier congrès du RND, absent il n'avait cependant qu'un siège d'invité et son ombre envahissait la morosité de l'assemblée élective. Mais le destin porte toujours dans sa continuité rectilinéaire des logogriphes. Partant de la surprise à l'attente, le destin est parfois comme une montre, il faudrait savoir utilement agir sur son remontoir. Ainsi la rencontre d'un homme et de son destin dépendra en grande partie de quelques positions à ne pas prendre au lieu d'en prendre, d'une conjoncture aléatoire et la bonne étoile pour une autre fois est encore scintillante en attente de la pleine lune.

L'homme s'est de tout temps sanglé dans un costume de démocrate public qu'abrite un burnous innommé et convenablement porté. Il croit parfois qu'il est un centre attractatif alors qu'il s'attriste pour le moindre assaut d?un organe qu'il prend pour tout un pays. Il commence déjà à frapper le temps pour y remuer l'oisiveté des jours de ce temps et l'inquiétude de ses nuitées. Sous quelle étiquette se lance-t-il dans le débat politique ; véritable motif génésiaque à sa réapparition ? En tant que ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la république, il a en face d'énormes obligations de réserve et il le sait en toute conviction, lui la charpente d'une administration tant décriée et toujours convoyée au front. Il n'est pas en cette qualité un atome libre dans un cosmos politique infini en manque de frontières. En représentant d'un candidat, il a une direction de campagne. En militant, il a les rangs pondérés de son parti. En citoyen il a juste une voix et une carte d'électeur. Mais en intelligence tacticienne avérée il a la puissance x de tout faire en une et unique symbiose. Un mouvement phénoménal indescriptible.

L'essentiel chez Ouyahia est une pédagogie, sinon une savante attente. L'offense n'est pas son plat du jour car l'offensive est son menu. Parfois c'est par un mot anecdotique paraissant sans effet que l'on peut fulminer l'autre, voire froisser innocemment toute une ancestralité. Dire un mot irréfléchi, croyant à une distraction de petit copinage et voilà que l'on renforce davantage l'altération de son image et l'on privilégie candidement le mode blagueur à l'orthodoxie gestionnelle. La république n'est pas un espace ludique et la haute fonction publique n'est pas un amusement rigolo. Lui par contre il amadoue ses mots, les humanise s'essayant à ses dépens d'éluder d'égratigner quiconque. Il fait dans la collégialité panégyrique. S'il félicite la personne, il attaque l'anonymat.

De la vue obsessionnelle du pouvoir politique inversement des pouvoirs publics ; le pays est encore dans le besoin d'une stabilité. Ce qui fait dire à n'importe quel commentateur pourquoi alors ces pouvoirs publics sont-ils légalement astreints à rendre compte, alors que le pouvoir politique s'entreprend indéfiniment sans égard à l'obligation du compte rendu ? Ouyahia va-t-il moraliser un tant soit peu la parodie qui s'exerce le plus souvent au nom de cette stabilité ? Peut-on par ailleurs réussir un changement potentiel dans une continuité substantielle ?

Le changement à prescrire ne s'assimile pas à procéder au remplacement pour un micro son hardware, de ses accessoires externes d'entre claviers, souris, écrans mais l'on doit agir dans son software, l'unité centrale, ses logiciels et ses cartes graphiques. Un travail profond attend le Webmaster. Il ne sera plus question d'énigme, de hasard ou de mystère. Juste un professionnalisme, une conviction.