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Aller ou ne pas aller voter

par Toufik Hamiani

A quoi bon se lever marcher pendant plus de 500 mètres ou plus tout en prenant ses papiers, prendre la peine de dire bonjour aux autres citoyens présents, prendre plusieurs bulletins de candidats (même les moins aimés), aller dans l'isoloir, prendre la peine encore une fois de mettre le bulletin dans une enveloppe, faire un sourire au président de bureau et écouter dire le rituel : " a voté " puis enfin signer le registre avant de retourner chez soi ? Quelle est l'utilité de ce rituel essentiel à la vie de notre société, à la vie de notre fausse démocratie?

Vous allez me dire, " à quoi bon, de toute façon c'est plié et ma voix ne changera rien. ".

D'abord, aller voter c'est une marque de respect pour les hommes et les gouvernements qui se respectent. Les Algériens sont attachés à la nation, ils sont morts par milliers pour Elle. La Révolution fait toujours l'admiration du monde, dont de nombreux noms illustres viennent de tous les coins du pays. Nous devons nous souvenir que ces hommes se sont battus pour déclencher le changement. La Révolution marque, en principe, la création du vote. Il permit aux citoyens de s'exprimer, de débattre de participer à la vie politique du pays quand elle est confisquée par une noblesse qui prend seule les décisions. Le vote intègre toutes les femmes et tous les hommes. Le vote est le moyen d'affirmer son appartenance au groupe. Appartenons- nous toujours à la communauté appelée Algérie?

Puis, une fois ce droit établi, de nombreux hommes prirent peur et tentèrent tant bien que mal de l'abolir.

Les démocrates, se battirent pour ce droit essentiel et moururent pour lui. Nous devons nous souvenir des Algériens morts pour le multipartisme et la démocratie. Par respect pour ces hommes, morts en pensant à nous, devons-nous respecter ce sacrifice ne serait-ce qu'en allant voter ?

Puis, vous allez me dire, " oui mais mon vote ne changera rien ". Alors cette logique n'en est pas une vraiment. Oui un vote ne pèse pas sur 18 millions d'électeurs. Sauf qu'il faut déjà 18 millions d'électeurs qui pensent exactement pareil. Donc cette logique revient à dire : j'ai des idées mais que ce soient les autres qui le fassent à ma place. Rien ne nous sera donné, rien ne nous est acquis. Nos droits, nos acquis, nous devrons les défendre, les étendre continuellement contre les attaques venant de toutes parts, et si personne ne le fait, ces droits disparaîtront. Chacune de nos voix compte car c'est ensemble que toutes les voix nous permettront de posséder une véritable force, celle de la légitimité que nous donnerons ou reprendrons aux gouvernants. Cette force démocratique nous l'avons aujourd'hui perdue face à un hyper-président qui n'est pas si super. Il a osé nous envoyer des cris à nous les jeunes alors que nous osions remettre en question son jugement concernant notre avenir. Il est ce jour là assis sur notre avis, sur notre pensée alors que nous étions des millions dans la rue à protester en octobre 1988. Par le vote, nous changerons le sens des choses actuelles et nous pourrons recréer un nouveau monde, celui que nous aurons décidé et non celui qui nous sera imposé !

Enfin la dernière vraie bonne raison pour nous d'aller voter c'est d'aller dire au pouvoir en place : " ça va bien ". Les jeunes aspirent à autre chose qu'au chômage ou aux emplois précaires honte et déchéance de notre système économique et social. Les jeunes veulent autre chose que le chômage après avoir obtenu des diplômes élevés. Nous sommes qualifiés, surqualifiés même, nous voulons pouvoir être de la partie aujourd'hui et non être exclus. Le pouvoir en place n'as absolument rien fait pour nous sortir de notre situation, au contraire il a précarisé la vie des Algériens, il a fait en sorte qu'une poigné de son entourage devient riche encore plus select et les pauvres plus rebutant au détriment de la justice sociale pourtant essentielle à l'esprit d'égalité de la république. Comment pouvons nos accepter d'être ainsi négligés, séparés, classés ? Enfin le gouvernement en place c'est la flexibilité, un grand mot pour dire précarité, dont nous les jeunes sommes les plus touchés. Comment pouvons- nous accepter de vivre dans de telles conditions

Oui je suis révolté contre la société actuelle et la manière dont elle tourne mais je sais tout comme vous que la révolte passe avant pas le bulletin de vote, elle passe avant par l'expression de notre critique, par notre participation dans la vie de la nation.

D'autre part, L'abstention est devenue un phénomène massif. Elle varie néanmoins en fonction du type de scrutin, selon que l'électeur considère que son intervention est susceptible de peser ou non sur le cours des choses.

Cette grève intermittente des urnes signifie que le citoyen ne voit plus dans l'offre politique d'aujourd'hui ce qui pourrait améliorer son sort, répondre à ses attentes de changement réel. Il a acquis la conviction qu'au delà de l'effervescence médiatique qui accompagne les campagnes électorales, ce qui oppose les candidats ne correspond pas à des choix de sociétés différentes.

L'abstention est particulièrement forte dans les milieux populaires, chez ceux-là mêmes qui ont souvent espéré en ce qui leur était promis et qui se sentent trahis et abandonnés.

Au suffrage universel s'est virtuellement substituée une sorte de suffrage censitaire qui mobilise encore ceux qui demeurent socialement intégrés, qui n'ont pas encore désespéré de la société dans laquelle nous vivons, qui considèrent pouvoir y jouer un rôle et recevoir en retour.

Dans cette désertion électorale, la réalité a été aussi autre que celle décrite dans les législatives, selon les officiels : des sursauts citoyens. Ainsi en a-t-il été en Mai 2012.

Toutefois, constatons que ces moments-là correspondent davantage à la volonté de conjurer un risque qu'à celle de garantir la victoire d'une véritable alternative politique.

Si l'offre politique ne répond pas aux attentes, il importe, en démocratie, que les électeurs puissent l'exprimer.

C'est tout le sens de l'exigence de la reconnaissance du vote blanc.

Il n'éloigne pas les citoyens des urnes. Il l'y ramène pour dire qu'il attend autre chose que des alternances qui ne changent rien. Il pose, sans certes la résoudre, la question de réinventer une offre politique porteuse de vrais choix alternatifs.

Qu'attend-on de l'electeur ?

On ne parle que de lui le soir des élections, sur les plateaux de télévision. La démocratie participative nous dit qu'elle lui donne la parole, qu'elle l'écoute. Mais le jour du vote, on lui demande avant tout de se taire, de voter utile.

Qu'est-ce qui est le plus bénéfique pour une communauté: qu'une grande partie de ses membres s'exécute ou qu'elle fasse part de ses subtilités?

À quoi bon ?

«Ne votez pas, car voter c'est se soumettre,

C'est désigner soi-même son maître ;

C'est dire :

Je suis une bête incapable de me conduire»?

Voici les propos lapidaires mais tellement réalistes du Léopard du Panthéon, en 1887.

L'auteur de cette affirmation était soucieux d'inviter le peuple à prendre en considération que se soumettre à un roi, à un empereur ou même à un président? c'est finalement encore et toujours se considérer sous la tyrannie d'un dieu, comme le minable mouton au milieu du troupeau et se plaire à être parmi les assistés et les esclaves dociles, ces prisonniers de leur propre impuissance à penser et agir par eux-mêmes? La " démocratie est peut-être la pire des dictatures, puisque nous désignons nos propres tyrans qui peuvent par ce fait légitimement nous assujettir !

Et quelque cent ans plus tard, COLUCHE confirmait les propos du Léopard du Panthéon en plaisant à nous dire que :

" Si voter servait à quelque chose,

Il y a longtemps que ce serait interdit ".

Les sous-hommes sont-ils parmi nous ?

Allez voter - votez bien - puisque la société se targue à vous dire qu'elle est démocratique ! Mais surtout? votez pour vous-même, car seule votre voix mérite d'être écoutée !

Si vous votez pour un autre que vous, c'est votre liberté que vous offrez à quelqu'un qui saura en abuser !

Beaucoup de " bipèdes " sont finalement toujours en quête de fruits? sur l'arbre de l'autre?

Le célèbre propos attribué à PINDARE par Friedrich NIETZSCHE ne veut pas dire selon quelques assurances freudiennes, qu'il est juste et bon de tuer le père !

" Deviens ce que tu es " n'invite pas nécessairement non plus à la recherche du surhomme, figure emblématique d'un nouveau dieu? mais cette " devise " proposerait plutôt une introspection par l'écoute et la rencontre, afin d'aider chacun à s'harmoniser, corps, cœur, esprit, et à révéler l'ensemble des pièces du puzzle qui nous constitue depuis la nuit des temps?

C'est bien " l'analyse de l'amour humain " qui se dévoile dans cette citation !

Ne pas voter, est un autre mode de refus ; Il s'agit d'une avancée démocratique non négligeable, qui va permettre à des milliers voire des millions d'Algériens qui n'ont plus, ou jamais eu confiance en nos dirigeants politiques et ne placent aucun espoir en eux, de s'exprimer librement mais autrement que d'aller dans les urnes.

Indéniablement, un certain nombre de citoyens ont une vision désenchantée de la politique. Quoi d'étonnant lorsqu'elle s'apparente plus à une tactique pour la prise du pouvoir et sa conservation qu'à celle de servir son peuple par le débat, le dialogue, les propositions et la réalisation de lois au service du bien commun.

Et que dire de la multiplication sans fin des scandales politiques ? Affaires Khalifa, feuilletons : SONATRACH, d'argent détourné, de financements plus ou moins occultes? et j'en passe !

La question de la rémunération pour le moins excessive de nos politiciens se pose aussi, quand certains d'entre eux ont un taux d'absence sur les bancs décisionnaires-APN par exemple -qui laisse pantois. Quel bel exemple donné à nos plus jeunes !

Ce dégoût légitime de la politique se ressent par la montée chaque année de plusieurs affaires et scandales laisse dire que notre pays n'a pas d'institutions ; ni une justice ni d'appareils de contrôle : Mais uniquement des symboles vides comme une éponge privée d'eau !

Et puis, le peuple Algérien n'est bon qu'à voter pour renouveler les mêmes résultats d'échecs de ses prélats? On ne fait jamais appel à lui pour les grandes décisions qui le concernent directement. Alors, dans de telles conditions, à quoi bon voter ?

Il sera désormais possible de dégainer un carton rouge à nos politiciens. De quoi, je l'espère, les faire réfléchir? les amener à partir et laisser cette nation se reconstruire par tous les Algériens ou la compétence sera le seul paramètre de gouverner et cohabiter avec toutes les différences de notre pays.