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Présidentielle, le silence de l'immigration

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Pas de grands débats, ni interrogations chez la communauté immigrée en cette période pré-électorale. Cela traduit-il un désintéressement du sort du pays ? Pas tant que cela.

Une étonnante quiétude règne au sein de la communauté immigrée de Belgique en cette période préélectorale. Les militants politiques et associatifs, d'habitude si actifs à l'approche d'un quelconque rendez-vous électoral ou anniversaire national, se font d'une grande discrétion. Cela ressemble fort à la période estivale des grandes vacances d'été. Jusqu'aux fiefs de concentration de l'immigration algérienne telles les régions de Charleroi et Mons, c'est un étrange silence qui rège. Cette « béatitude » contraste avec les rendez-vous politiques de l'Algérie dans le passé. Rien que pour la dernière campagne des élections législatives, nos compatriotes ont montré un réel intérêt avec une activité débordante, des débats chauds et une participation au scrutin appréciable. Quant aux dernières campagnes pour l'élection présidentielle, de celle de 1999 à celle de 2009, les algériens de Belgique se sont impliqués avec passion, bien avant le lancement officielle de la campagne. Cela allait des meetings aux comités de soutien aux principaux candidats. On se souvient, ici, du passage du candidat Ali Benflis, en avril 2004 : rencontre avec la communauté algérienne et amis européens de l'Algérie ; activisme débordant de ses partisans dans les quartiers à forte présence algérienne ; organisation de galas et soirée de soutien etc. Les partisans de Abdelaziz Bouteflika n'étaient pas en reste : caravanes électorale ; démarchage individuel ; soirée de soutien etc. Une vraie atmosphère politique et un engagement patriotique sans faille, bien avant le lancement de la campagne officielle. En revanche, l'échéance présidentielle de cette année ne semble pas mobiliser grand monde. Pas la moindre rencontre, activité ou allusion même à l'important rendez-vous politique du pays du 17 avril prochain. Cela est d'autant plus étrange que la communauté immigrée entame le vote, toujours, en avance de quelques jours par rapport au pays. C'est elle qui donne d'habitude, le « là » du niveau de participation. Souvenons-nous de l'élection de Liamine Zeroual en 1995, en pleine période de violence terroriste en Algérie : l'engouement et l'implication dans cette élection de la communauté immigrée a fait l'admiration du monde et entrainé, par la même, une participation record en Algérie. C'est pourquoi le « silence » et la « torpeur » dans lesquels baignent, cette fois-ci, la communauté immigrée apparait comme une étrangeté. Est-ce à dire que les immigrés sont désintéressés par le rendez-vous du 17 avril ? Estiment-ils que l'élection soit jouée d'avance ? Vont-ils « s'animer » à partir du 23 mars, date de lancement officiel de la campagne électorale ? Très difficile à savoir. En tous cas, l'expérience montre que la communauté immigrée est un « bon » électeur « discipliné » quelle que soit l'élection, législative ou présidentielle. Ce sont en général les anciens, ceux des années de guerre et des années soixante qui donnent l'exemple. Ceux, plus jeunes des générations suivantes suivent en général les « conseils » et consignes de vote des parents. Cela a fini par donner, toujours, un résultat de vote à de rares exceptions, sans surprise en faveur de ou des candidats ayant les faveurs de l'appareil de l'Etat. Un vote fidèle, sans risque et sans exigence. En Belgique par exemple, et pour ce qui concerne les législatives, se sont succédés à tour de rôle FLN et RND avec l'avantage au candidat du FFS pour la dernière législative. Et encore, c'était celui du FLN qui revendiqua la victoire et il a fallu recompter et revérifier pour désigner le candidat FFS. Les mauvaises langues affirment que c'était truqué, car partout dans le reste du monde ce sont les candidats du FLN et RND qui avaient « gagné ». Il fallait donner de la crédibilité au scrutin est « désigner » celui du FFS. Au final, à l'étranger comme dans le pays, le jeu politique n'est pas si différent. Ce sont les mêmes choix. C'est encore plus frappant chez les militants actifs : beaucoup de ceux qui avaient soutenu M. Ali Benflis en 2004, se sont retrouvés, étrangement, de grands supporters d'Abdelaziz Bouteflika, dès le lendemain de sa victoire électorale. Cette allégeance au gagnant du « Système », pour ne pas dire au plus fort, n'est pas propre aux « opportunistes » politiques au pays. Elle se reflète comme dans un miroir dans la communauté algérienne à l'étranger. D'ailleurs, un bref regard sur l'attitude du mouvement associatif, appelé ou incité à la mobilisation à chaque rendez-vous politique, montre cette proximité avec le « régime politique » du moment. Beaucoup d'acteurs associatifs, encore une fois à de rares exceptions, manifestent une certaine fébrilité pour gagner la sympathie des autorités diplomatiques. Il ne s'agit pas de juger, car nos concitoyens sont libres dans leurs choix. Mais, de constater que malgré un climat de liberté considérable dans le pays d'accueil, les réflexes politiques ne sont pas si différents qu'au pays d'origine. Un exemple ? Pendant toute la période de la maladie du chef de l'Etat et son hospitalisation en France, les immigrés ont gardé une attitude digne : respect pour un homme malade et souhait de prompt rétablissement. Les multiples questions soulevées au pays sur ses capacités physiques à gouverner ou la « légalité » de la situation (incapacité du chef de l'Etat, art. 88 de la Constitution etc.) n'ont jamais inquiété nos compatriotes immigrés. Ce qui importe c'est sa guérison, le reste n'est que conjectures politiciennes sans intérêt. Aussi, il est fort à parier que dans l'hypothèse où M. Abdelaziz Bouteflika annonce sa candidature, la fébrilité électorale s'emparera de la communauté immigrée. Pour l'heure, c'est le calme plat. Comme celui qui précède les tempêtes?.y compris politiques.