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Les candides

par El Yazid Dib

Si certains d'entre eux annoncent une physionomie politique, leur dessein n'invoque pas une innocence ou pureté d'une attitude sans accroce ni défiance. La candeur, comme toujours, ne se localise pas à de telles enseignes.

Ils sont nombreux ces candidats que je me refuse de citer. Aucune " une " de journal ne peut aligner leurs effigies.

Venant d'horizons différents, ils font toutefois la mosaïque électorale. Qu'ils partent à la quête d'une aura qui en réalité n'existe que dans la tête de celui qui continue à croire qu'il en est auréolé ! La politique n'est pas un jeu dans une crèche, encore moins une conférence économique. La brutalité en ce domaine a été toujours dissimulée sous un langage d'enfant criant sa niaiserie à la moindre triche dans un jeu puéril. Personne ne semble être dupe pour venir, sachant qu'il périrait ; se mettre au travers de la trajectoire d'un destin artificiel déjà conçu. Il ne reste qu'à planter les éléments du décor pour que le sort soit des plus authentiques.

Etre candidat, pour les uns, s'assimile à une demande d'emploi. Pour les autres, cet acte n'est qu'un rajout de mention à un Cv en mal d'exhibition. Alors que pour certains, très rares c'est du sérieux. Déjà le ministère de l'intérieur annonçait, dimanche dernier soit 48 heures après l'ouverture des candidatures et avec un sourire controuvé à la limite narquois le retrait d'une quinzaine de demandes de souscription. 24 heures après le nombre aurait dépassé les 27 ! Ce chiffre a parait-il l'apparence de plaire et l'envie de le voir s'accroitre s'accroit également. L'on dirait qu'il existe une stimulation engouée de faire participer le plus grand nombre de candidats.

On ouvre l'appétit, sans oser le couper bureaucratiquement à ceux-là même qui n'ont pu avoir un simple mandat électoral dans leur localité natale. Il y en a qui viennent de loin, ceux qui arrivent par avion ou à l'aide d'un roman. Il y en a qui redécouvrent leur nationalité d'origine, ceux qui reviennent au pays faute de ne rien faire ailleurs.

Enfin il y en a les eternels joueurs dans le théâtre quinquennal. Ceux-ci en font de la candidature un métier. Ils ne rougissent pas aux présentations mondaines ; de décliner leur identité en profession : candidat présidentiel. Les conditions de recrutement à de tels concours populaires n'obéissent pas à des critères bureaucratiques que transvase la fonction publique. Elles sont d'ordre apolitique. Oui apolitique, car l'intention de se porter candidat à un tel poste, par certains n'est pas une affaire politiquement sincère. Elle ne sert en fait qu'un autre intérêt politique. Ces souscripteurs, crées parfois pour la circonstance ce qui justifie aussi leur longévité iront enchantés soutenir la boulimie insatiable de ceux qui les ont inventés lorsqu'ils n'étaient qu'au stade de la fécondation. Ils ne sont pas tous candides ces candidats. Et l'argent ? Il y est de toutes les façons. Candides ou pas.

L'appétence des proches élections n'a pas cessé d'enfanter des illusions à tous les échelons. L'empressement de se voir, pourquoi pas candidat présidentiel a troublé les têtes. Les partis, théoriquement véritables tracteurs d'entités à même de se profiler dans la course présidentielle, sont hors circuit. Le peu qui respire encore et difficilement s'acharne pour avoir au moins une place dans l'échiquier qui va composer l'avenir du pays. Il existerait beaucoup plus de candidats dits libres que ceux validés par des partis agrées. Si c'est aux partis de faire l'embryon de l'Etat, de le faire éclore dans les couches savoureuses de la démocratie ; c'est aussi à eux qu'incombe la tache de veiller d'en faire le support ferme et solide de la république.

Presque, sinon tous les candidats ayant répondu présents à l'appel de la convocation du corps électoral se cachent derrière un pouvoir quelconque mais en pales copies, contrefaites, altérées et disgraciées. Le poids du pouvoir parrain au sein du parti voulant mettre un homme ou soutenant l'autre dans ces joutes est très agissant. Il vacille, selon les conjonctures d'une affinité personnelle à un lien étroitement intime. Sa puissance s'exerce aussi par la qualité engagée et adhésivement collée au système que possèdent les détenteurs agissants dans l'organe central et ses divers démembrements dans l'exécutif décisionnel. Ce poids qui se pratiquait à un moment à leur profit s'est vu, démocratie rajeunissante oblige ; orienté vers leurs protégés. Le piston dans la démocratie est ainsi devenu un autre phénomène de la société politique. Basé sur l'instinct d'intérêt, il tend à corriger le paysage partisan en une immortalité parentale. Personne n'aura de doute quant à la nature de militantisme qui anime chacun d'eux. L'essentialité est que, ce militantisme manque de permanence et de constance. On ne milite pas pour une conjoncture ou une échéance. L'idéal est pérenne et incessant. Le travail n'est pas facile. Convaincre une personne en ces temps-ci est un vrai miracle. Chacun a eu sa morsure en pleine chair. Il faut d'abord se convaincre, puis essayer, sans s'arrêter à une date, à un programme ou à un homme de le faire à l'égard des autres. Le pouvoir va certainement être tancé, non pas sur la profondeur du système qui veut que cela se passe ainsi, mais sur des anicroches de transparence, de commissions et autres bagatelles allant dans le sens voulu par ce même pouvoir. Car l'objectif d'une élection dans un régime réputé pour être honni n'est autre que de crédibiliser son essence. Il tient par le respect des échéances à faire respecter la procédure dont il est l'auteur. Les règles d'un monde où tout le monde est censé y vivre ; doivent être par principe discutées et avalisées par tous. Les rapports sociaux imposés ne sont jamais à la longue arrivé à faire d'une vision personnelle un consensus général.

Ces élections n'auront pas en finalité à changer le mode de vie des algériens. L'habitude électoraliste ne les tient plus en haleine. Exception faite cependant pour ceux qui continuent à en faire une fonction voire un métier. Ca, ces électeurs ne font plus confiance. Ils voient en la politique que du mensonge, de la feinte et de la roublardise. Que ne leur a-t-on dit que leurs lendemains sera éblouissant, éclatant et apaisé ! Ainsi l'on voit que la politique se régénère dans le souci et le flou d'une incertitude liée à des lendemains imprécis. L'épouvantail de la l'artifice électoral, le spectre de la mafia du foncier, les alliances de conjoncture et autres fantaisies de précampagne, commencent déjà à alimenter les méninges de nos différents commis-politiciens. Chacun y va de son empreinte, chacun à une réalité qui n'est autre qu'une certaine ambition qu'il veut mordicus, opposer comme réalité absolue à l'égard d'autrui. Le tort est chez lui quand la déraison le pousse jusqu'à faire écrouler de son socle le droit des autres à la critique, au sens de la diversité et aussi à l'honneur de défendre leur honneur. L'algérien qui votait, le faisait pour le pays, pour la stabilité dans la construction d'un Etat de droit tant chanté, tant loué et qui se raréfie de jour en jour. Cet algérien veut bien croire en la transparence que crient ses gouverneurs et qui n'arrive jamais à renaitre de la noirceur de leurs intentions. Le néant trop béant qui abasourdit son climat national, croit-il transforme les chauves-souris en des êtres droits, éloquents et convaincants. Car les splendeurs des ténèbres n'appréhendent pas la pointe du jour ni l'accouchement de l'aube. Voilà que les vampires surviennent de jour, habillés de générosité et de bonne aumône ; proposer aux affamés; la liberté et le bonheur. Ainsi il est toujours facile d'édifier des manoirs, de magnétiser le peuple, de dessiner le redressement pour qu'en finalité, seule l'inutilité de tels propos est produite. Le discours prometteur est de mise. Ce caprice magistral est tout le temps un acte gratuit, car l'oralité elle-même est abondante. Le crachoir est fait pour ça. L'on ne mange pas quand on a un micro juste en face de son museau. La supercherie oratoire du bien parler ne devrait pas innocenter la duperie de faire croire à autrui que la prospérité est une affaire exclusive de simple discours. Le bien-être ne se dit pas, il se vit, s'exerce et se sent.

Nous allons entendre beaucoup se dire que l'Algérie va mal, que le malheur gagne tous les cœurs, que le changement est impératif, que le changement du changement l'est aussi. Mais à vrai dire a-t-on besoin de ces diseurs d'audits pour que l'on puisse chacun dans sa position faire ce constat et pire encore ? Nous marchons pourtant dans les mêmes rues qu'ils empruntent avec leurs nids de poules et leur absence d'éclairage. Nous fréquentons les mêmes marchés, peut être, pour acheter la meme marchandise au même prix, peut être. Nos enfants vont à la même école que les leurs, peut être et font aussi des cours supplémentaires dans des caves.

En fin ils nous diront ce que nous savons, ce que nous vivons et s'accentueront à nous dire aussi ce qu'ils nous feront faire une fois élus. Mais certainement ils s'empêcheront de rappeler qu'il fut un temps où le FMI nous dictait ses instructions pour une bagatelle de dollars empruntés, que maintenant c'est l'Algérie qui est courtisée par le FMI pour quelques millions de dollars. Ils omettront de dire que L'Algérie en cinquante ans d'indépendance a bien construit des écoles, des routes et autres immenses et salutaires infrastructures. Le gaz est presque partout, l'eau enregistre une moyenne satisfaisante, autant pour la scolarisation ou le développement rural. Ils ne vont pas dire que le terrorisme est vaincu et qu'il n'en reste que des poches " résiduelles ". Ils s'abstiendront d'invoquer la stabilité politique exigée par les menaces frontalières auxquelles se trouve confronté de toutes parts le pays, car croyant ainsi créditer le pouvoir en place. Balayer comme ça d'un revers de main toutes ces réalisations, croyant également faire tord à un triple mandat forclos et suspendre la continuation ; n'est qu'un délire électoral et un déni de vérité. Finalement, comme la nature ; la démocratie ne peut avoir uniquement des vertus. Elle peut aussi, sinon elle produit également des excrétions. Le contraire est vrai. L'autre partie, celle devant faire l'apologie d'un énième mandat, et appelant à la prolongation de la " gouvernance " actuelle ne doit pas berner le peuple pour positiver les scandales financiers et éclipser les inégalités et les écarts de gestion dans le partage de pouvoir. La régionalisation est érigée en un ensemble de critères où le sol natal en est le plus influent.

Le parrainage s'est rendu en une procédure légale, la gérontocratie a bouffé l'ultime sève qui demeure d'une jeunesse livrée au virtuel, doit-elle reconnaitre. L'esbroufe a emboité le pas à toute vertu. Cette partie qui va aussi rendre élogieux un bilan se doit de dire les faiblesses qui ont émaillé ses mentors. Que l'aisance financière est un don de la providence, que l'autoroute n'est toujours pas une autoroute et que Sonatrach déshonorée n'est plus une fierté nationale. Elle doit faire son mea-culpa face à ces haragas pour qui le pays n'a pu offrir un logis, un job et ?une épouse. Le désenchantement des mandats successifs n'a engendré que l'illusion de l'Ansej et les chimères de l'Anem, se doit-elle de conclure. Enfin l'Algérie, heureusement d'ailleurs est avant tout la mère patrie de toutes les parties en lice. Beaucoup de gens, comme moi continuent à incarner le profil idéal de l'électeur indécis qui ne cherche qu'à être convaincu et qui évite l'invitation à l'ouverture des tombes avant termes, ou la joie de briser l'urne avant dépouillement ou le tir sur des visages encore candides.