Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une femme à la tête de la Fed

par Akram Belkaïd, Paris

Comme prévu, le Sénat des Etats-Unis a donné, lundi 6 janvier, son feu vert (56 voix pour et 26 contre) à la nomination de Janet Yellen à la présidence de la Réserve fédérale américaine. Elle remplacera ainsi Ben Bernanke dont le second mandat s’achève à la fin du mois de janvier. Agée de 67 ans, celle qui est déjà vice-présidente de la Banque centrale américaine (que l’on appelle aussi «Fed»), va donc faire son entrée dans le cercle des dirigeants les plus puissants et influents de la planète.
--------------------------------------------------------------
UNE ACTION DANS LA CONTINUITE DE BERNANKE
--------------------------------------------------------------
Certes, les décisions au sein de la Fed se prennent de manière consensuelle et, le plus souvent, à la faveur d’un vote au sein du Comité de politique monétaire (Fomc). Mais la personnalité du président compte énormément car c’est lui qui oriente cette politique selon ses convictions et ses analyses. Les deux prédécesseurs de Janet Yellen l’ont bien montré. Alan Greenspan a été l’architecte de l’expansion financière aux Etats-Unis tandis que Ben Bernanke restera dans l’histoire comme ayant été celui qui n’a pas hésité à recourir à des politiques peu orthodoxes pour faire face à la crise des subprimes. En rachetant de la dette publique étasunienne, la Fed a vu ses actifs passer de 813,2 milliards de dollars en 2006 à 3747,4 milliards de dollars en octobre 2013. Un bond de 361% qui a fait dire au financier et milliardaire Warren Buffet que «la Fed est devenue le plus gros fonds spéculatif de l’histoire».

Et c’est justement la gestion de la politique monétaire non-conventionnelle qui sera le dossier le plus urgent à traiter pour Janet Yellen. Pour faciliter la tâche de sa successeur, Ben Bernanke a déjà initié la réduction des achats mensuels d’actifs puisque ces derniers sont passés en décembre dernier de 85 milliards de dollars à 75 milliards de dollars. Du coup, Yellen pourra expliquer qu’elle s’inscrit dans la voie tracée par son prédécesseur et elle n’aura pas de mal à justifier d’autres réductions. Il lui faudra tout de même rassurer les marchés et faire en sorte que ce retrait progressif du soutien à l’économie ne débouche pas sur une crise de confiance et un ralentissement de la croissance.

Dans les mois qui viennent, il sera d’ailleurs intéressant de voir comment la présidente de la Fed va gérer le couple croissance du produit intérieur brut (PIB) et inflation. A diverses reprises, cette économiste a fait savoir que, pour elle, il était possible de tolérer une inflation élevée de manière temporaire si jamais cela devait permettre de maintenir une croissance forte.

On le voit, comme ses prédécesseurs, Yellen continuera de faire de la création d’emplois (conséquence directe de la croissance), le pilier de l’action de la Fed et cela contrairement à la politique de la Banque centrale européenne (BCE) qui reste focalisée sur l’inflation, fût-ce au prix de la destruction de postes.
------------------------------------------------------------------
UNE NOMINATION A PORTEE PLUS QUE SYMBOLIQUE
------------------------------------------------------------------
Par ailleurs, on relèvera que c’est la première fois qu’une femme accède au plus haut poste de la Réserve fédérale. Pour mémoire, Yellen n’était pas le premier choix de Barack Obama qui aurait préféré désigner Larry Summers avant de se raviser après la menace de plusieurs sénateurs démocrates de ne pas voter pour cet économiste controversé et jugé trop favorable à Wall Street. Aujourd’hui, Obama peut tout de même s’enorgueillir d’avoir contribué à la lutte contre les discriminations au travail dont sont victimes les femmes. Avec Yellen à la tête de la Fed, c’est tout le leadership de la finance qui devra tôt ou tard cesser d’être un domaine réservé aux hommes.