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A la croisée des chemins

par Ali Brahimi

Le peuple algérien s'apprête à commémorer le 29 juin 1992, date fatidique de l'assassinat du défunt président Mohamed Boudiaf, et la 51e année de l'indépendance, dans une ambiance s'annonçant, d'ores et déjà, morose du fait des appréhensions actuelles perceptibles dans les comportements des foules qui, malgré tout, semblent le plus normalement du monde vaquer à leurs occupations quotidiennes.

Afin de situer au mieux le contexte actuel, il serait utile et riche d'enseignement de faire une brève rétrospective de quelques faits saillants, de la période allant de 1962 à nos jours, d'autant plus qu'ils ne cessent de se renouveler sous des aspects relativement dissemblables, dans la forme, mais presque identiques dans le fond. En effet, pour la unième fois, la situation actuelle du pays est à la croisée des chemins !

A l'exemple de l'intervalle du cessez-le-feu, signé entre l'Algérie et la France coloniale, allant du 19 mars au 4 juillet 1962, jalonné par des règlements de compte entre les clans et les individus. La journée du 5 juillet 1962 a été fêtée par d'inoubliables et rares moments d'exaltations et de grands défilés pompeux de soutien aux chefs de groupes rivaux (1) dont le Général de Gaule avait prévu, depuis la «paix des braves», leurs désaccords étalés au grand jour.

Au préalable, les générations d'avant-1962 ont participé, chacune selon ses possibilités et son niveau de maturité et d'engagement citoyen, à la fondation de l'Etat Algérien renaissant de ses cendres et en pleine crise gouvernementale à partir de l'été 1962. C'était le temps des occasions ratées dont la non démocratisation des relations sociopolitiques et culturelles entre les parties du peuple d'une part, et entre celles détenant le pouvoir de décision, d'autre part, percevant le peuple Algérien comme une société désemparée, voire immature et indisciplinée, qu'il fallait remettre sur pieds. Le slogan : Prenez garde, le grand combat n'est pas encore terminé, dénote de l'état d'esprit des groupes antagoniques de cette époque survoltée.

Les occasions ratées de cette période ressurgissent de plus belle au temps actuels. Pire, elles se sont greffées à de nouveaux agissements dont nous décrivons quelques-uns ci-après : Les ambitions démesurées d'acquérir, par n'importe quel moyen répréhensible, le pouvoir politique, médiatique, financier ; pullulation des affairistes véreux mélangeant intérêts personnels et magouillage électoral ; l'accaparement des privilèges indus ; la propagation des mensonges à tous les niveaux y compris dans le milieu des gens soi-disant cultivés ; l'étouffement du franc-parler constructif ; la résurgence des animosités du passé qui ont fait trop de mal au pays et dans le cas ou un clan rancunier se retire de la scène politique c'est qu'il a l'intention planifiée d'enfoncer davantage ses adversaires dans des problèmes inextricables ; la diffusion des déclarations défaitistes sapant le moral des jeunes gens ; l'étalage ostensible des richesses matérielles devenues à la mode ; médisances autour de la santé et la vie privée des dirigeants au plus haut niveau de l'Etat; etc.

Ces symptômes tirent leur origine de la période coloniale. Cependant, ils se sont intensifiés, par intervalles, en 1962, 1965, 1968, 1978, 1981, 1988, 1992, et aux temps actuels ils ont atteint des cimes ! Le 29 juin 1992, le président Mohamed Boudiaf (El-Watani) a été lâchement assassiné à Annaba. Ce 17 juin 2013, sa soeur unique est décédée. Agée de 92 ans, elle vivait modestement. Elle a rejoint son frère au même mois de son assassinat. Au fait, qui se souvient encore de cette funeste date? Après la disparition du coordinateur de la révolution du 1er Novembre, l'Algérie s'était retrouvée, encore une fois, à la croisée des chemins.

Cette période de fourvoiements sur tous les plans dont cultuels et culturels, se répète actuellement sous d'autres formes préjudiciables pour tous. A l'évidence, le mal politicien et mystificateur, est tellement profond, dans notre société encore sous influence des appareils politiques et une myriade d'apprentis sorciers, qu'il réclame un traitement de choc adapté à partir de la base jusqu'au sommet de l'ossature étatique.

En clair, une deuxième République novatrice s'impose par la force des choses. En effet, il est nécessaire de se diriger dans la voie du changement serein de l'actuelle République qui, il faut le souligner, a tenté de faire l'impossible afin de revivifier l'ambiance notamment des jeunes générations.

Après 50 années d'indépendance du pays, la plupart des Algériens et Algérienne, affiliés aux partis politiques ou indépendants, notamment soucieuses, à ce qui se passe dans le monde d'aujourd'hui, abhorrent être à la croisée des chemins. A l'évidence, ils ont un grand besoin de changer de République non pas par caprice mais par besoin d'évoluer au meilleur sans renier ce qu'ont fait leurs aînés

Pour la première fois, dans les annales des monarchies du golfe, l'Emir du Qatar a légué, dans la concorde et sans aucun problème, en faveur de son fils dont l'âge est de 33 ans. Son père a 61 ans. Aux temps actuels, le legs politique monarchique, se transmet partout dans la sérénité intergénérationnelle. En revanche, chez quelques «républiques» du monde arabe, le pouvoir politique se transmet de père en fils au mépris des peuples.

Enfin, en ces moments de chaleur, tous les chemins du nord mènent aux plages, de la méditerranée, qui sont les meilleurs endroits pour se prélasser, en famille, et se purifier moralement et qui permettent aussi de renouveler les forces bâtisseuses, notamment celles des jeunes élites dignes et aptes de reprendre le flambeau des aînés, dont notre beau pays recèle à volonté.

Un jour, peut-être, l'Algérie découvrirait le bon chemin à suivre. Qui sait ?