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Livres : les guerres de libération sont-elles terminées ?

par Belkacem Ahcene-Djaballah

In/dépendances. Etudes et articles. Naqd, revue d'études et de critique sociale, Automne /Hiver 2012, Alger 2012,236 pages en français et 82 pages en arabe, 500 dinars Qu'avons-nous fait de nos 50 années d'Indépendance, bien souvent conquises chèrement, parfois dans le sang, toujours dans la souffrance, la sueur, la peine et, souvent, la colère et la révolte . Voilà la grande question à laquelle des intellectuels et des chercheurs, sociologues, historiens et/ou politologues, pour la plupart africains, ont tenté de répondre (à la place des politiques qui se montrent, aujourd'hui encore, incapables de le faire objectivement, empêtrés qu'ils sont dans leurs intérêts personnels et les intérêts politiciens).

Achille Mbembé, Samir Kumar Das, Fabien Ebousi Boulaga, Daho Djerbal, Françoise Vegès, Micere Githae Mugo, Prince K'uma Ndumbe III, Papy Maurice Mbwitti, Tiécoura Traoré, Shaija Patel, Ellen Ndeshi Namhila, Abdourahman A. Waberi, Iba Der Thiam...

Le tout accompagné de références à des textes-culte, extraits de discours des Anciens comme Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Thomas Sankara et Cheikh Anta Diop.

On y apprendra (ou, bien plutôt, on y re-verra) que, comme le dit Daho Djerbal dans la présentation, «les cinquante années qui viennent de s'écouler ont donné lieu à des remises en question, à des renoncements et parfois même à des impostures... Le désenchantement a gagné les esprits et ouvert la voie du retour à la domination étrangère, au despotisme et à l'oppression par nos propres gouvernants...»

On verra, aussi, que rien ne s'est passé comme les théories classiques (occidentales) de l'Etat et de la société l'auraient laissé supposer. Peut-être que tout est parti de ce que Achille Mbembé a nommé «le principe autoritaire».

Avis : Pour connaître «l'auberge» dans laquelle les héritiers (ou les continuateurs) des Révolutions nous ont «embarqué»... bon gré, mal gré ! Destiné surtout aux étudiants et aux universitaires... et aux «décideurs politiques» s'ils ont encore le temps de feuilleter (les bouquins, pas les «rapports» !) et la capacité de comprendre

Note : Attention à la qualité matérielle du travail livré par l'imprimeur. Mon exemplaire : quelques pages toutes blanches (pp 128,129, 132,133, 136, 137, 140,141)

Extraits: «L'Etat postcolonial, de par sa prétention à être un Etat-théologien (...) a produit des cadres d'action, des régimes de savoirs et des pratiques dont le but final est de faire admettre par les autres agents que le monopole de la proclamation de la vérité lui revient» (Achille Mbembé, p 17) et «Le mal que l'occupant nous a fait n'est pas encore guéri, voilà le fond du problème. L'aliénation culturelle finit par être partie intégrante de notre substance, de notre âme et quand on croit s'en être débarrassé, on ne l'a pas encore fait complètement» (Cheikh Anta Diop, p 215)

Nos félons et les colons.Ouvrage historico-mémoriel de Mustapha Bougouba. Editions El Maarifa, Alger 2012, 151 pages, 200 dinars

La production littéraire est un monde qui est en train de devenir, avec sa croissance accélérée et soudaine de ces dernières années, un monde insondable et, surtout, plein de surprises.

De ce fait, on y trouve du bon et du mauvais. Et, globalement, on ne peut pas dire que la liberté d'expression n'y est pas totale.

Le livre de Mustapha Bougouba, un moudjahid devenu, qui plus est, après l'indépendance, pendant un temps assez court, un gradé au sein de l'ANP, dit-il, en est la preuve... par 151 pages.

Il y raconte, dans un style assez décousu, bien que «prenant» par les faits qu'il présente ou décrit, sa jeunesse à Koléa, sa ville natale, sa militance dès mars 1956, puis son itinéraire de combattant pour la libération du pays.

Mias, au passage (et il y en a des passages !) il ne manque pas de «mettre en pièces» tous ceux qu'il n'aime pas : «les baudets (ou les larbins) de Koléa (issus de l'Ecole militaire préparatoire de l'époque coloniale) et de Saint-Cyr», traités tous de «taupes», «les révolutionnaires de la 25è heure», «les faux moudjahidine», tous «continuateurs de l'œuvre coloniale» affirme-t-il sans ambages. Peu de combattants trouvent grâce à ses yeux. Tout ce qu'il trouve comme «félons» sur sa route est «broyé» sans pitié... Les colons annoncés dans le titre ne sont pas nombreux. Il les a oubliés en chemin.

Une certaine sympathie, pour De Gaulle, pour Messali Hadj... et une compréhension certaine pour l'islamisme, complètent le tableau. Les seuls qui échappent aux propos vindicatifs, ce sont un peu Zeroual... et, bien sûr, A. Bouteflika... «l'homme de la situation». On n'allait pas, assurément, y échapper.

Avis : Aucun avis, sinon qu'il est difficile à lire. Des mémoires certes, avec beaucoup de vérités, mais c'est, aussi, un «règlement de comptes à Koléa». La guerre de libération n'est pas encore terminée ! A-t-il totalement tort ? Pas si sûr.

Extraits : «Pourquoi ça ne va pas en Algérie ? J'ai fini par trouver les responsables de cette déroute programmée, notre pays a été piégé avant les premiers contacts entre les dirigeants de la lutte armée et la France, notre pays a été piégé dans ses fondations par les services de Jacques Foccart afin que jamais son fonctionnement ne soit normal»» (p.22) «Les unités combattantes (de l'Aln) étant tenues de rapporter des piquets comme preuves de leur harcèlement (des barrages électrifiés), à la fin de la guerre, les Tunisiens ont ainsi hérité d'énormes tas de piquets métalliques rouillés disséminés dans différentes régions de ses frontières Ouest» (p.117)

C'est mon avis...

Recueil (en français... pour la première fois) de chroniques (parues dans la presse francophone nationale) de Mohieddine Amimour, Enag Editions, Alger 2012, 180 pages, 300 dinars

Grand commis de l'Etat, médecin de formation, auteur de plus d'une dizaine de livres (la plupart en arabe), c'est aussi un journaliste de talent, auteur de centaines d'articles, surtout des chroniques dans la presse nationale et internationale, celle de langue arabe tout particulièrement, une langue qu'il maîtrise «comme pas possible». Il a, aussi, connu d'assez près certains de nos présidents qu'il a conseillé en matière de communication, et bien de nos «écrivants» réputés, aujourd'hui sexagénaires et retraités, sont passés (lors de leur service national, entre autres) dans les «labos» des services de l'Information de la Présidence qu'il a dirigé durant des années (1971-1984).

L'Egypte, la Syrie, La Palestine, la Russie, l'Egypte, la Syrie et encore l'Egypte et la Syrie... un peu de Boumediène, un peu de Chadli, pas mal de photos...

Avis : A lire, pour mieux le connaître... et, pour avoir votre comptant de «révélations». Mais, attention, «ce médecin malade de l'écriture» est, comme l'écrit un confrère, «d'une modestie qui reste à prouver»...

Extraits: «Je dois avouer que les langues étrangères étaient pour moi de simples outils de travail que j'utilisais à des fins conjoncturelles et bien ciblées» (p.7), «J'ai tenu à reproduire les papiers publiés dans certains journaux algériens qui m'ont accueilli, sans changer quoi que ce soit, y compris des conclusions qui pouvaient être hâtives ou des déductions qui sembleraient être des précipitations analytiques» (p. 10)