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Ah ! si on ouvrirait nos boïtes de Pandore !

par Mohammed Beghdad

Au début de ce mois de l'automne 2012 avait éclaté un scandale qui a défrayé la chronique en Allemagne et qui a vu en fin de compte, en ce début du mois de février 2013, la ministre de l'Education de ce pays remettre sa démission de son poste [1].

Est-ce pour une affaire de corruption ? Non ! Est-ce pour une affaire de détournements de deniers publics ? Non ! Est-ce pour avoir reçu des pots de vins d'un fournisseur pour équiper les écoles de son pays ? Non ! Est-ce pour abus de pouvoir ? Non ! Est-ce pour abus de biens sociaux ? Non ! Est-ce pour avoir échoué dans la politique de son département ministériel ? Non ! Est-ce pour avoir subi un revers électoral dans son parti ? Non ! Est-ce pour un détournement de la volonté populaire de ses citoyens ? Non ! Non et non, rien de cela, c'est uniquement pour une affaire d'éthique et de déontologie. L'argent n'est donc pas au milieu de ce remords comme on ne cesse de le voir dans notre pays.

Annette Schavan, dont-il s'agit ici, est accusée d'avoir plagié sa thèse de doctorat universitaire. L'université de Düsseldorf qui lui avait accordé son doctorat, tenez-vous bien en 1980, n'a pas hésité un seul instant à expliquer aux opinions scientifique en particulier et publique en général que madame la ministre, de surcroit également responsable de la recherche dans son pays, avait «systématiquement et délibérément» triché en écrivant sa thèse de philosophie. C'est grâce aux fortes critiques d'un simple enseignant de cette université, relayées ensuite par le journal Spiegel, que les choses s'étaient accélérées par la prise en charge du dossier par la commission de l'université chargée de délivrer les doctorats qui avait ensuite décidé, le 12 décembre 2012, d'ouvrir une enquête pour mettre au clair cette affaire. En toute liberté et en toute transparence, l'université a finalement invalidé le titre de Doctorat de la ministre.

Comme on le constate fort bien, les commissions sont créées pour aller jusqu'aux bouts de ses investigations les plus profondes et non s'arrêter brusquement en les détournant de leurs objectifs dès qu'elles butent sur des grosses légumes. Dans le cas où ce type de commissions serait enfanté chez nous, combien de scandales auraient éclatés sur nos figures ? Combien alors de diplômes seraient-ils invalidés ?

Portons à la connaissance des lecteurs que celle qui est députée depuis 2005 et qui fut, durant 4 années, la vice-présidente de l'Union Chrétienne-Démocrate (CDU), derrière la présidente, sa chancelière Angela Merkel et également son amie proche de longue date, a décidé de quitter librement son fauteuil, rongée par cette question de pure moralité. Comme elle l'avait déclaré, elle avait déposé sa démission pour ne pas trainer les conséquences d'une telle procédure sur son ex-ministère, sur les épaules de son gouvernement et sur le dos son parti qui affronterait les échéances des élections législatives dans moins de 8 mois. La démissionnaire rajoute que «Cela ne va pas, la fonction ne doit pas être salie» ! Est-ce que cette moralisation de la vie politique verrait-elle le jour chez nous ? Je sens que beaucoup de citoyens seraient pessimistes sur la question qui ne mériterait même pas d'être posée.

Cet exemple de pays de la transparence comme l'Allemagne, n'est pas à sa première dans son tableau de chasse. En effet, en mars 2011, c'était le ministre allemand de la défense Karl-Theodor zu Guttenberg, accusé lui aussi de plagiat, qui passait à la trappe [2]. L'université de Bayreuth (à ne pas confondre avec le Liban, cette université se trouve dans la région de la Bavière en Allemagne), où il avait obtenu en 2007 son titre de Docteur en droit, avait annoncé par la voix de son président le retrait le titre du diplôme au ministre. Elle l'accuse de « ne pas avoir donné lieu à un travail scientifique correct» sans toutefois qualifier son travail de plagiat. Ses détracteurs l'ont surnommé le «Baron copier-coller» ou «Baron von Googleberg».

Pour avoir recopié dans sa thèse des passages entiers sans citer leurs auteurs. Le ministre n'a pas non plus fui ses responsabilités en répondant pendant plus d'une heure aux questions des députés du Bundestag (chambre basse du Parlement Allemand), tout en reconnaissant avoir commis des «fautes graves» dans la rédaction de sa thèse, mais en rejetant les accusations de plagiat par l'opposition qui le traite de : « menteur et imposteur».

Pas loin de l'Allemagne, c'était le président hongrois Pal Schmitt en personne qui abandonnait ses charges présidentielles en Avril 2012 pour une affaire semblable après s'être vu retiré par le Sénat de l'Université Semmelweiss de Budapest son titre de Docteur en affirmant que sa thèse de Doctorat ne répondait pas aux «méthodes scientifiques, ni éthiques» [3]. Le présidait ne cessait de plaider non coupable. Mais la sentence est tombée : «Puisque selon la constitution, la personne du président doit représenter l'unité de la nation hongroise, et que ma personne est malheureusement devenue synonyme de division, je sens que mon devoir est de me séparer de mon poste», avait souligné le chef d'état hongrois, mort dans l'âme, devant la chambre des députés. C'était aussi un hebdomadaire hongrois HVG qui avait révélé l'affaire en présentant des passages de la thèse de Pal Schmitt, 69 ans qui s'avérait comme une traduction du texte en français d'un expert bulgare. Le couperet est lâché, le parlement avait accepté sa démission, avec 338 voix pour, 5 contre et 6 abstentions.

Un simple conseil scientifique d'une université qui fait tomber un président ! Il fallait vivre pour le croire dans un pays qui n'était pas plus tard hier dans le même système que nous. Des chemins diamétralement opposés sont parcourus par les deux, l'un pour un progrès sans cesse grandissant et le nôtre pour un marasme profond à rendre malade tous les sincères et honnêtes de ce pays.

« Khali Elbir Beghtah (Laisse le puits avec son couvercle) ! », comme m'avaient répondu certains amis sur Facebook lorsque j'avais posé la question si on pourrait un jour ouvrir nos boites de pandore. Une amère conclusion pour un dossier qui mérite toutes les attentions particulières si on veut que le pays puisse un jour espérer sortir de la bouteille dont l'issue s'obstrue sans fin avec un air qui se carbonise davantage.

Références:

[1]http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/02/09/accusee-de-plagiat-de-these-la-ministre-allemande-de-l-education-demissionne_1829628_3214.html

[2] http://www.lemainelibre.fr/affaire-plagiat-le-ministre-allemand-de-la-defense-prive-de-son-doctorat

[3] http://www.liberation.fr/monde/01012399894-accuse-de-plagiat-le-president-hongrois-demissionne