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Belkhadem : partira, partira pas ?

par El Yazid Dib



Son sort va-t-il se dénouer dans la décision d'un comité central départagé ?

Portant l'homme est d'une gentillesse remarquable. D'une civilité imprégnée d'un civisme ancestral. Lui qui ne venait pas des strapontins partisans. Il est né dans le cœur du parti. Sa vie durant n'a été qu'un parcours aux pleins heurts. La tache n'était pas aisée, tant la convoitise, l'indécence, la duplicité tintaient comme des cloches d'airain dans la complexité du système de gérance.

Depuis sa naissance à ce jour. Du responsable de «l'appareil du parti» aux secrétaires généraux respectifs, la passation de consignes s'est toujours faite dans la brouille, les coups d'état scientifiques ou par la justice nocturne. L'alternance ne s'accomplit que dans le mal à l'autre. Alors de quelle nature va être celle vers qui le vieil homme militant de Tiaret y est acculé ? Ce 31 janvier ?

Lorsque la vantardise empêche le bon sens d'unir la saveur du mythe à la réalité de l'erreur ; le projet tardera à venir et le parti vacillera d'une rive à l'autre. Pris par un mauvais esprit, le parti est hanté.

La présence structurelle du parti semble donner entre deux échéances électorales l'impression d'une simple existence d'un néant dynamique soit l'illusion de la coquille vide. Ce grand parti libérateur et rédempteur, artisan du sentiment nationaliste ne serait il plus habité par ces élans rassembleurs et unitaire de la composante patriotique ? Aurait-il subi, à l'instar d'autres corporations le syndrome de l'usure et du vieillissement méthodique et fonctionnel ? Cet anachronisme qui ne devait point sévir au sein des forces vives et centrifuges serait pourtant devenu une nature essentielle pour le fonctionnement de tout l'appareil tant central que local.

C'est lors de l'effilement de toutes les élections que les batailles dans le parti n'ont jamais pris l'allure de courants idéologiques contradictoires. Les conflits opposaient les personnes, les clans et les familles et non les idées ou la nature de projets sociaux. Sinon comment explique-t-on la levée de boucliers à chaque redéploiement du comité central ou à l'occasion de la distribution de postes clé dans le bureau politique qui revient allégrement en surface ? Il reste édifiant encore de pouvoir constater avec lassitude que même avec la survenance, d'ailleurs salutaires d'autres associations politiques, le FLN tient à contrario du discours à imposer une caste au nom d'une légitimité, non plus historique mais militantiste. L'opportunisme est confectionné grâce à l'octroi d'une carte ou le renouvellement d'une autre. La lutte n'apparaît qu'autour de l'échéance de vote qui fera, croit-on toujours savoir, des hommes publics pour ceux qui ne sont que de quelconques noms usuels.

Avec un personnel des années du parti unique le FLN n'ira pas vers le fond philosophique de la démarche qu'il semble préconiser. Il demeurera otage des caciques et de groupes corporatistes fort jaloux envers toute «pénétration» extérieure. Faisant dans une nébuleuse volonté, sa propension de changement, il n'arbore qu'une démocratie de bavardage dénuée de toute logique propre à un parti où le centralisme démocratique est une règle d'or.

La tentative du moins déclarée d'opérer la décantation menant vers un assainissement progressif des rangs tenus en tête par les vieux randonneurs du FLN, n'aura certainement pas lieu. Hélas pour ce mouvement de premières heures. Patrimoine sans conteste de tous les algériens il ne peut demeurer otage de quelques scribouillards en mal de postes ou de considérations sociopolitiques. La restitution de ces trois initiales confisquées sournoisement par des potentats ou des futurs néo-dinosaures est à réclamer par tous au nom de l'histoire, des martyrs et des profondes fibres de la nation. Il restera tout de même ce parti d'avant garde qui a su galvaniser à un certain moment le sentiment national. Il aura été contre vents et marées le catalyseur des efforts libérateurs et de l'emploi rédempteur pour le recouvrement de l'indépendance nationale. Comme il aura l'avantage du mérite de pouvoir continuer sa trajectoire non sans faire ablation de tous les microbes qui le gangrènent et faire table rase des méthodes inquisitoires qui l'abîment, des clans qui le minent et de la fourberie immorale qui gravite comme un essaim autour de son noyau dur. Si le rajeunissement pris en option dans la démarche du renouvellement des instances, la notion n'exprime pas qu'il fallait confier des taches de commandement (el kiada) honorifiques à des gamins ou à des personnes quelconques et indifférentes. Aussi le renouvellement ne peut rimer avec la réincarnation des momies ou la réparation pâteuse des épaves retirées sans scrupule du cimetière politique.

Le FLN, si l'on en parle ainsi avec souvent moins de contrariété et plus d'écœurement ; c'est qu'il n'est pas n'importe quel parti. Mais par mésaventure il entreprend à contenir en son sein n'importe qui. L'élite étant à la base ou en knock-out, la masse s'individualise et s'accroche pêle-mêle aux sommets. Au moins que ceux qui réclament le changement aient ?l'amabilité aussi d'accepter à leur tour le changement dans ses différentes formes. Il y a le changement passif et l'autre actif. C'est-à-dire l'un a solliciter mais aussi l'autre à subir. L'essentiel résiderait dans la sauvegarde d'un tel étendard national. Que l'égoïsme et le règlement de compte ne se fassent pas sur l'histoire et son prestige. La lutte est certes légitime, dans le sens où la réalité devait transcender les courants qui s'agitent. Un FLN revigoré, hardi et décanté ne peut outre mesure que servir la nation. Belkhadem n'est en fait qu'un maillon d'une longue chaine en éternelle mutation.

Ses détracteurs l'accusent de vouloir prétendre, sinon nourrir des ambitions pour une postérité à la magistrature suprême. Mais, à voir ses tendances, ses accointances, sa mine, sa tasse de café, son livre de chevet ; l'analyste se brouille à peine d'y croire. Le comte à rebours mis en marche, ne s'arrêtera qu'une fois la force assagie et l'ardeur tempérée.