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L'année Hamza Sassi

par Abed Charef

L'année 2012 s'achève dans la confusion. Entre Hamza Sassi et le controversé contrat Renault, il sera difficile de trancher.

Engagée dans la fièvre de l'augmentation des salaires, l'année 2012 s'achève, en Algérie, sur le fiasco du contestable contrat conclu avec Renault lors de la visite du président François Hollande. Entretemps, le pays a raté ses «réformes», organisé deux élections qui ont confirmé la stérilité politique du pays, et résisté au printemps arabe. Un cheminement qui confirme une tendance vers le bas, et qui s'est conclu en apothéose, en faisant de Hamza Sassi une star nationale.

Au départ, pourtant, les choses se présentaient de manière différente. Soumis à la pression de la rue, dans la foulée du printemps arabe, le gouvernement s'était fait philanthrope. Profitant de l'embellie financière, il avait ouvert les vannes, distribuant des sommes colossales sous forme d'augmentation de salaires. Les résultats ont bouleversé les équilibres économiques du pays, avec des importations qui ont franchi le cap des 60 milliards de dollars, des importations de véhicules qui dépassent le demi-million d'unités, une inflation qui frôle les dix pour cent.

Le gouvernement confondait entre dépenser l'argent du pétrole et gérer un pays. Car dans le même temps, le taux de croissance restait désespérément bas, avec à peine 2.5%. Les folles dépenses d'équipement de l'Etat n'arrivent pas à relancer une machine grippée, incapable de créer des richesses, malgré les discours pompeux du gouvernement et les incroyables facilités accordées aux entreprises. Les résultats économiques ont été si faibles que le chef de la mission du FMI, en visite en Algérie en novembre, s'est montré à la limite de la correction : l'Algérie doit faire un taux de croissance à deux chiffres, a-t-il dit, sans susciter le moindre commentaire ou la moindre réplique d'un gouvernement algérien inexistant.

Mais l'apothéose a été atteinte avec la signature du contrat Renault : avec cet accord, l'Algérie produira moins de cinq pour cent de ses besoins, et s'engage à ne pas lancer de nouveaux projets dans l'automobile, ce qui aggrave sa dépendance alors que ses importations de véhicules devraient dépasser les dix milliards de dollars en 2020 ! De plus, le ministre de l'industrie a déclaré qu'il s?agissait d'un investissement d'un milliard d'euros, avant que Renault n'apporte les précisions nécessaires : l'investissement sera dix fois moins élevé. Et quand François Hollande est reparti, et que la ferveur était retombée, on découvrait une autre réalité : le contrat Renault est au partenariat ce que Hamaz Sassi est à la politique.

Ce ratage économique avait son pendant politique, comme le montrent les deux compétitions électorales de l'année. En mai, grâce à une habile manœuvre qui a permis d'agréer une trentaine de partis en un mois, le FLN a remporté une confortable majorité, profitant de l'éparpillement des voix. La cerise sur le gâteau fut cette déferlante féminine sur l'Assemblée Nationale, elle aussi obtenue grâce à l'obligation imposée de présenter des femmes dans des positions éligibles.

Six mois plus tard, le FLN a récidivé, même si sa victoire fut moins imposante lors des élections locales. Il a réussi à maintenir les écarts avec le RND et les islamistes. Mais sur le fond, les deux élections ne changent rien à la situation politique du pays. Elles confirment seulement la dégradation de la pratique politique, le recul des idées, des convictions et des programmes, au profit d'un opportunisme érigé en règle.

Dans l'intervalle, la nomination de M. Abdelmalek Sellal au poste de premier ministre confirmait la disparition du gouvernement : le nouveau premier ministre déclarait d'emblée qu'il n'avait pas de programme, qu'il se contenterait de celui du chef de l'Etat, et que son rôle se limiterait à nettoyer l'environnement et à améliorer les services publics.

Cette aptitude du pays à rester figé, incapable de se mettre dans le sens de l'histoire, est paradoxalement célébrée comme une victoire par le pouvoir. Celui-ci répète à l'envie que l'Algérie a échappé au «printemps arabe», grâce aux «réformes» qu'elle aurait menées. Lesquelles ? Difficile à dire. Mais c'est sur la base de ces réformes que se prépare l'avenir du pays, alors qu'il aborde un virage décisif, celui de l'année 2013. Durant l'année prochaine seront, en effet, prises des décisions qui auront des conséquences majeures sur le destin de l'Algérie. En premier lieu cette décision centrale : l'Algérie s'engagera-t-elle dans le changement nécessaire, ou bien va-t-elle rester dans l'impasse, se contentant de vendre ses hydrocarbures pour tout importer, alors que le pays subit, impuissant, une destruction de ses institutions et des valeurs qui ont fait sa grandeur ?

L'émergence de la nouvelle star nationale, Hamza Sassi, donne une indication sur l'orientation préférée de l'Algérie. Même si un sursaut, très hypothétique, n'est pas totalement exclu.