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Des années qui se bouclent et se rebouclent

par Mohammed Beghdad

Que dire de cette année 2012 qui s'achève avec toutes ses déceptions après avoir suscité des espoirs et des sensations à son commencement. Une année qui a vu le déroulement de deux échéances électorales, les législatives et les locales, n'ayant pas provoqué l'engouement attendu mais qui maintiennent presque le statut-quo précédent doublé d'une participation record de formations politiques dépassant de très loin la dose démocratique et dont on ne peut même pas les différencier par leurs sigles.

Toutes les lettres de l'alphabet ont été à profusion utilisées sans que l'on ait pu trouver la recette magique pour attirer les foules mais en vain.

A un ami sexagénaire à qui j'avais demandé pour quel parti il avait voté pour ces élections. Malgré la multitude des partis et les choix proposés, il avait carrément opté pour le vieux parti unique. Quelles en sont les raisons selon lui ? Eh bien ! Il m'a répondu texto que c'est sur ce parti qu'il avait ouvert les yeux à l'indépendance du pays, que c'est celui-ci qui lui avait permis d'être scolarisé, de grandir sans soucis. C'est en quelque sorte le parti culte mais dont la mémoire appartient à tous les algériens.

Cette formation politique lui avait professé toutes les ficelles postindépendance, à tricher, à être roublard, à être malin, à chiper aussi, à détourner, à bourrer les urnes, à fausser les chiffres, à mentir, à acquérir son logement et son lot de terrain en contournant les lois, à avoir son bon pour l'acquisition de sa première voiture de la défunte Sonacome, de son premier réfrigérateur ou son chauffage au temps de ces fameux souk el fellah, etc.

Je ne pourrais m'imaginer, m'affirmait-il, de changer une équipe pour laquelle j'ai tout gagné, qui m'avait permis d'avoir plus de droits que la moyenne des autres citoyens. Pour laquelle j'avais voyagé presque gratis et sans visa. Elle, qui m'a offert en fin de cycle un pèlerinage à la Mecque aux frais de la princesse pour se laver de tous mes péchés. Elle te permet de frauder et d'effacer toutes les traces à la fin de ta vie.

Loin de considérer ces élections de crédibles et pour lesquelles beaucoup d'encre avait coulé sous les ponts du pays, c'est donc un scrutin qui a été un refuge pour cette frange en voie d'extinction, du moins pour celle qui avait participé par la crainte d'un avenir des plus incertains en se refugiant dans un passé qui n'a pas été, loin de là, des plus séduisants pour d'autres pans de la population. Cette gestion d'un passif de 50 ans, pour lequel nous subissons toutes les conséquences fatales et néfastes d'aujourd'hui. Un futur, il fallait le construire, pas comme il l'a été pendant toutes ces années d'indépendance où le pays a marché presque à l'aveuglette et sans aucun programme précis et sans faire les pauses nécessaires pour dresser tous les bilans et en rectifiant les tirs avant que ce ne soit pas trop tard pour le pays.

On continue à ignorer toutes les opinions de ce peuple et c'est là où se situent toutes les maladresses et les désillusions. On cherche plutôt à acquérir les appuis extérieurs en négligeant ceux de l'intérieur comme s'ils n'existaient nullement. La crise de la légitimité, inévitable à toute promotion démocratique, est là, présente, qui nous poursuit comme un vieux et perpétuel cauchemar qui nous hante depuis le siècle passé et qui nous gâche la vie par cette fuite continuelle en avant. Cette recherche de la légitimité nous ferait sortir du couple, hors-la-loi, qui vit tout son amour dans l'illicite engendrant une illégalité infinie.

Lorsqu'on voit un jeune qui ait contracté un crédit pour l'emploi des jeunes sans aucune garantie de remboursement, on ne peut que se demander sur la gestion des deniers publics par un gouvernement qui cherche finalement que la paix et à couver les conflits sociaux par une politique qui ne cherche qu'à calmer les esprits au lieu de résoudre sereinement les problèmes posés pas au détriment du trésor public et en esquivant toutes les altruistes solutions.

Lorsqu'un jeune qui vient d'acquérir son crédit vous annonce clairement et sans aucune réserve qu'il ne rembourserait point, aucun sou à l'état puisqu'il s'agit de sa part qu'il vient d'arracher auprès de la cagnotte nationale dont tout le monde continue de s'en servir allègrement au mépris des lois et de l'éthique dont doit se prévaloir tout dirigeant. Justement ce n'est pas un état de droits qu'on a érigé mais celui de la jungle où les plus forts boufferaient les plus démunis.

Un ami, pour qui son fils avait négocié un crédit auprès de la banque publique, m'a avoué que par ces mesures, l'état a détourné nos enfants des bonnes valeurs et du travail honnête qui ne doivent se mesurer qu'à la sueur du front. Comment se fait-il qu'un jeune homme qui n'a jamais eu à compter un million de centimes, encore mois à le posséder, puisse tout d'un coup gérer un capital d'un milliard de centimes pour lequel il n'ait dépensé aucune goutte de son front ? Au lieu que l'état réfléchit en relançant une économie qui est en panne, il préfère se dégager de ses responsabilités en distribuant de l'oseille à tout va identiquement comme lorsqu'on ne vend que du rêve pleins les yeux au début et à la fin remplis de déboires.

Le pays a besoin beaucoup plus de bons concepts, de projets concrets que d'argent dont on ne sait quoi faire lorsqu'on est en panne d'idées. L'argent ne peut être qu'une source de dépravation de la société s'il n'est pas géré et dépensé de la manière le plus intelligente qui soit où chaque dinar ait sa grande importance. Il faut se comporter comme en temps de crise en retenant les leçons, pas en les oubliant comme l'atteste l'actuel comportement.

J'ai l'impression que l'on revit exactement la même fin d'année que la précédente où les choses n'ont point évolué, avec une dégradation en plus de la confiance en nos gouvernants qui prend chaque jour un coup de massue supplémentaire, augmentant ainsi à leur égard davantage de méfiance et de défiance. La solution ne pourrait résider qu'à un retour aux valeurs républicaines avec des urnes propres sortant des élus libres, compétents, intelligents et capables qui comptent beaucoup plus sur la perspicacité de leurs idées et de leur programme qu'à s'appuyer sur la main tendue éternellement.

Enfin, faisons seulement un souhait en cette nième fin d'année pour que nos rêves puissent enfin se réaliser.

Une amertume de plus durant les 365 prochains jours et nous revoilà en fin d'année à tourner dans une boucle sans fin.