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Au cœur des Bibans, les Beni Ourtilane

par Farouk Zahi



Nichée au pied du mont Azrou Iflane (montagne perforée) qui culmine à plus de 1300 mètres, l'agglomération de Beni Ourtilane est chef-lieu de daïra ; elle couvre les communes de Beni Chebana, Aïn Legradj, Beni Mouhli et Beni Ourtilane.

Cette dernière, s'est parée, en ce samedi 15 décembre 2012, de ses plus beaux atours. Maitre Mouhoub Bousseksou, juriste bien connu et non voyant, venait de remporter un pari fou que peu de valides, physiquement, tenteraient de faire ou même à y penser. Président de l'Association caritative «Ibtissama», il lance avec son compagnon et ami, Djamal Eddine Chalghoum, la réalisation et l'équipement d'un Centre médico-psychopédagogique (CMPP) pour enfants déficients cérébraux en remplacement de celui de Telmet abrité jusque là dans des locaux inadaptés. Et c'est dans l'attente d'un membre du gouvernement en l'occurrence, Mme la Ministre de la Solidarité et de la Famille, que presque tout le village attendait l'inauguration et la mise en service de ce joyau architectural. La route raide qui y mène à flanc de coteau, est présentement compactée au tout venant, ne reste que son revêtement qui ne peut être qu'imminent au regard des prévisibles turbulences climatologiques saisonnières. La structure est implantée sur un terrain chahuté et dont le terrassement en a fait deux assiettes distinctes, l'une inférieure et l'autre supérieure. La dénivelée est corrigée par une large rampe carrossable qui relie les deux niveaux. Le premier, recevant l'accès principal, la salle polyvalente et les logements d'astreinte, le second, quant à lui a été destiné aux blocs pédagogiques, le réfectoire, les cuisines, les services annexes et l'espace détente (médiathèque, bibliothèque, salle de sport). Tenant compte des besoins spécifiques de cette catégorie de pensionnaires, tout y a été pensé. Répondant aux normes universellement admises, la capacité technique de l'ouvrage est de 120 places pédagogiques. Le particularisme de l'établissement, nouveau d'ailleurs, n'est pas exclusif à un ou deux handicaps, mais à tous et quelqu'en soit la nature.

La réalisation et l'équipement de ce singulier fleuron de la solidarité interactive, aura nécessité une enveloppe budgétaire de 120.000.000,00 DA (Douze milliards de centimes), constituée pour le 1 /3 de subventions de l'Etat et les 2/3 des dons en numéraires, en matériaux de construction et en main d'œuvre provenant de la communauté locale et de la diaspora ourtilanie, installée à Alger et ailleurs. Le terrain d'assiette, de 16.500 m2 est une donation de Bachir Ben Yahia Bouaza. Ces gestes dont on ne mesure que si peu la portée, sont à inscrire sur le fronton des belles œuvres que seules, les âmes d'exception, peuvent consentir au bénéfice du genre humain. Dans son bon droit, il aurait pu, comme d'aucuns, en tirer de substantiels bénéfices matériels sans que ceci n'offusque personne. M. Bouaza, trouvera dans ce texte, la reconnaissance de cette multitude des damnés de la terre que le sort a jetée en pâture, à la déshérence de la stigmatisation et de l'exclusion sociétale. La foule qui s'est rassemblée, tôt le matin, ne cachait pas sa joie et sa fierté légitime pour l'achèvement de cet acte de foi. De jeunes gens et de jeunes filles, s'occupaient courtoisement des convives. Un jeune homme, non voyant, tira du synthétiseur de service, l'hymne national et quelques airs et complaintes connus. L'atmosphère ambiante, donnait aux lieux, jadis balayés par le silence champêtre, un air de fête. Une fillette, apparemment trisomique, joliment fardée et portant robe blanche ; donnait la fugace impression d'une fée sortie d'un vieux conte kabyle. Les louveteaux scouts, en uniforme réglementaire, sollicités, probablement, par les services de sécurité jouaient au service d'ordre. L'assistance de tout âge, devisait dans le large patio du centre. Des cadres de l'Etat, des universitaires, des intellectuels, des élus, souvent venus de loin pour l'occasion, devisaient avec les petites gens. Le lien commun qui les unissait, était ce lieu mythique, fief de Cheikh El Hocine El Ourtilani, auteur de la «Rihla» produit de ses pérégrinations au XVIIIè siècle, de Si Fodil El Ourtilani, membre fondateur de l'Association des Ulèma, figure marquante de la première moitié du XXè siècle ou encore de Abdelhamid Benzine, le doyen des journalistes. Il ne manquait aux sonorités locales, que les chœurs féminins menés par Nna Chérifa, la diva kabyle originaire du hameau voisin des Ait Hala. Haut perché, le nouveau centre offre, à partir de son esplanade ouverte sur le vide, une vue imprenable sur le cirque montagneux qui entoure les Béni Ourtilane. Une trentaine de villages et hameaux minuscules vont par monts et par vaux sans que l'abrupte topographie, ni l'escarpement rocheux n'arrêtent. Ils accrochent, le plus souvent, le regard par leurs minarets élancés. Des jardins rieurs, faits d'oliviers centenaires, de rustiques figuiers et de chatoyants grenadiers essaiment toujours ces terroirs où la mule et le baudet, ont vaincu l'adversité du terrain. En dépit de la contrainte du terrain, le développement local qu'il soit, le fait public ou privé, semble faire son bonhomme de chemin. L'habitat qui demeure, heureusement individuel, gagne de plus en plus en modernité par les nouveaux modes de construction. La tuile traditionnelle et les maisons enchâssées dans la terre, cèdent le pas à de citadines demeures. Le gaz de ville qui était hier, une chimère, semble avancer à grandes enjambées ce qui permettra, sans aucun doute, l'éradication de la déforestation pour besoin domestique. Le bitumage à l'enrobé n'est plus l'apanage des axes routiers importants, mais gagne de nouveaux terrains. La route ralliant Bougaâ et notamment Sétif, le chef lieu de wilaya à 80 kilomètres, soutiennent largement la comparaison avec les plus belles routes du pays.