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Nouvel âge

par Bachir Bennadji

Votre serviteur est en manque d'inspiration cette fois-ci. J'ai passé plus de quinze jours de travail intense, jour et nuit, j'ai fait un déplacement de près de six cent kilomètres. Je n'ai pas cessé de bouger au moment ou les autres profitaient de leur repos, j'ai fait beaucoup de choses pour le confort de beaucoup de gens sur lesquels j'avais une responsabilité professionnelle et morale. Je suis même tombé malade sans que personne ne s'en rende compte afin de ne pas faire paraitre la faiblesse humaine devant la douleur physique. Là, j'ai fait face à près d'une centaine de personnes et j'ai parlé, expliqué, explicité, parfois avec une pointe d'humour, sans que nul ne puisse soupçonner quoique ce soit. Des photographes ont «éternisé» cet instant et je regarderais avec plaisir leurs images, afin de leur dire sous cape que là, la douleur me tiraillait, mais bon je ne le dirais qu'à moi-même. En parallèle, j'ai aussi bossé avec beaucoup de personnes étrangères avec de la bienséance, mais aussi avec vigueur à un certain moment. Mais bon, je vous dirais en résumé que je me suis bien acquitté de ma mission, même si mes supérieurs auront toujours à dire, là n'est pas la question. J'ai ma conscience tranquille, quitte à ne pas figurer sur la liste du prochain déplacement !

Pendant cette dernière mission qui ne ressemble guère à ce que j'ai fait auparavant, au regard de la difficulté face de laquelle nous nous trouvions, votre serviteur et un nombre indéterminé de personnes, ont pu en fin de compte s'en tirer à bon compte et on vu leur travail se dérouler dans des conditions satisfaisantes au cas où nous devons faire son bilan, mais là n'est pas la question car à un certain niveau cela me dépasse.

Cette introduction a trait au manque d'inspiration auquel je suis actuellement confronté, pour les raisons que j'ai invoqué et pour d'autres personnelles qui me préoccupent sans pour autant me freiner dans ce que je dois faire tout les jours. Passons !

Je vais vous rappeler que lors des derniers mois et des dernières semaines, nous avons «voyagé», façon de parler, entre l'Extrême-Orient et le Proche-Orient, nous avons également abordé la question sahraouie, le Mali, parlé de la Palestine et de la Syrie, évoqué la Tunisie et l'Egypte. Aujourd'hui, j'aimerais bien vous entretenir un tout petit peu de ce qui se passe chez nous. Il s'est passé beaucoup d'évènements cette année en Algérie, le dernier, très en vue a été la visite d'Etat effectuée par le président français, M. François Hollande, très suivie avant, pendant et après, tant en France, en Algérie, au Maghreb, au Machrek, tout autour de la mer Méditerranée et parfois plus loin, là ou se trouvent nos amis et même ceux avec lesquels nous ne partageons pas la cuillère de miel.

Avec la France, nous partageons beaucoup de choses, outre la langue notre butin de guerre il y a des animosités de part et d'autres, il y a les discours et les discours, il y a les intentions et les intentions, mais en plus de tout cela et d'autres il y a l'Histoire avec un grand «h» et ? les histoires. Pour l'Histoire, il y a eu 132 ans de colonisation, 132 ans d'exactions, 132 ans de crimes, d'expropriations, de spoliations, de violences de tous genres, la France n'a pas été tendre avec nous comme elle l'a été avec nos voisins. La France nous a appris sa langue et nous a imposé l'inculture et l'analphabétisme. La France qui a trouvé un pays plein de livres, nous a privé de leur contenu et a voulue que nous disions « nos ancêtres les gaulois ». Ceci est un tout petit regard sur l'Histoire vraie mais incomplète.

Pour les histoires, il y en a eu plein. Des Algériens ont été embarqués en France pour la servir et pour servir de chair à canon, la libérer sans se libérer. Des Algériens se sont installés en France, ils s'y sont mariés, ils y ont travaillés, laissés une descendance qui elle-même en a laissé. Ces Algériens d'antan sont devenus des franco-algériens ou des français d'origine algérienne. Cette dénomination les suivra jusqu'à la fin du monde. Certains s'en débarrasserons au cas où ils réussiront dans leur vie professionnelle et d'autres, les marginaux, les délinquants, les anonymes la garderont collée toute leur vie et gare à celui qui marchera de travers.

Il y a eu de belles histoires d'amour entre les Algériens et les Français et certaines se sont terminées comme les contes de fées ou l'histoire de M. Seguin, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants.

Entre la France et l'Algérie, il y a eu beaucoup de politique. La droite et la gauche française réunis ont en fait leurs beaux jours. Les uns traitres, les autres gauches, les uns maladroits, les autres racistes, les uns impolis, les autres méprisants, les uns compatissants et chacun a chanté sa musique sur l'Algérie et pour l'Algérie. Les uns la veulent toujours française (quel leurre !), les autres algérienne mais alignée sur eux, etc. Et l'Algérie dans tout ça ? Depuis toujours, l'Algérie a été jalouse de son indépendance et a tout le temps voulue avoir son dernier mot dans tout ce qu'elle entreprenait. La France n'a pas été honnête avec nous. Sa politique était comme celle d'une girouette, égale à elle-même. Les Algériens en ont subi dans des dizaines et des dizaines de circonstances internationales de la position française dans des dizaines de dossiers. Là ou l'Algérie met son doigt, la France met son coutelas, et ceci ne nous a point découragés. L'expérience des années de la décennie noire en est celle qui nous a ouvert les yeux. Nous savions que nous n'avons pas que des amis dans le monde, certes, mais au point où rendre l'Etat algérien criminel vis-à-vis de sa population, il n'en fallait qu'un pas (le qui tue qui ?) en est la parfaite illustration. Et j'en passe pour ne pas noircir le tableau.

Mais en ces jours et malgré les critiques franco-françaises, l'Algérie peut prétendre à un autre tableau, même si elle n'a pas à s'attendre au jugement des autres. Un nouvel âge veut se construire entre les deux pays, souhaitons qu'il soit le meilleur et qu'il ait longue vie. L'honnêteté politique doit présider à ce nouvel âge, sinon la France perdra beaucoup en ces temps de crises, en ces temps de tempêtes. Les français ont tout à gagner s'ils sont intelligents, sinon ils auront tout à perdre et mettront beaucoup plus de temps pour un nouvel âge.