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Mais où sont donc passés les bilans des Assemblées sortantes ?

par Mohammed Beghdad

Les choses se suivent et se ressemblent dans le pays avec ces Assemblées qui arrivent les mains vides sans programmes doublées d'une gestion chaotique pour la plupart d'entre elles et repartent incognito sans présenter le moindre bilan de leurs mandats passés à la tête des APC (Assemblée populaire communale) et des APW (Assemblée populaire de wilaya).

Si les urnes pouvaient sanctionner comme il se devrait l'être, on ne verrait plus récidiver de sitôt ces mêmes esprits, avides plus que jamais du pouvoir et d'opportunisme revenir comme si ce peuple ait une mémoire courte.

Dommage que l'électeur ne pouvait pas choisir convenablement dans ce patchwork de partis dont tu ne peux les différencier que par leur identique ressemblance à part quelques très rares exceptions. C'est Moussa El Hadj et El Hadj Moussa. L'électeur est perdu dans ce choix douloureux et se refuge donc finalement en se jetant dans les bras de leurs précédents bourreaux ne sachant pas ce qui leur arrivait s'ils opteraient pour les autres illustres inconnues. Tout est donc verrouillé en amont. La bonne option n'est pas possible. Le plus surprenant dans cette affaire est de voir les mêmes partis, le plus souvent avec les mêmes figures, repartir et refluer comme si de rien n'était puisqu'ils ne sont pas obligés de rendre compte, ni de se souvenir d'avoir été bon ou mal élus par ces mêmes citoyens. On ne peut que s'interroger pourquoi la moitié des électeurs ne se déplacent pas aux bureaux du vote si ce n'est l'une des causes essentielles de ce jeu muré.

Ils n'en ont besoin de ces citoyens mal gouvernés que les jours de meetings pour leur promettre monts et merveilles et les harceler le jour du vote pour disparaître à jamais du décor, pour réapparaître à nouveau durant la période électorale suivante et ainsi de suite. Certaines figures sont tellement familières qu'elles sont devenues spécialistes en matière du clonage en émigrant d'un parti à un autre pour chercher la bonne échelle, la bonne opportunité, la moindre occasion suivant leurs prétentions à leur mesure sans sentir aucune lâcheté ni un quelconque sentiment de trahison. Ils ne connaissent leur parti accidentel, pardon leur parrain, qu'à travers les sigles le temps de la campagne électorale pour les effacer de leur mémoire dans le cas d'un parrainage gagnant ou le soir d'une déroute électorale. Aucune éthique ne les émeut. L'important est de subsister dans les rouages de la gouvernance en fructifiant davantage leurs affaires douteuses.

Les élus de l'APN ont parfaitement montré le chemin à suivre avec 21 députés qui ont changé de camp depuis leurs élections en mai dernier comme le rapporte le Quotidien d'Oran de ce samedi 8 décembre 2012. Ils accèdent sous une couleur et s'agitent sous une autre nuance. Ils défient ainsi même les lois de la nature. Qui dit mieux ! Ces élus qui changent de peau au gré de leurs rentes sont des sous-marins qui agissent à l'instar des caméléons qui prennent la tête d'une liste pour ensuite la livrer clés en main à la liste antagoniste. Seuls les calculs d'intérêts occultes comptent le plus souvent.

Ils ne reculent devant rien pour assouvir leurs désirs même incestueux ces assoiffés de la dominance par ce scrutin qui ne sanctionne guère la médiocrité et dont l'enseignement est de voir certaines figures revenir aux affaires, aux destinées des communes et des wilayas, mais sous d'autres masques. L'adversaire d'hier devient l'allié d'aujourd'hui le plus sûr au détriment du citoyen. On s'en fout des idées d'un parti lorsqu'elles existent mais on n'est là que pour se hisser vers les cimes pour ne plus revenir parmi les damnés d'en bas. Peu importent les méthodes et les moyens d'y parvenir.

Si les assemblées ont tardé à s'installer ces derniers temps frôlant même les limites de la réglementation, ce n'est certainement pas par rapport à l'application des programmes des partis en question mais beaucoup plus par rapport aux postes à pourvoir. On ne peut que déplorer amèrement la violence qui a caractérisé l'installation des nouvelles assemblées avec l'affrontement des supporteurs des uns et des autres avec comme toile de fond les intérêts de ces mêmes adversaires et un peuple dans sa majorité l'air hagard et spectateur immobile.

Dans ce pays, même si tu n'as pas de programme, ton nom suffit. Tu fais seulement le mime, le peuple te comprendrait. Il lirait tes intentions sur tes lèvres. C'est un véritable dialogue entre sourds-muets. Tu n'as qu'à indiquer le sens du vent, les citoyens sentiront le bon coup à tenter. Peu importe ce que tu es maintenant, l'important est d'atterrir là où tu envisagerais d'y atterrir. Par ces temps de misères politiques, il est plus facile d'être candidat à une élection que rechercher un emploi pour un chômeur.

Un ami d'enfance a regretté de ne pas avoir présenté une liste des résidents de la ville où il fallait choisir des candidats potables au prorata des quartiers de la ville. Ensuite, c'est la liste qui parlerait d'elle-même à la place des candidats. Pas de meetings, ni présentation de programmes, les visages des candidats suffisent à faire le reste. Ils dialogueraient par télépathie avec la population. Il suffit d'imiter le sympathique Charlot qui faisait rigoler toute la planète grâce à ses gestes mimiques. Et le tour serait joué. Toute la population serait, grâce à cette ingénieuse découverte, roulée durant tout un mandat dans la farine.

Par ces temps de marchandages de voix, l'heureux nouvel élu est choyé par tout le monde, son téléphone portable n'arrête pas de sonner. Il est assailli de tous les côtés. Les enjeux des milieux occultes sont terribles. C'est de ces intentions de ces élus, pourtant bien présélectionnés à l'avance, que leur avenir en dépend. En aval, certains mauvais choix peuvent s'avérer néfastes. On peut rarement se tromper de cible. On l'appelle de tous les centres du pouvoir de la ville. Il peut monnayer son acquis en monnaies sonnantes et trébuchantes.

L'essentiel est de bien choisir son camp. S'il préfère le camp adverse, ses jours seront plus que jamais comptés. Gare à celui qui oserait suivre le chemin inattendu, il serait immédiatement mis en quarantaine. Attention au virus qui pourrait faire des émules au sein des autres élus si jamais ils seraient mis mal à l'aise. La chasse gardée est là pour veiller à toute mauvaise éventualité. Le système est là pour corriger tout hypothétique écart de voix. Que les sigles de sa formation soient LNF, NRD, APM ou SMH, le plus important est la pérennité et la subsistance du clan.

Le citoyen sent qu'il est le dindon de la farce dans ces négociations entre les partis sortis du fond des urnes. Pourquoi ne serait-il pas possible de connaître ces tractations ? Est-ce un tabou que de les mettre à la connaissance de la population dont il s'agit en principe de leurs voix qui sont cédées aux plus offrants au détriment de toute logique ? Ces élus ont-ils été choisis selon leur faciès ou bien par rapport à leur programme, s'il y a lieu, de leurs partis respectifs ? Dans ce cas, quel programme va-t-il être adopté une fois ces assemblées installées ? Est-ce que ces nouveaux programmes vont être connus des résidents de la cité ? Ou bien, on va naviguer hasardement sans boussole ? Sur quels budgets et sur quelles recettes vont compter les APC pour mettre en exécution leur programme ? Toutes ces questions restent pour le moment en suspens et sans réponse. Ne seraient-ce donc pas, comme toujours, le bricolage et le replâtrage ?

Est-ce que les prérogatives du wali et du maire, du président de l'APW seront-elles discernables ? Quels seront les rapports entre l'élu et le désigné ? Car le simple citoyen lambda ne fait plus la distinction. On ne sait pas si la réalisation, par exemple, du siège d'une wilaya, d'une maison de culture ou d'un stade, fait partie du programme de la wilaya ou celui du maire de la ville. On ne sait toujours pas si la construction d'un chemin de wilaya, d'une autoroute fait partie du programme du président de l'APW, celui du wali ou du ministre en question.

Lorsqu'on regarde la loi n° 11-10 du 22 juin 2011 relative à la commune [1], et dans son titre III sur la participation des citoyens à la gestion des affaires de la commune, on constate sur le papier que les citoyens peuvent contrôler les élus. Certes, ce texte favorise la primauté du wali sur celui de l'élu qu'est le maire mais certains articles sont révolutionnaires pour peu que les citoyens revendiquent leurs applications effectives. En effet, l'article 1 de ce texte fondamental nous révèle que l'APC prend toute mesure pour informer les citoyens des affaires les concernant et les consulter sur les choix des priorités d'aménagement et du développement économique, social et culturel. Les supports et les médias disponibles peuvent même être utilisés dans ce cas.

Cet article conclut dans son dernier alinéa que l'APC peut également présenter un exposé sur ses activités annuelles devant les citoyens. On a l'impression de rêver en lisant ce contenu. Qui est-ce qui empêche alors nos APC à appliquer rigoureusement cette loi ? Où sont-elles les instances pour rappeler à ces mêmes APC l'application de cet article ? Il faut bien reconnaître que les citoyens ont une grande part de responsabilité par leur démobilisation ou par leur ignorance de la loi. C'est vrai qu'ils n'ont pas pris l'habitude d'exercer leurs droits démocratiques.

Quand on va plus loin dans le texte, l'article 14 nous rappelle que toute personne peut consulter les extraits des délibérations de l'APC ainsi que les arrêtés communaux. Elle peut même également obtenir une copie. Et ce n'est pas encore fini, les séances de l'APC sont publiques et sont ouvertes aux citoyens de la commune et à tout citoyen concerné par l'objet de la délibération comme le mentionne clairement l'aliéna 1. On ne peut que se demander sur les réalités de l'application de ces articles sur le terrain.

Quant au texte relatif à la wilaya, la loi n°12-07 du 21 février 2012 [2] et dans son article 26 est on ne peut être plus clair. En effet, l'article en question nous rappelle que les séances de l'APW sont publiques. C'est-à-dire que n'importe quel citoyen peut assister librement à ses sessions si l'on comprend bien. Mais la loi ne précise pas clairement les conditions de son application. De mémoire d'Algériens, on n'a jamais entendu que de simples citoyens aient pu accéder aux séances des APW à travers le territoire national.

Enfin, on ne peut que regretter que le pays rate encore des occasions inouïes de revenir sur la scène démocratique par la grande porte de la gouvernance locale d'abord afin d'effacer les corruptrices traces du passé. On voit même une régression à travers la bouche même du président de la Ligue Algérienne des Droits et de l'Homme qui parle de conduite maffieuse en évoquant le marchandage des voix au sein de ces assemblées locales [3]. Quant à la secrétaire générale du Parti des Travailleurs, elle assimile ces manœuvres dignes de la mafia sicilienne [4]. On remarque au passage le mot « Mafia » qui ressort le plus de ces deux fortes déclarations. L'avenir de ces assemblées ne s'avère que sombre mais la rente pétrolière est toujours là omniprésente et omnipotente pour permettre tous ces excès tant que tout le monde trouverait sa cuillère, dorée et pleine, à satisfaire tous ces gosiers toujours non rassasiés.

Références:

[1]- http://www.joradp.dz/FTP/JO-FRANCAIS/2012/F2012012.pdf

[2]- http://www.joradp.dz/FTP/jo-francais/2011/F2011037.pdf

[3]- http://www.tsa-algerie.com/politique/farouk-ksentini-qualifie-de-conduite-mafieuse-le-marchandage-des-voix-aux-apc_23010.html

[4]- http://www.algerie-focus.com/blog/2012/12/08/elections-locales-louisa-hanoune-denonce-des-manoeuvres-dignes-de-la-mafia-sicilienne/