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Les printemps ont une nationalité

par Bachir Ben Nadji

Il y a des jours ou ça me prend d'écrire, et là je comprends que je suis en forme. Ça me prend d'écrire comme ça. J'ai envie de « dire » beaucoup de choses.

Ces jours-ci je suis un peu « préoccupé » par des questions internationales, c'est dingue ! . Le Mali par exemple, la position ambiguë des USA et les différentes déclarations des officiels et des officieux sur cette question. La position de la France est on ne peut plus claire, c'est le va-tout en guerre, ce pays veut revivre les années de gloire des années cinquante et soixante ou la France régnait en colonisateur avéré. La France veut « roder » son matériel et le « dépoussiérer », créer de l'exercice pour les hommes qui n'ont jamais fait la guerre, et aussi s'imposer sur un terrain qu'elle pense le sien par héritage. Ah, l'ancien colonisateur, l'impénitent qui veut le rester toujours. Est-ce vrai ??? Oui vous me le direz. Il y a un peu de vérité dans tout cela, mais ce qu'il faut savoir c'est que la France vit une crise multidimensionnelle. L'économie ne va plus, le social également, il y a « le terrorisme », il y a le problème des banlieues, celui du chômage et j'en passe. Là il faut mobiliser la grande masse et l'opinion, l'intéresser et la trainer derrière soi. Se présentant comme la seule puissance dans la région, la France veut mater El Qaida du Maghreb, tracer les frontières de son terrain de prédilection, le Sahel et l'Ouest de l'Afrique, transmettre un message aux américains et enfin « reprendre en main » les affaires maliennes. La France veut, comme elle en a rêvé, s'installer au sud de l'Algérie et s'offrir une belle vue et une belle vie dans cette région que convoite beaucoup de gens, mais qui en fin de compte reviendra au peuple malien sans nul doute.

Je voudrais aussi parler du printemps arabe. Ah, le printemps arabe qui a débuté et « commencé » en janvier 2011 avec l'immolation de ce jeune marchand ambulant de légumes de Sidi Bouzid, la rue tunisoise et tunisienne qui s'est rebellée provoquant la fuite des Ben Ali, Trabelsi et consorts. Et depuis, il y a de cela près de deux années, la Tunisie ne cesse de faire l'actualité. Le silence des années de plomb a cédé la place au tumulte et aux grands mouvements. Toute la Tunisie s'est mise à la politique, toute la Tunisie s'est mise à la revendication. Bien sûr, un muet que l'on soigne et auquel on rend la parole ne se taira jamais, il veut récupérer toutes ces années de silence forcé, lui qui ne s'exprimait que par des gestes et des onomatopées. La Tunisie est bien partie pour de bonnes années de palabres, jusqu'au moment ou les tunisiens et les tunisiennes se rendront compte qu'ils sont entrés dans un tunnel et qu'il faut qu'ils en sortent, de gré ou de force. Souhaitons leur bonne chance !

Ah, l'Egypte, Oum Eddounia, le pays super stable de Nasser, de Sadate, de Moubarak et des moukhabarate. Hé oui, ça va mal dans le pays des pyramides. Le fil est rompu et c'est l'escalade. A la crise économique qui frappait ce pays de 80 millions d'habitants, s'est ajoutée une crise politique des grands jours. Celle-ci n'en finit pas. Tous les courants veulent gouverner un pays devenu ingouvernable au seuil de la scission et de la création de mini Etats, l'un islamiste, l'autre chrétien et j'en passe.

J'ai failli oublier la Libye toute proche. El Kadhafi est parti, assassiné, lui et son pouvoir et a laissé le pays à la ruine et à la guerre tribale. Même le CNT de Abdeldjalil est parti et à ce jour les choses ne sont pas encore claires. Le seront-elles un jour, c'est à l'Otan de décider, c'est à ceux qui ont « libéré » le pays et qui lui ont donné un nouvel hymne et redonné un drapeau.

Ah, la Syrie. Hé oui il faut bien que ce qui est « né » au Maghreb touche le Machrek. Chacun son tour et ça s'enlise de plus en plus dans ce pays longtemps sans grands problèmes. Même Sarko l'ancien « ami » de Kadhafi, avait donné son quitus à Bachar pour « mater » la rébellion, mais s'est retourné contre lui pour je ne sait quel intérêt.

Et tout autour, il y a Israël qu'il ne faut pas gêner, il y a l'Iran qui gêne et dérange. Et dans la couronne qui entoure cette région, il y a la Turquie qui joue au trouble-fête, il y a l'Irak qui n'arrive pas encore et qui n'arrivera pas aussitôt à lever la tête. Il y a la Grèce en faillite, il y a l'Italie en difficulté, il y a l'Espagne. Et pas très loin, il y a le Qatar, cet Etat qui dispose de moyens financiers qu'il met à la disposition de ceux qui le désire, ceux qui « font son affaire ». Il y a aussi l'Arabie Saoudite et derrière toutes les oligarchies du Moyen Orient.

Et dans tout ça nous n'avons rien oublié ? Ah oui, il y a le peuple palestinien, ce pauvre peuple qui n'a pas d'Etat ni de pays. Chut, silence, taisez-vous, ce n'est pas votre problème. Occupez-vous d'autre chose, regardez du côté de l'Afghanistan, du Pakistan, de la Côte-d'Ivoire, regardez ailleurs, il n'y a rien à voir dans les parages. Il faut que le printemps fasse ce qu'il doit faire, créer la tempête de décembre, balayer tout sur son passage, telle l'ouragan Katerina, et après on verra. Il ne faut pas se presser, pressons le pas du printemps arabe pour qu'il achève les bonnes œuvres concoctées dans les laboratoires et demain on verra, non ce sont les générations à venir qui verront.