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Ce n'est pas moi, c'est de là-haut !

par Mohammed Beghdad

On a souvent tendance à critiquer, voire vilipender, les responsables centraux mais on oublie les responsables subalternes qui sont censés appliquer directement la politique gouvernementale sur le terrain et qui ne croient n'être comptables ni devant Dieu ni devant les hommes si le programme décidé en haut-lieu échoue lamentablement ici bas.

Ils se lavent les mains en jouant même les innocents en retournant la veste une fois le changement de tête effectué. Si l'on est incapable d'appliquer un programme, pourquoi restent-ils alors en poste ? Non sans propager la langue de bois et perpétuer le précepte établi.

Ils se dissimulent tels des caméléons derrière l'arbre qui cache la forêt. Ils ne montrent rarement leurs réels visages. S'il y a problème, c'est de là que ça vient. Si l'Algérie ne démarre pas, c'est aussi à cause de ces milliers de petits responsables qui ont érigé des royaumes un peu partout dans la république au point où on demeure impuissant contre eux du fait des relations tentaculaires qu'ils ont générées durant leur gouvernorat. Ils cherchent la protection des hommes plus puissants plutôt que celle de la loi.

Par exemple la saleté dans le pays, on en parle tous les jours dans les journaux. Il ne passe pas un jour sans qu'on en voie partout ces images chaotiques qui sont devenues la honte du pays. Au point que l'Algérie est devenue un véritable dépotoir à ciel ouvert. Lorsqu'un étranger démarque chez nous, c'est la première chose frappante qui le frappe le plus. Il faut se demander s'il faille guetter un signal du chef du gouvernement lui-même pour passer à l'action pour un problème qui n'a que trop duré et qu'il ne faut pas être sorti de Harvard pour le solutionner.

J'aurais souhaité qu'il nous parle d'économie et de stratégie à long terme, des problèmes de la rente, de l'école et de l'université, des problèmes de l'emploi, de la sécurité sans oublier les jeunes. A cause de la défaillance locale criarde qui n'attend que le feu vert des supérieurs pour nettoyer les rues de leurs villes, un premier ministre s'enrobe du manteau d'un président d'APC ou d'un wali qui a failli à sa mission. Ce n'est pas pour minimiser le rôle d'un maire, loin de là, mais chacun doit assumer convenablement son boulot.

Personnellement, j'aurais cru sa petite phrase « On va nettoyer le pays » comme une avant-première du nettoyage du pays des incompétents qui se sont installés et désignés dans la durée, de la nonchalance qui gangrène notre administration, de la médiocrité des performances de notre école, et de la dépendance de notre alimentation et de notre textile presque basés exclusivement sur la rente et des importations tout azimut. Mais à cause de l'incapacité de ces subordonnés responsables, on laisse l'essentiel et on discoure sur un sujet qui ne demande pas assez d'intelligence et d'ingéniosité pour s'en débarrasser.

Une autre petite phrase lancée la semaine derrière par le nouveau ministre qui s'occupe de l'environnement m'a laissée encore plus pantois. « C'est le président de la république qui a ordonné le nettoyage du pays de toute la saleté et des ordures ménagères qui traînent » avait-il lancé. Donc si on comprend bien, si le président n'avait pas donné cet ordre, le pays croulerait sous le poids de la saleté jusqu'à ce qu'un appel du président lui-même. Mais que font-ils alors ces responsables locaux à qui leur incombe la gestion de la propreté ? En principe, ce problème devrait être le souci numéro un de ces responsables, élus ou désignés, avant de passer à toute autre chose. Identiquement au musulman qui se purifie par les ablutions avant de faire sa prière.

Si un responsable local est incapable de nettoyer la ville, comment pourrait-il alors résoudre et gérer les autres fléaux de la cité ? Le nettoyage des lieux devrait être la priorité absolue d'une ville qui a une conséquence directe sur la santé et l'environnement du citoyen. Certes, le citoyen y est également pour beaucoup de choses dans ce délabrement mais là-aussi le travail de proximité que ce soit des élus, de la société civile ou de l'école en général n'a pas pleinement joué son rôle. Un responsable ne doit pas attendre que tout lui vienne de haut en ne bougeant pas le moindre petit doigt tant qu'il n'a pas reçu les instructions d'Alger comme ils le répètent couramment aux interlocuteurs que nous sommes pour échapper à tout compte. Ils mettent tout sur le dos de la centrale pour se couvrir en fuyant leur entière responsabilité. Ils ne veulent goûter que de son miel.

Toute politique centrale est vouée à l'échec tant que l'on ne change ce mode de désignation qui n'a pas besoin de cooptation mais de gens compétents et intègres, qui innovent et qui possèdent le sens de l'initiative. Un responsable, comptable devant l'administration qu'il dirige avec un bilan moral et financier détaillé où tout est cautionné et où il serait permis de le discuter et de l'améliorer. Pas un bilan où l'on cache tout à l'administré et dont les chiffres seraient falsifiés à volonté.

Pour avoir des élus locaux de qualité, sortis des urnes selon des programmes ambitieux et réalisables, des élections libres et transparentes sont plus que jamais nécessaires afin que l'état puisse avoir en face de lui des élus qui réfléchissent collectivement et sérieusement aux problèmes quotidiens du citoyen et non des élus qui attendent que le messie à l'éternelle la baguette magique atterrit du haut des cieux.

C'est de cette façon que les citoyens retrouveraient la confiance en l'état et à ses institutions sans omettre bien sûr de mettre de l'ordre dans ses rangs. Les prochaines élections locales seront un baromètre important sur les intentions des uns et des autres à sortir du marasme tout le pays tant les défis à venir sont plus qu'imposants.