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Le secret bancaire suisse prend l'eau sous la pression des USA

par Michel Fourriques *

La crise des subprimes, les Etats manquent d'argent, notamment de recettes fiscales. Les Etats ont besoin de celles-ci, car avec la crise, pour sauver leurs systèmes financiers et relancer leurs économies, ils se sont lourdement endettés, alors qu'ils l'étaient déjà de façon trop importante.

Les différents G 20 ont montré que les paradis fiscaux agissent comme des trous noirs faisant disparaître des recettes fiscales. Les pertes fiscales dues à l'évasion dans des paradis fiscaux sont évaluées par la Banque Mondiale entre 500 et 800 milliards de dollars par an.

On estime, en général, que les «Grands Etats» y perdent en recettes fiscales au moins 2,5 à 3 % de PIB par an. Ainsi, le manque à gagner fiscal annuel est évalué à :

- 100 milliards de dollars aux USA,

- 30 milliards d'euros en Allemagne,

- 20 milliards d'euros en France.

Après avoir contribué à demander plus de transparence et moins de secret bancaire, via notamment l'intégration de l'article 26 alinéa 2 de la convention modèle OCDE dans les conventions fiscales bilatérales qui prévoient la levée du secret bancaire pour raison fiscale1 , voilà que les Etats-Unis, qui ne sont pas parfaits en termes de lutte contre l'opacité (exemple du Delaware ci-après), s'en prennent à la Suisse, et d'une manière générale, au monde entier avec FATCA.

LES CONCLUSIONS DU GROUPE DES PAIRS POUR LE DELAWARE : LE DELAWARE EST «OPAQUE»

Les Etats-Unis ont été critiqués, par le Groupe des pairs, en ce qui concerne les LLC (Limited Liabilities companies), qui peuvent être utilisées comme «boîtes aux lettres» pour des étrangers en délicatesse avec le fisc américain, notamment dans l'Etat du Delaware. Ainsi, l'OCDE, dans son rapport final, a identifié «une déficience sérieuse» au Delaware, Etat qui abrite une grande partie des LLC aux Etats-Unis, et qui ne leur impose pas d'enregistrer leur propriétaire.

Mais, suite au «contrôle» effectué par le «groupe des pairs», l'Etat du Delaware ne figure quand même pas sur la liste grise ou sur la liste noire de l'OCDE des «Etats» non coopératifs.

LES CONSEQUENCES DU CAS «UBS» : LE CAS DES AUTRES BANQUES SUISSES

Au final, on sait déjà que HSBC vient de livrer 250 noms supplémentaires. Ainsi, HSBC, Credit Suisse, Julius Baer et les banques cantonales de Zurich et de Bâle-Campagne poursuivre leur livraison de noms. Le mensuel suisse « Bilan» a ainsi appris que ce sont environ 250 noms supplémentaires qui sont entre les mains du Département américain de la justice (DoJ) et de la SEC.

Cette deuxième livraison (après les 1100 noms transmis en avril) comprend les extraits de procès-verbaux de réunions des comités exécutifs, des conseils d'administration et des comités audit & risk de HSBC Private Bank (Suisse) et de l'ex-HSBC Guyerzeller Bank.

«Ces documents ont été spécifiquement requis par les autorités américaines dans le cadre des enquêtes dirigées contre la banque». Cela comprend également les rapports de visite de clients et des rapports de voyage, des extraits de rapports de l'audit interne, des règlements internes et des rapports relatifs aux US Persons (ce qui comprend aussi les résidents étrangers établis aux Etats-Unis) et aux activités conduites aux Etats-Unis sur une base transfrontière ; et des e-mails et échanges de correspondance au sujet de ce qui précède.

Les cinq banques ayant «lâché» des noms ont effectué un calcul purement économique. «UBS s'était vu contrainte de s'acquitter d'une amende proche du milliard de francs. Or, dans le cas présent, les Américains sont particulièrement fâchés que des établissements se soient permis d'accueillir des clients quittant UBS. Les amendes pourraient dès lors dépasser allégrement le milliard pour la majeure partie des banques concernées. Si la banque coopère, elle a de bonnes chances de voir son amende diminuée, par exemple de 200 à 300 millions de francs». Notons que les services fiscaux américains viennent d'accorder une récompense de 104 millions de dollars à un banquier d'UBS, pour avoir aidé à prouver que des clients avaient fraudé le fisc US (Loi sur les fraudes fiscales votée en 2006 Qui accorde jusqu'0 30 % des sommes recouvrées). C'est un signal très clair envers ceux qui souhaiteraient aider les services américains à lutter contre la fraude fiscale.

LA SUISSE ET FATCA

Après l'affaire UBS en 2009, les Etats-Unis exigent que la Suisse leur communique l'identité de tous les contribuables américains y ayant des avoirs bancaires dans le cadre de FATCA.

Ces derniers estiment entre 20 à 30 milliards les dépôts de dizaine de milliers de citoyens des Etats-Unis dans les banques suisses.

Selon une déclaration commune publiée le 22 juin dernier, Berne considère que refuser la FATCA «n'était pas une solution» car cela couperait la place financière suisse du marché américain.

A la différence du modèle proposé par cinq Etats de l'UE (Allemagne, France, Italie, Espagne et Royaume-Uni), les données ne seront pas échangées par le biais d'une base de données centrale de l'Etat, mais fournies directement aux autorités fiscales américaines par les établissements financiers. Un assouplissement important a été prévu. En effet, les établissements financiers ne sont pas tenus de signaler nommément les clients américains non disposés à coopérer, de procéder à une RAS ou de fermer le compte de ces clients. Les Etats-Unis peuvent, au moyen de demandes groupées, exiger une assistance administrative à l'encontre de ces clients.

* Enseignant

Chercheur associé au CHERPA

Directeur scientifique des Masters 2

« Gestion patrimoniale du dirigeant » et « Optimisation de la transmission des PME-PMI »

Sciences Po Aix (France)

Professeur à l'ESAA (Algérie)

1- Pour mettre en œuvre cette disposition, Il doit y avoir des soupçons justifiés et argumentés de la part des administrations fiscales étrangères. En effet, on demande aux pays d'accepter de livrer, au cas par cas et sur demande concrète et justifiée d'une administration fiscale étrangère ou «sur base de preuves concrètes étayant les soupçons», les informations souhaitées sur les comptes bancaires.