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Rentrée sociale : le vide sidéral

par El Yazid Dib

Il n'est plus question de vacances ni de bouffe maintenant. Le tout s'est entremêlé dans la marmelade de jeûne, d'un repas de sa rupture et d'une grande sieste nationale. Que reste-t-il à faire, une fois que tout vient de finir ? Quelque chose doit commencer.

L'école et son portail sont le signe d'une fin de saison. Les blouses et le cartable sont le signe d'un recommencement. L'éducation, l'eau, le gaz, les routes, le logement, le bonheur, la joie, sont l'apanage créatif de l'homme. Ils sont une production collégiale d'une politique à mener tous ensemble. Ces hommes chargés de piloter pour un peuple son destin ne sont naturellement que son semblable. La procréation, est certes une exclusivité divine qui fait de la nature humaine un processus ininterrompu dans la fabrication et le prolongement de l'espèce périssable. Mais l'opération d'accouchement d'un esprit ou d'une culture peut outrepasser l'hygiène gynécologique et peut même défier les termes de la grossesse. Le délai usuel de neuf mois serait une période de confirmation quant à l'évolution de l'embryon au sens statutaire des dispositions générales de la fonction publique. Nos gouvernants ont eu à pérenniser un état d'esprit ramadhanesque prêchant la nonchalance, alors que nos imams prônaient l'effort et l'assiduité. Le thermomètre n'était pas en ce mois d'aout un stimulant à la persévérance. Le festin du coucher devançait les prières surérogatoires et ainsi la nuit supplantait le jour. Le système faisait dans la tradition du moindre effort.

Pour le système, en dehors de ce mois il existe une certaine raison qui préside à la gestion des affaires publiques. Cette raison ne puise son discernement que dans une logique de totale adhésion, d'absence de soi, et de résignation absurde. Elle réussit à synchroniser l'acte à la parole et l'homme à l'animal. Rien ne s'est fait pourtant durant ce mois sacré. L'enjeu est capital car survenant juste avant une échéance universellement reconnue. La rentrée. Les élections de mai n'ont en fait rien apporté de nouveau. Sinon a quoi rimerait l'organisation de législatives si le paysage politique national n'arrive pas à se mouler dans l'expression majoritaire des lecteurs ? Ceux-ci ramenés vers les urnes par une campagne diversifiée et multipartisane où l'Etat en a mis aussi de gros moyens pour une grosse conviction, sont toujours sur leur faim. Ou est le changement annoncé ?

Le pouvoir n'arrive encore pas à accoucher d'une nouvelle équipe gouvernementale et semble se laisser aller vers l'anéantissement de l'attente populaire. Il n'y a par ailleurs aucune raison importante de recaler l'annonce de celle-ci. Bien au contraire, ce retard voulu crée le suspens et stimule les pires convoitises. Des supputations sont un peu partout. Les simulations aussi. Des noms sont avancés comme ministrables pour se voir le lendemain dégommés. Tout ceci se pratique dans l'opinion publique. La rumeur demeure une source crédible à ne denier qu'en toute finalité. Chacun croit détenir pour un nom une source authentique et digne de foi. Chacun prétend être à l'éventualité de se voir inscrit dans cette liste qui sans doute, un jour surviendra. Il se trouve que parmi le lot des fonctionnaires, dans le sous-lot des hauts fonctionnaires, existent des corps et des têtes simultanément qui seront tirés, sans douleurs ni césarienne ; des profondes vulves du système. C'est ainsi que l'habitude de la procédure politique exerce son activité. L'enfantement laborantin et miraculeux. Ces « choses » iront joyeuses servir l'appétit dévoreur de ceux qui les ont conçues lorsqu'elles n'étaient qu'au stade de la fécondation. L'un ou l'une, du moins certains d'entre eux ; serait une machine à produire des lots de terrains et des appartements, l'autre un pont garanti pour le transit financier, le reste des relais ou de porte-étendards. Il ne manque d'un avis d'appel de service.

L'on n'ira pas vers un monde où la capacité intrinsèque des gens ne soit l'unique moteur de l'exerce de l'acte politique. Ces créatures vont fonctionner dans la vie courante, comme fonctionne le circuit digestif. De l'embouchure buccale à l'issue anale ; elles ne retiennent que les acidités puantes des ordres ingurgités et profitent, au passage de quelques envies de vomissement. Mais là, s'arrête l'éventuel désir de soubresaut intellectuel. Ces « hommes » ne peuvent plus se dépoussiérer de l'intérêt qui semble les animer autant que celui-ci est au profit exclusif de leurs géniteurs. Ils ont grandi ; sous un œil marâtre et protecteur dans des berceaux administratifs, au sein de dossiers mielleux et au-dedans des meilleurs immeubles publics d'Alger.L'un est un bras muni d'un sabre pour couper d'un bref coup tous les cous qui oseraient crier et mettre à jour les frasques contre-nature du système. L'autre est une indication intarissable qui alimente, l'appareil génital, aux dépens de ses semblables et contre les éventuels guerriers de l'éthique humaine, qualifiés de « manipulateurs » contre-génétiques ! De toutes les façons le pays a besoin de gouvernants. Il n'exige pas d'eux la réalisation des travaux d'Hercule, mais leur recommande au nom de ses locataires l'amélioration des conditions d'existence.

Comme les nouveaux députés, les intrus et les bleus ; leurs cravates tissées en laine d'agneau qu'ils espèrent se voir, griffées Cacharel ou Cerruti, n'arriveront pas à dénouer le complexe qui les mine ni contenir la joie qui les anime de faire mine bon enfant. Comme les salons du Sheraton ou de l'Aurassi, n'auront rien pour agir sur leur ruralité comportementale à ne pouvoir point différencier entre le cuir des fauteuils et l'alpha de « frèch boutaleb ». Des êtres et des êtres naissent dans les couveuses de la basse doctrine de l'Etat. Ministres, sous-ministres ou walis, tous vaccinés, ont connu la tétée, l'allaitement et le changement de couches dans le bloc de la maternité du système.

Le pays attend un autre souffle par-devant de ce qui le guette. Les prix flambent et continuent à donner le vertige. Le pouvoir d'achat s'affaiblit au fur et à mesure que l'on alimente timidement les soldes et les traitements. La monnaie nationale est insignifiante face à messieurs de l'euro et du dollar. L'adhésion à l'OMC tergiverse et balbutie encore. L'hiver va pointer son nez toujours dans la crise du gaz et du butane. Les routes vont aussi être coupées et les pneus brulés. Sonelgaz, la pauvre se débat entre un statut d'entreprise économique sans autonomie et l'obligation d'être aussi et impérativement un service public. Elle doit faire dans le social mais aussi réaliser des profits.dur dilemme. Pour ce qui est des partis, rien ne les dérange. Ils épient l'opportunité municipale d'octobre pour avoir encore pignon sur rue et ensuite disparaitre dans un vide quinquennal. L'opposition ? Si elle existe elle ne respire pas. Si elle agit, elle ne fonctionne pas. Elle est là, entretenue dans un décor viable et utile à la démonstration de la démocratie. Comme un dieu, s'il n'existe pas pour certains il faut le faire. Quant aux politiques proposées, elles ne sont convergentes que par souci de survie. Quelles sont les frontières idéologiques, avant que l'on détermine l'espace politique de tout un chacun des partis qui n'opèrent et sur injonctions qu'une certaine gestion administrative de leur organisation ? Ni le socialisme ni son contraire ou ses corollaires ne semblent outre mesure animer les états-majors des partis. Tout y est dedans. De l'islam, la justice sociale, la libre initiative, les libertés publiques, la liberté d'expression, les droits de l'homme, la tolérance du culte, tout est pris pour élément fondateur d'idéologie.

Certains principes liés à l'homme de par le monde ou à la nature humaine, comme ceux inscrits dans la déclaration des droits de l'homme sont intronisés sous un label à définir davantage et martelé comme «constantes nationales» Quel pays voudrait voir son intégrité territoriale se dissiper et se volatiliser au gré d'une humeur politique ? Quel est ce peuple qui aurait sans coup férir le plaisir d'admettre la supplantation par une autre langue, sa langue maternelle ? Quelle est la créature humaine qui s'empêche d'avoir la nostalgie du sol natal ou de se languir sur les origines lointaines de son être ? Ainsi «les constantes» n'ont nullement besoin d'idéologie ou de charte référendaire. Elles sont et demeurent intimement rattachées à l'ego et aux profondeurs de chaque âme. Innées, elles s'auto-greffent et s'épanouissent à mesure que grandissent l'amour de soi et la passion de la patrie. A force justement de rabâcher des préceptes puisés en dehors de l'intérieur du sentiment national, l'on finira toujours par broyer le peu de principes qui reste au fond de cette perception des choses. Il n'est pas consacré que se sont les partis qui devront produire les idéologies, car les fabricants des idées d'où proviennent l'essence de toute idéologie sont diversement éparpillés à travers les annales de l'intelligence, du génie et de l'intellect. Ils peuvent toutefois ressurgir d'autres horizons moins rompus aux lois du scientisme et à la volonté de l'homme aussi érudit soit-il. La providence, l'autre. Bref

Ce à quoi pensent nos dirigeants et nos leaders n'est autre que le mauvais fruit d'une réflexion de petits politicards ou de simples vacataires politiciens. Comme la carence de la réflexion trompe la société, celle des idéologues dupe les partis. La rentrée nous la vivons sans vivre son âme. Beaucoup de choses se suspendent à des échéances et s'astreignent à des délais. L'enjeu est en permanente quête de satisfaction.