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Concerto à trois sur les berges du Nil

par Salim Metref

La prestation symbolique de serment du nouveau Président Egyptien devant la foule rassemblée place Tahrir au Caire sonne comme un signal fort en direction de tous ceux qui ont conduit le changement dans ce pays.

L'homme qu'on disait sans envergure apparait donc comme un redoutable stratège formé aux Etats-Unis et très au fait du bon usage des mots. Le choix des dirigeants des Frères Musulmans égyptiens s'est avéré judicieux. La communion avec le peuple s'est faite et les gages donnés par le nouveau président égyptien, notamment en termes de respect des libertés fondamentales, de préservation de la cohésion nationale notamment dans ses composantes religieuses et de fidélité aux forces y compris démocratiques qui ont payé un lourd tribu depuis le début de la séquence de bouleversement de l'ordre établi en Egypte semblent indiquer qu'une nouvelle page est en train de s'écrire sur les berges du Nil. Le Président Egyptien a promis de revenir s'exprimer, chaque fois que cela sera nécessaire, sur cette mythique place du Caire et dire la vérité au peuple. Mais la partie de bras de fer qui semble se profiler à l'horizon avec les dirigeants militaires provoque de sérieuses inquiétudes et la Place Tahrir devra éviter à tout prix de devenir le Palais de la Moncada égyptien. Souvenons-nous, le 11 septembre 1971, dans cette résidence, à Santiago du Chili, Salvador Allende, Président démocratiquement élu, faisant face lui aussi à un conflit d'autorité et à un complot séditieux soutenu par des multinationales qui se radicalisa, succomba à ses blessures et mourût. Il prononça le matin même précédant sa mort les mots suivants : Je ne vais pas renoncer. Placé dans un moment historique, je paierai de ma vie la loyauté au peuple». Son ami et grand poète, Pablo Neruda connut lui aussi le même sort et mourut le 23 septembre 1973.

Mais le grand peuple frère d'Egypte dont l'élite fût la plus intelligente et la plus prolifique du monde arabe mérite un grand destin et saura sans aucun doute trouver la sagesse et l'intelligence nécessaires pour éviter à tout prix que ce scénario ne se produise. Car la réussite du modèle égyptien est un véritable exercice de style et la partie délicate qui se joue dans ce pays démontrera que changement démocratique et transition pacifique restent encore compatibles et inspireront sans doute de nombreux pays arabes en quête d'une véritable sortie de crise.

L'assourdissant effet Larsen. Assis à la terrasse d'un café parisien, en cet été des années 90 du siècle dernier, je lisais un article dont le contenu m'intrigua en mon fort intérieur. L'auteur de l'article relatait les propos d'un officier de l'armée israélienne, de grade de colonel, et dont le nom et les expressions utilisées laissaient deviner qu'il appartenait à la communauté sépharade, d'Afrique du Nord, et était probablement originaire d'Algérie.

 A la question du journaliste qui lui reprochait les méthodes expéditives utilisées contre le peuple palestinien notamment à Ghaza, il répondit en ces termes : nous n'avons pas utilisé la méthode algérienne. La lecture de cet article m'attrista puisque j'appris ce jour là que nous étions devenus détenteurs d'un modèle répressif qui semblait être tellement efficace qu'il n'inspira pas l'armée israélienne. Et en lisant la suite de l'article, j'appris que l'officier israélien faisait référence aux événements que connut l'Algérie le 5 octobre 1988 puisqu'il expliqua que la méthode signifiait << provoquer le maximum de dégâts en un minimum de temps>>.

J'avoue que ce jour là j'eus à peine la force de finir mon café et de retourner pantois et assourdi par cet effet larsen que provoqua en moi cette lecture matinale de la presse parisienne.

Et j'avoue aussi que j'eus un peu honte en rejoignant le lendemain mes amis dans cette école parisienne qui m'accueillait pour mes études supérieures.

En cette année 2012 et à l'occasion de ce cinquantenaire de notre indépendance, souhaitons que le pire est derrière nous et que le meilleur est à venir. L'Algérie est un grand pays et les algériens sont un grand peuple. Alors il nous faut désormais mériter un avenir radieux. InCha Allah.