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« Allah ghaleb »,ce confortable refuge

par Farouk Zahi



« Tout ce qui est injuste nous blesse, lorsqu'il ne nous profite pas directement ». (Vauvenargues)

Imaginons un seul instant, que si l'incantation «Allah ghaleb» avait été la devise de nos prédécesseurs, nous serions encore de statut franco musulman pour ne pas dire indigène. Heureusement que les choses ont évolué autrement. Le silence complice est de règle quand nos intérêts sont préservés ; dès qu'on y touche, nous devenons d'irréductibles opposants et pas forcément frontaux. Une belle expression du terroir, restitue cette posture appelée : «Tenir la canne par le milieu». La justification des échecs est cette litanie qui veut que c'est, toujours, le chef qui a failli. L'histoire n'aura retenu que peu de nations qui se sont construites autour d'une individualité et quelle qu'en fut la stature.

L'autoritarisme est ce trait sociologique national que tout le monde stigmatise, mais que peu de gens dénoncent ouvertement. Passifs, nous l'alimentons inconsciemment par un comportement impassible, ou consciemment, par des calculs sordides. «Laissons-le faire, il se cassera bien la gueule un jour», tel sera le traquenard tendu par les attentistes. L'autocrate, n'est pas à tous les coups l'homme politique, loin s'en faut, mais peut être, un simple dirigeant d'entreprise, d'institution scolaire ou autre. Le père ou la mère autoritaire peuvent occasionner des dégâts incommensurables à leur progéniture. N'a-t-on pas entendu parler un jour, de cette jeune fille qui s'est suicidée à la veille de son mariage forcé à un homme de l'âge de son géniteur ou de cette élève qui eut le bras désarticulé par une despotique enseignante ? Les rapports qui régissent notre vie quotidienne privilégient le discours brutal ou la coercition physique. On le voit à travers les vigiles baraqués ou les bodyguards. Il est du moins curieux, que certains hommes politiques, bien avant leur accession au pouvoir, «singent» ses tenants actuels en s'affublant de cerbères protecteurs. Généreux, le discours peut être à l'opposé du comportement. Les meilleurs défenseurs des Droits humains, peuvent fouler, sans état d'âme, la dignité de leurs employés, voisins et parfois même leurs compagnons de route. Le déni, est cette hydre qui se cache sous le masque de la discipline de corps, paradoxalement, dans les milieux dits intellectuels de la formation médicale, des études juridiques et autres départements qui délivrent des bourses de formation. Le renvoi par l'université d'El Azhar au Caire des quarante(40) étudiants sur les quarante quatre(44) choisis pour un cursus universitaire, doit être riche en enseignements. Les «rixes» pour des missions à l'étranger sont d'anthologie dans certains départements dits officiels.

Les textes réglementaires et organisationnels sont, différemment, interprétés selon le lieu et la convenance. Les médecins tenus par l'obligation du service civil, s'autorisent à n'assurer qu'un travail intermittent. A titre illustratif, trois chirurgiens peuvent assurer chacun, 10 jours de présence sur le mois. Le gestionnaire, croit ainsi avoir réglé le problème de son service. Pour lui, seule, la présence compte ; la performance, l'efficience ne viennent qu'en secondaire souci.

On se cache la face pour ne pas faillir au jeu de rôles. La tutelle le sait, mais on le dissimule comme on le fait pour une grossesse illégitime. Pourvu que çà n'aboutisse pas au chef. Les syndicats hospitaliers, revendiquent le confort du malade, la disponibilité du médicament et la bonne tenue des services, mais quand ces conditions sont réunies, le praticien n'est malheureusement pas là. Il pratique, ailleurs, contre espèces sonnantes et trébuchantes. Une certaine presse, pusillanime en général, apportera son soutien, toujours indéfectible à la protesta ne s'attardant pas trop sur le bien fondé de la revendication. Pourvu qu'on s'attaque au pouvoir exécutif. Cette même presse qui a reproché au Pouvoir la lourdeur de sa main en janvier 2011, lui reproche son absence aujourd'hui ; tout comme elle lui reprochait son inertie à la veille de la commémoration du cinquantenaire de l'Indépendance. Au lendemain de l'événement on raille la débauche de feux d'artifice. Il faut savoir ce qu'on veut.

Le summum de l'inconséquence est ce neurochirurgien qui se pointe régulièrement dans une clinique de province pour pratiquer des gestes lourds, et qui quitte les lieux dès l'ultime coup de scalpel. Le patient est quant à lui confié à la providence divine pour aboutir, parfois, à la morgue de l'hôpital public. Ce «troubadour» à musette, doit être cet assistant hospitalo-universitaire d'un hôpital de l'Est d'Alger qui donnait un deuxième rendez-vous à une patiente lourde venant de l'intérieur du pays et qui repartait sans être examinée par quiconque. Son médecin est parti ce jour là en vacances, sans laisser de consigne. Après la longue attente, on recommandait au couple de revenir en septembre. Est-on sûr, que la malade survivra à cette échéance ?

Le confrère du coin, au fait du «délit» professionnel, fera jouer les règles sacrales de l'éthique, mais ne se gênera pas pour casser du sucre sur le dos de l'Administration, le Système ou pourquoi pas Houari Boumediene auxquels, il reproche la déliquescence sociale actuelle. Pourtant, l'Allemagne et le Japon, ont mis moins de temps pour se relever d'une destruction systématique de toutes leurs infrastructures économiques et sociales. Ils se sont mis au travail en cessant, définitivement, de rapporter leurs déboires à Hitler ou à Hirohito. Une nette impression de malveillance se dégage, d'ailleurs, de ces comportements que rien ne justifie, sauf peut être, d'exacerber les rancœurs contre l'ordre établi pour aboutir à l'embrasement généralisé. Il n'est d'ailleurs remarqué, jusqu'à présent, que seuls les défavorisés et les jeunes désœuvrés sont «au feu» face aux forces de sécurité. Les planqués, observeront de loin, comme de coutume, les résultats de leur travail de sape. Ils tireront, conséquemment, leurs marrons du feu comme en mars 1962, mars 1980 et octobre1988.

Il nous faut reconnaitre, cependant, que ces retranchements sont alimentés par l'incurie et la prébende ambiantes. Les comportements amoraux de certains cercles administratifs où sont générées d'importantes décisions, ont fini par petites touches à désagréger le crédit dédié à la chose publique. Pour se prémunir d'éventuels coups tordus, des responsables de haut rang, s'entourent de proches désignés à la tête de centres névralgiques de leur département. Peu à peu, l'orthodoxie cède le pas à l'esprit de clocher pour aboutir, sans jeu de mots, aux mêmes sons de cloche que le maitre des lieux, aura décidé d'entendre. A partir de là, aucune dissonance n'est tolérée. Dans le cas contraire, toute impénitence est sacrifiée aux gémonies de la déshérence socio professionnelle. Les services en charge de la veille sur la compatibilité des fonctions avec les statuts les régissant, et qui relève directement de la Primature, n'ont-ils pas relevé ces dysfonctionnements qui portent atteinte à la mission régalienne de l'Etat ? Et s'il tel est le cas, le glas n'aura pas sonné, en vain, pour une administration dont les principaux vérins seraient le népotisme et le copinage.