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LE QATAR INVESTISSEUR OFFENSIF, L’ALGERIE RENTIERE PASSIVE ?

par Akram Belkaid, Paris

LaPas une semaine ne passe sans que le Qatar ne fasse parler de lui dans les milieux d’affaires occidentaux. Il y a quelques mois, une précédente chronique avait déjà évoqué l’appétit du fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) pour l’Europe, notamment la France avec, entre autres, une prise de participation remarquée dans le groupe Lagardère (*). Depuis, la frénésie d’acquisitions de QIA et de ses filiales est loin de s’être calmée. En témoigne l’achat en cours de quatre grands palaces français dont le fameux Martinez à Cannes.

UN INVESTISSEUR OFFENSIF

Mais cette opération, qui fait suite à l’acquisition de plusieurs immeubles à Paris sur l’avenue des Champs-Elysées et sur le boulevard Haussmann, n’est pas ce qui retient le plus l’attention. Certes, on peut relever que le Qatar est désormais présent dans pratiquement tous les secteurs d’activité français : du sport (PSG) au luxe (participations dans LVMH, rachat de Le Tanneur) en passant par l’immobilier et les utilités (Vinci, Suez environnement, Veolia, Vivendi) sans oublier l’énergie (Total) et les médias et la défense (Lagardère). Mais il n’y a là rien de nouveau ni d’étonnant. Avec un trésor de guerre estimé à plus de 100 milliards de dollars, Qatar Investment Authority est parti à l’assaut de la planète comme l’ont fait avant lui les fonds souverains du Koweït et d’Abou Dhabi.

En fait, c’est surtout la position de QIA dans le projet de fusion entre le groupe minier Glencore et son concurrent suisse Xstrata qui fait débat. Actionnaire à hauteur de 11% dans Xstrata, le Qatar exige que l’offre de Glencore soit améliorée pour donner son feu vert à une fusion à laquelle il n’est pas opposé sur le principe (elle permettrait de créer un géant minier pesant 90 milliards de dollars à la Bourse de Londres). Dans les faits, Glencore propose que les actionnaires de Xstrata reçoivent 2,8 actions Glencore pour chacun de leur titre tandis que Qatar Holding, filiale de QIA, exige un ratio d’échange de 3,25 actions Glencore pour une action Xstrata. En faisant monter les enchères, le fonds qatari démontre sa volonté de ne pas se cantonner dans le rôle passif traditionnellement dévolu aux fonds souverains du Golfe. Bien au contraire, cette fermeté a donné plus de poids aux revendications d’autres actionnaires de Xstrata, parmi lesquels le fonds Fidelity, qui critiquent eux aussi les termes de l’opération.

Nombreux sont les analystes et les observateurs, parmi lesquels le Financial Times, l’influent quotidien d’affaires, qui ont été étonnés par la prise de position des Qataris. Leurs interrogations sont nombreuses. Assiste-t-on à un changement de stratégie de QIA ? Le Qatar se sent-il suffisamment fort pour imposer ses vues à un monde occidental des affaires habitué à accepter son argent mais pas à ce qu’il se comporte comme un actionnaire actif ? Comment les gouvernements occidentaux vont-ils réagir à cette évolution (à supposer qu’elle se confirme au cours des prochaines semaines ?). De fait, cette affaire pourrait relancer les polémiques à propos de l’activisme, réel ou supposé, des fonds souverains du Golfe sans oublier les critiques à propos de leur manque de transparence.

ET L’ALGERIE ?

Dans le même temps, l’exemple du Qatar et d’autres pays du Golfe oblige, comme toujours, à s’interroger sur l’absence de stratégie d’investissements extérieurs de l’Algérie. Voilà déjà cinq ans que le débat sur la création d’un fonds souverain a été plus ou moins engagé. Des informations circulent faisant état d’un projet à l’étude notamment au niveau de la Banque centrale mais trop de temps a été perdu. Dans le contexte économique mondial actuel, l’Algérie a pourtant la possibilité de réaliser à bon compte des acquisitions qui s’inscriraient dans la préparation de l’après-pétrole. A condition d’en avoir la volonté politique, la création d’un fonds souverain algérien à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance serait plus que symbolique…

(*) Le Qatar rachète la France, mercredi 21 mars 2012.

La chronique économique s'interrompt et reprendra le 5 septembre.