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5 Juillet : Branle-bas de combat à Alger

par Ghania Oukazi

La célébration du 50ème anniversaire de l'indépendance connaîtra certainement son apothéose le 5 juillet prochain dont les festivités officielles seraient programmées au complexe touristique de Sidi Fredj.

C'est le branle-bas de combat sur le littoral ouest de la capitale où de nombreux responsables dirigent d'importantes équipes de main-d'oeuvre pour rénover, replâtrer, planter, peindre, camoufler tout ce qui pourrait l'être à l'approche du 5 juillet, fête de l'indépendance et de la jeunesse. L'on entend dire que c'est le président de la République qui a voulu que cette journée soit célébrée au niveau du complexe de Sidi Fredj pour des raisons d'histoire. « C'est par Sidi Fredj que la France a débarqué sa flotte en 1830 pour coloniser l'Algérie », rappelle un des gardiens du site touristique qui attend le moment avec impatience pour, dit-il naïvement « voir le Président de près ».

On croit savoir que le plus gros des festivités se passera au niveau du théâtre de verdure et du Casif, un haut lieu haut d'histoire et de beauté. Les techniciens qui s'occupent de la rénovation des équipements de sonorisation parlent de « milliards » d'euros dépensés pour que le site soit mis au point le jour J. « Ils ont ramené une société italienne qui doit mettre en place un design moderne et tout de couleurs et de lumières », nous disent des techniciens. L'entourage du président de la République avait déjà fait appel à des designers italiens pour préparer la scène de la coupole du complexe Mohamed Boudiaf du 5 Juillet où il devait animer son dernier meeting électoral en tant que président-candidat pour l'élection présidentielle de 2009. La coupole était merveilleusement bien décorée, tout en bleu et superbement bien illuminée. Très moderne, la sonorisation a permis de diffuser des chansons de Cheb Mami et de Alloua dont les airs musicaux avaient emballé toute la salle pleine à craquer et même le chef de l'Etat qui était rentré presque en esquissant des pas de danse.

Il serait probable que le Président prononce un discours à cette occasion. Mais l'on dit d'ores et déjà qu'il recevra des invités de marque, peut-être des chefs d'Etat des pays voisins et autres responsables diplomatiques. Pour l'instant, rien n'est encore officiel mais le dynamisme et la détermination qui animent les équipes sur place montrent que « quelque chose d'important va se passer sur ces lieux ».

LA FETE SUR FOND DE GACHIS

Il est intéressant de noter que le projet en construction des Emiratis jouxtant l'hôtel Ryadh, a mis sens dessus dessous les routes menant au complexe de Sidi Fredj, que ce soit celle venant de Moretti ou celle qui le relie à la Bridja. Dans ces endroits-là, c'est la pagaille totale. Les gros engins ont provoqué un désordre comme pas possible et ce depuis l'été dernier. Mais depuis quelques jours seulement, le paysage commence à retrouver ses contours. Des équipes techniques s'activent ainsi à y mettre de l'ordre, en premier en repoussant de quelques mètres la clôture placé par les employés tout autour du complexe touristique et des appartements haut standing que les Emiratis sont en train de construire. Clôture qui a été mise sur la moitié de la route menant à Sidi Fredj, provoquant ainsi un embouteillage monstre notamment en week-end. Ceci, sans compter les quantités de poussière que dégagent en permanence les engins qui creusent le sol pour mettre les fondations. Les travaux de rénovation et de remise en ordre vont donc bon train. La route a été élargie et rafistolée à coup de bitume, les crevasses colmatées et le rond-point fleuri. Hier matin, il a même été procédé à l'abattage d'arbres dont la grandeur a certainement procuré de l'ombre à plusieurs générations. Polices, gendarmerie, ambulances, employés étaient tous à l'œuvre du côté de la forêt pour tenter de dégager une parcelle de terre qui permettra d'élargir la route. Ces travaux ont certainement été décidés à la dernière minute, sous la pression de responsables qui veulent faire bien devant le Président qui doit savoir pourtant que le désordre était de mise dans ces endroits puisqu'il habite dans les parages depuis de longs mois.

Le pire se passe ailleurs. Toujours pour la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance, vers la descente du palais du gouvernement, sur l'avenue du Docteur Saâdane, les hommes de l'art doivent s'arracher les cheveux à la vue d'ouvriers en train de passer le rouleau enduit de vinyle blanc sur les façades du 1er ministère et de la salle Ibn Khaldoun, faites d'ancien granito et d'autres en revêtement de marbre. C'est aussi un véritable gâchis de voir des bas d'immeubles peints en bleu foncé cassant ainsi les couleurs originales des quartiers comme la rue Didouche Mourad, en plein cœur de la capitale.

LES PAPC DOIVENT RENDRE DES COMPTES

Ceci, quand on évite de passer par la rue Meissonnier dont l'état délabré est à en pleurer. Défoncée depuis de longs mois, cette rue commerçante par laquelle transite pratiquement quotidiennement le plus gros des Algérois n'a toujours pas suscité l'attention du PAPC qui en a la charge. A l'approche des locales, il serait intéressant de faire le bilan des maires du pays dont le souci est loin de s'occuper du bien-être des citoyens. Les partis comme le FLN et le RND qui dirigent le nombre le plus élevé d'APC, doivent être en principe à l'amende pour n'avoir jamais demandé de compte à leurs élus.

Il est clair qu'en faisant appel à des étrangers pour embellir des lieux comme Sidi Fredj, les gouvernants ne soucient nullement de ce qui se passe ailleurs. Tant pis si les choses sont mal faites. Peu importe si elles le sont à coups de milliards puisque personne ne semble compter les sous du contribuable.

Au-delà de ce manque de responsabilité et de goût, l'événement du 50e anniversaire de l'indépendance mérite bien sûr que lui soit consacrés toute l'attention et les moyens humains et matériels tant il devrait marquer une rupture entre deux périodes, une de mauvaise gouvernance et une autre de changement. 50 ans d'indépendance signifient que le pays est arrivé à une étape où il a dû en principe, apprendre à différencier entre ce qui lui convient comme système politique, doctrine et choix des hommes et ce qui ne lui convient pas ou plus.

C'est un peu l'esprit du discours que le président de la République a prononcé le 8 mai dernier à Sétif, à la veille des élections législatives. « Tab Ejnana », avait-il affirmé synthétisant toute cette période de tâtonnement. La sentence est lourde de sens. Elle doit être en principe annonciatrice de profonds changements à tous les niveaux. « Si je dois partir, nous partirons tous ensemble », aurait-il dit ces dernières années à des hauts responsables qui voulaient démissionner. On pourrait alors comprendre que Bouteflika a une vision bien claire de ce qui devrait être changé en matière d'exercice du pouvoir, de ses hommes et de ses instruments et moyens d'existence. L'on s'abstient de parler de refondation du système politique puisque rien n'en détermine le cap pour l'instant.

« UN CANDIDAT DU CONSENSUS » POUR 2014 ?

Les élections législatives passées et celles locales à venir devraient pourtant, si l'on dissèque le discours du Président, être les derniers sursauts d'un pouvoir qui semble avoir programmé son départ. Ne devrait lui rester en principe que la révision de la Constitution pour laquelle il a déjà pris de l'avance. En effet, la victoire écrasante du FLN donne à Bouteflika toute latitude de préparer son départ et de se choisir un remplaçant sans difficultés. Il le ferait de connivence avec la nouvelle assemblée qui fonctionnera uniquement avec le FLN dont le nombre de sièges constituera une majorité absolue, ceci en calculant avec ce qu'il en a obtenu après le scrutin du 10 mai dernier, les indépendants qui veulent le rejoindre et, ajoute-t-on, les députés des partis qui ont refusé d'y siéger. Le compte est bon sans même faire appel au RND qui se trouve dans une mauvaise posture puisque le FLN peut aisément se passer de ses services pour faire voter toute loi voulue par le chef de l'Etat.

Pour l'heure, le scénario « du changement » n'est pas arrêté définitivement. C'est là toute la force du pouvoir pour manipuler, réajuster, innover, retirer et ajouter les cartes qu'il voudra - puisqu'il en garde toujours plusieurs en main - pour avoir un schéma à la juste mesure de ses intentions et de ses intérêts. Les bouleversements que connaissent les partis les plus importants sur la scène nationale devront lui donner des indices pour corriger sa stratégie. Les jeux de rôles qui s'y entrechoquent parfois, lui permettront certainement de savoir « qui fait quoi et pour qui ». Il serait possible que tout ira vers une décantation à ce niveau pour que « les forces » restantes soient canalisées à l'effet de soutenir « le candidat du consensus » dont le nom ferait bondir plus d'un. Mais, encore une fois, il est important de retenir que le scénario n'est pas finalisé.