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Lettre ouverte à la nouvelle A.P.N.

par Nacer Boudiaf

J'ai bien suivi ce qui est appelé «campagne électorale» à l'issue de laquelle vous avez été élus, le 10 mai 2012, une date qui a tenté, en vain, de concurrencer le 1er Novembre 1954. Il était aisé de noter que le système s'est offert le luxe de faire de la pomme de terre un thème important de votre «campagne». Ce féculent a atteint un prix inimaginable durant la «campagne» juste pour la détourner de la Vérité, voire des vérités algériennes.

En effet, l'amnésie a touché tous les Partis et même les Indépendants qui ont participé à cette « campagne ». Personne n'a soulevé la question de la Vérité sur l'assassinat de Mohamed Boudiaf. Pensez-vous être à l'abri de ce qui lui est arrivé ? Pensez-vous que toute la rafale qui a été déchargée dans son dos, ne lui était destinée que pour lui couper le souffle. Non, une seule balle lui aurait suffi. Tout le reste du chargeur -voire des chargeurs- était destiné aux Algériens et Algériennes qui oseraient toucher aux intérêts personnels du système.

Cette lettre ouverte est particulièrement adressée aux élus du FLN et du FFS. Aux élus du FLN, parce que Boudiaf est un des fondateurs du FLN, rédacteur de l'Appel du 1er Novembre 1954, coordonnateur de la «Réunion des 22» et victime de «l'acte isolé» qui aurait été perpétré par un «cadet de la révolution», un triste 29 juin 1992. Elle est également adressée aux élus du FFS, pour entre autres, rappeler à Monsieur Ait Ahmed avec qui il était enchaîné à sa descente de l'avion en octobre 1956.

 Mais cette lettre ouverte est adressée aussi et surtout à la femme députée dont la présence à l'A.P.N. est la double de celle de certaines Assemblées européennes. Je fais appel à la femme, celle qui a soutenu la Révolution du 1er Novembre, celle qui a résisté à l'extrémisme en Algérie des années 1990. Je fais appel à la femme qui a vu en Boudiaf un Homme qui est venu lui apporter l'espoir que les enfants algériens ne connaîtront pas les difficultés vécues par leurs parents.

Les vérités qui attendent la nouvelle A.P.N. sont en réalité plus importantes qu'un projet de Constitution. La Vérité sur l'assassinat du chef de l'Etat en direct à la télévision, la vérité sur les affaires de corruption qui entachent de nombreux ministres et autres dignitaires du système, la vérité sur la mauvaise distribution du logement qui fait que plus l'Etat construit et plus le citoyen en réclame, la vérité sur la volonté de bloquer le système bancaire pour empêcher la transparence, la vérité sur la gestion de nos hôpitaux transformés en mouroirs, la vérité sur tous les artifices créés par le système pour geler l'Ecole et l'Université afin de laisser le peuple dans l'obscurité, la vérité sur la «chkara» à l'origine de «l'élection» de nombreux élus parmi vous, sont quelques vérités qui vous attendent et dont le traitement fera ou défera la crédibilité que vous tentez de rechercher. Observer le silence sur ces vérités fera de vous des complices de «l'acte isolé», des affaires de corruption, de la dégradation de l'école, du dépérissement de nos hôpitaux, de la dilapidation de la rente, pour ne citer que ces fléaux montés par un système qui a inauguré sa néfaste histoire par l'assassinat de Abbane Ramdane et l'emprisonnement de Ferhat Abbés et Mohamed Boudiaf dès l'indépendance, dans des circonstances atroces à Adrar et à Bechar.

Mais cette lettre ne saurait atteindre l'objectif souhaité, si elle n'est pas également adressée aux Algériennes et Algériens qui ne se reconnaissent ni dans le FLN, ni le RND, ni dans la mouvance islamiste tels qu'exprimés lors de ce dernier scrutin. En effet, le pole démocrate est totalement absent. S'est-il exprimé dans les 57% d'Algériens qui n'ont pas voté et dans les presque deux millions de bulletins nuls ?

Je lance, à cet effet, un appel à la jeunesse, c'est-à-dire- à 70% de la population pour un sursaut pacifique, ordonné, réfléchi, visionnaire, mettant en application la chère expression de Boudiaf : «L'Algérie avant tout», pour laquelle il est mort devant ceux qui ont mis leurs intérêts personnels avant tout. L'échéance 2014 est pour demain. Les démocrates qui semblent avoir perdu espoir trouveront «in cha Allah» dans cette lettre une lueur d'espoir pour se rassembler sous la bannière «50 ans baraket».

Que les Algériennes et Algériens qui n'ont pas cautionné le 10 mai, qui représentent les 57% des non-votantss, qui restent attachés à «L'Appel du 1er novembre 1954», qui n'acceptent pas que le lâche assassinat soit transformé en «acte isolé», et qui pourrait se reproduire à tout moment, qu'ils fassent de cette lettre un dernier cri d'espoir pour bâtir la Nation pour laquelle le million et demi de martyres se sont sacrifiés et pour l'ôter à ceux qui n'ont jamais cessé de sucer le sang de l'Algérie.