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L'homme mal-aimé

par El Yazid Dib

Il crée l'événement. Il le force à être commenté. L'épilogue a entraîné de nombreuses interprétations à défaut d'être un éclairage. Le train de l'analyse ne va s'arrêter de sitôt, sauf dans ses haltes coutumières. L'homme continue ses bouts de chemin au gré des fils tordus ou adroits des discussions.

« Je dérange, tant à l'intérieur qu'a l'extérieur » venant de la bouche d'un Premier ministre, cet aveu est très lourd de sens. Car le monsieur ne constitue nullement en sa qualité de chef de parti une quelconque menace politique. Son revers récent se veut, en vague justification se régénérer en un bris de glace dans la politique façadière.

A ne rien comprendre, la politique qui se pratique est en voie de devenir une affaire de diablerie ou de simple prestidigitation. On arrive plus à suivre les logiques qui obéissent à des raisonnements. L'homme est acculé de partout. Apres tant d'exercice aux commandes politiques l'on s'aperçoit qu'il est responsable de cet « échec collectif ». L'affirmant ainsi il mérite quand bien même certains égards. Evoquant, non sans parallèles malheureux, « l'enfer de Matignon » il croit dresser les coulisses caverneuses et émétiques qui se font dessiner dans les antres du palais du gouvernement. Si Matignon, avec toutes ses ouvertures apparentes, ses cycles d'intermittence et ses valses alternatives se fait dans un « enfer », c'est que l'enfer simulé chez nous ne peut se prévaloir que d'un « paradis infernal ». L'enfer n'est-il pas dans le gouvernement et non pas au sein du palais ? « L'enfer » au sens théologique n'est pas une destination volontaire, il est une affectation définitive, une sanction irrémédiable. En termes politiques, il prend un autre sens, selon les différents locataires. Seulement la possibilité de ne pas trop allonger son séjour demeure volontaire, à moins que l'on s'habitue aux douceurs des braises adoucies par le punch et le privilège. Là, la légende de l'humour populaire faisait dire à l'un des anciens responsables, évincé de son poste que : « el koursi » la chaise est irremplaçable même s'il s'agissait d'une chaise électrique.

L'homme pourvu d'un long empirisme s'attelle à aller vers la rencontre d'un destin. Sinon comment justifie-t-il la perte de poigne suite aux élections législatives récentes. Avec un nombre réduit de sièges le réduisant ainsi à une expression de réduction minoritaire, l'homme se tait et fusionne avec la majorité, celle-là même qui lui grignote tout son furtif potentiel. En plus de ses nombreuses difformités organiques, on lui attribue encore et encore cette facile décantation qui lui permet des associations baroques avec tout rapport de force. Mis à maintes fois en porte-à-faux avec le président, il avait su maintenir la case successorale toujours à son avantage.

Ainsi à chaque sensation de vent défavorable, il tient à se mettre en avant toute actualité. Quand l'événement ne lui sied pas, il le provoque. Ses dernières déclarations sur la gestion du pays sont produites pour dévier le débat sur la catastrophe récoltée par ses urnes. Ceci est de bonne guerre. La preuve subitement l'on parle de ses déclarations et non pas sur ses élections. Pourtant toutes fraiches et objet à complexité. Un parti aussi vigoureux de par sa proximité sinon sa confusion avec le régime ne peut à lui seul déposséder son crédit, ni assurer sa propre défaite. Le chef est grandement responsable. Sa qualité de Directeur général des ministères ou de parti avait un peu compati à son pli, habituant ses auditeurs à plus de flux verbal et de reflux salivaire. Le monsieur est un loup blanc, l'avions-nous connu, en termes de verbiage, chiffres et loquacité. Néanmoins, il usa de tout un substrat métaphorique qu'il condensa dans une forme d'hilarité déconcertante, le plaçant ainsi un peu au-dessus de l'actualité. Mais cette-fois-ci, l'orateur s'est égaré à bon escient dans les coulisses du pouvoir au lieu de demeurer ou dans l'économie ou dans l'élection. En fustigeant les villes algériennes transformées en « Dubaï », le conteneur en mode d'enrichissement illégal, le Premier ministre s'omet de dire que cette ubuesque situation est une résultante qui date depuis 1995. Il était toujours là. Il provient de la profondeur des entrailles systémiques. Il semble même être à l'origine de la renaissance répétitive du système lorsque celui-ci se trouva en phase finale de pénitence. La tête était ailleurs que dans une actualité trop controversée, mais dans un avenir qu'il essaie de contraindre à son profit. Mais à sa décharge, est-il seul à manier les leviers de la gestion globale ? A-t-il une marge de liberté dans ses actions ? Il ne le dit pas, ne le déclare pas, mais il le suggère. Il force ainsi la compréhension dans cet unique sens.

Sa séraphique frimousse fait penser à ceux qui, innocents ne peuvent penser qu'il est aux affaires ; qu'ils sont, quitte à le redire en face d'un gentil pédiatre. En fait, il ne peut être qu'une somme considérable de tolérance et un capital inestimable de constance. Il attend en eternel adolescent le merveilleux et final virage couronnant son chemin. Persévérant et bosseur durant ses horaires de ses vacations, le monsieur n'attire pas vers lui toutes les douceurs. L'on dirait qu'il fait tout pour qu'il se mette dans des situations peu enviables. Il suscite la parole satirique tout en suggérant les failles possibles dans lesquelles, il se met de la façon la plus expresse. Gestionnaire usé aux approches obsolètes, il s'attire les foudres du populisme. Impopulaire dans ses mesures, il persévère dans son inflexibilité budgétaire et économique, tout en critiquant ceux à qui elle profite en toute impunité. Les banques ne sont pas toutes à l'identique du traitement et des concessions des avantages et privilèges boursiers. On ramasse ici, on dépense ailleurs. Les avantages fiscaux ont fait grandir la mesquinerie et rendre des usuels noms en lumineuses enseignes érigées en groupe.

Ce sont ces lois, ces règlements qui ont fait que l'argent prenne la place de la décision. Cet argent sale et mal acquis qui n'est pas récent. Il s'est renouvelé pour s'introduire comme nouvel élément dans le débat politique. Aucune personne n'est identifiée comme propriétaire de cet argent. L'on parle d'une ombre, d'un fantôme. Même lui, Premier ministre avec son administration, ses offices, son fisc n'arrive pas, ou ne veut pas profiler le contour de ces échantillons. Depuis l'affaire dite de Hadj Bettou, nulle filiation n'est venue se mettre sur le canevas d'accusation personnelle que les uns et les autres tentent, populisme en cours, de décrier. Seule l'imprécision, l'allusion et l'impersonnel tiennent le coup des actes de dénonciations. Un responsable par éthique et par définition ne dénonce pas, il poursuit, il juge et condamne. Ceci en évidence avec les organes républicains stratifiant la hiérarchie dans l'Etat. Sinon sommes-nous en face de paroles semblables aux paroles de cafeteria. Le commérage est justement ce verbe conjugué et débité sans fondement. Il ne peut s'approprier un agent détenteur d'une parcelle de l'autorité publique. Quand le monsieur parle, il attise l'ire de son auditoire. Quand il propose, il se soumet sous une moissonneuse batteuse verbale qui ne finit pas de sitôt son travail. Alors quand il décide, il se fait verser du vitriol en pleine gueule. Le monsieur n'est pas un nouveau-né, comme le fut sa machine-parti. On dit ne pas l'aimer trop, mais il semble utile à la stabilité des barres parallèles du pouvoir. Il a du dire vrai. Croyons-le. C'est dans le réel qu'il agit. L'hypothèse superficielle s'argumenterait en disant qu'il a été inspiré, sinon « autorisé » à soutenir ces sorties médiatiques. L'autre plus pernicieuse s'affirmerait qu'il se lance déjà à jeter l'éponge, l'actualité électorale étant propice ; en toute conviction que son avenir s'inscrit dans un départ à signer présentement. Un repos sabbatique de deux années, serait assez suffisant pour être à moitié-pouvoir à moitié semi-opposition. Dans sa posture il lui est difficile de différencier entre ses deux emplois. La frontière est minime quand elle ne semble pas du tout exister.

A voir ce qui se subit au grand jour dans l'économie nationale comme normes anti-développement, à voir l'investissement qui se faufile dans des crédits et dans la dépense publique ; l'épanouissement ne peut être au rendez-vous. Ce label euphorique d'investissement privé ne s'est point limité aux guichets des banques, il se pointe maintenant au hall du centre décisionnel. Il ne rougira pas, non plus à investir dans les têtes centrales, s'il n'est encore que dans le crâne, après avoir su élire domicile dans le cœur de l'échelle des commandes moyennes et dans les cénacles parlementaires. L'homme disait vrai. La décision est ailleurs que dans le noyau visible et légal censé la produire. Quand on délègue en silence et en vertu d'intérêts ses prérogatives, la décision ne survient pas des bureaux mais des salons et des zones internationales d'embarquement. C'est cet intérêt qui rend amis et alliés les pires cas d'incompatibilité. Quand un berger s'accoquine avec le loup, le troupeau va-t-il être ainsi bien gardé ? Tout est légitimé en vertu d'une loi érigée en rapport d'avantages aux lieux et places d'un rapport de droit. Si un terrain communal ou domanial à enjeux dans une localité, est à convoiter il finira coûte que coûte à se mettre lentement dans le portefeuille immobilier du quémandeur. Bien sûr en toute conformité aux lois et règlements. La loi, la nature, le relief seront tous de ce fait astreints à se conformer au desideratum solliciteur.

La règle du 49/51 est la seule règle que l'homme a édictée en faveur de la prévention protectrice d'une hypothèque économie nationale. S'adressant essentiellement à l'étranger, elle a fait naitre des dissensions tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Le vrai dérangement se trouve donc dans ses interstices. L'imposition du chèque plafonné est une autre entrave au travail du monsieur. Depuis 2009, a-t-elle pour autant, cette règle fait atténuer la voracité et exténuer le râlement des goinfres et des polygames dans la finance conjugale ? La concession automobile reste la pire hémorragie économique de l'épargne nationale. Le surendettement que provoquent un faux luxe et un confort précaire aux ménages n'est pas sans effet d'atteindre petit à petit une situation de faillite générale et une cessation de paiement communautaire. Ceci ne rimera à rien si on est arrivé juste à remplacer une technologie étrangère par une manie financière locale. L'homme restera tout de même un bon gestionnaire s'il arrive à rendre moins opaque l'alphabet de dictée qu'il tente maladroitement de transcrire.