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LA DEONTOLOGIE HOLLANDAISE, LA VERTU NORVEGIENNE ET LA TETINE ALGERIENNE

par Mohammed Beghdad

«Le bon fonctionnement d’une démocratie passe par l’existence d’un lien de confiance entre les citoyens et ceux qui gouvernent.»

Il y a à peine trois semaines, Nicolas Sarkozy était le président français. Il décidait de tout, du plus détail anodin au plus grave. Le sort de la France et des français étaient entièrement entre ses mains. Il possédait toutes les clés de la gouvernance de son pays. Il était le chef suprême des armées de son pays en disposant du code secret des armes nucléaires de son armée éparpillée un peu partout à travers le monde.

Deux semaines après, c’est son successeur François Hollande qui héritait de tous ses pouvoirs en prenant possession du palais de l’Elysée lors de son investiture 9 jours après avoir été élu. Sarkozy est parti comme il est revenu, dépouillé de tout son aura de chef d’état. Il s’en est allé presque incognito laissant derrière lui le bilan de son quinquennat que seuls jugeraient ses concitoyens. S’il a été dégagé de la manière la plus élégante et la plus civilisée sans casse ni violence, c’est grâce aux urnes libres, propres et transparentes et de ces voix exprimées des votants, du plus riche jusqu’au plus nanti. Reconnaissant quand-même à Nicolas Sarkozy son esprit démocratique que nous avons malencontreusement confondu au sud avec celui d’un dictateur mais il n’a fait que défendre légitimement la politique de son pays de la façon la plus affirmée en sa faveur par ces mêmes urnes en 2007.
N’a-t-il pas quitté les commandes lorsque ses compatriotes lui ont scellé son sort ? C’est la magie de ces élections qui nous font rêver qu’ils puissent se dérouler un jour chez nous de la manière la plus pacifique et la plus paisible. Et puis, pourquoi n’avons-nous pas le droit de mériter un tel sort que celui de ces êtres humains du nord ? Qu’est-ce qui nous différencie de ceux-là pour que notre avenir soit plus hypothéqué que le leur ?

Quelques heures après son installation, Hollande était déjà aux commandes. Sa première déclaration, comme le veut la tradition républicaine et la loi, est celle de son patrimoine de président entrant alors que son prédécesseur annonçait celui de président sortant. Immédiatement après avoir pris possession des dossiers secrets et brûlants de son pays, le nouveau locataire est parti dans l’après-midi même pour l’Allemagne, son premier partenaire économique, pour expliquer la nouvelle politique que son peuple, dans sa majorité, a choisie.

LA DÉONTOLOGIE HOLLANDAISE,…

Deux jours après, un nouveau gouvernement est nommé et aussitôt réuni le lendemain avec l’adoption d’un premier décret sur la réduction de 30% des salaires du président et de ses ministres avec à la clef leur signature individuelle de la charte de déontologie (1) de la moralisation de la vie politique qui les engagent à ne prendre en charge sur le budget de l’état que les dépenses strictement liées à l’exercice de leurs fonctions.

De plus, les membres du gouvernement disposant d’un logement de fonction doivent déclarer au fisc l’avantage en nature correspondant. Il faut également noter que les ministres ont l’obligation de privilégier le train pour les déplacements d’une durée inférieure à 3 heures. Sauf contrainte particulière, leurs déplacements en automobile justifiant d’une escorte motocycliste, se font dans la discrétion et le respect des règles du code de la route ! Ils doivent, en outre, remettre au service des domaines les cadeaux offerts d’une valeur supérieure à 150 Euros (environ 15 000 DA) ! Pour l’impartialité, ils doivent absolument s’abstenir de toute intervention pour la situation d’un membre de leur famille ou d’un proche. Il y a dans cette charte d’autres obligations à faire fuir plus d’un de nos prétendants à cette fonction ministérielle où la servitude du pays est au dessus de toute autre considération.
Trois jours plus tard et sans aucun répit ni la moindre transition, voilà le nouveau président parti aux Etats Unis pour un sommet du G8 suivi d’un autre de l’OTAN. Tout est réglé comme une horloge, ils sont déjà à l’œuvre. Ils n’ont pas besoin de perdre du temps à leur pays car les politiques économique et sociale vont connaître des tournants importants et différents par rapport à la politique prônée par le gouvernant sortant.

Pourtant la France que nos compatriotes la regardent avec des yeux méditatifs comme un exemple à suivre au niveau démocratique n’est classée qu’à la 29ème place mondiale avec un indice de 7,77 sur un total de 10 points selon l’indice de démocratie réalisé par la revue internationale « The Economist » à la fin de l’année 2011 et rappelé dernièrement dans un excellent article de Smail Goumeziane(2). Avec cette note, la France est considérée comme un régime démocratique incomplet loin derrière les pays nordiques avec à leur tête la Norvège sur un score songeur de 9,80/10.

…LA VERTU NORVÉGIENNE…

Il est vrai que du côté d’Oslo, un ministre peut arriver à son travail à bicyclette ou à pied sans la moindre gêne ni un quelconque complexe d’infériorité. Il déjeune à midi dans la cantine du personnel sans aucune distinction au milieu des employés en face de la femme qui nettoie les sols de son ministère. Il fait même la chaîne pour se servir au self-service de la cafétéria au milieu de ses subordonnés !
Mieux encore ! Son collègue des affaires étrangères ne dispose que de 50 Euros (5 000 DA) maximum par jour pour couvrir ses deux repas lors de ses déplacements officiels internes et de 120 Euros (12 000 DA) par nuitée d’hôtel si la visite doit durer au-delà d’une journée. Il doit tout avancer de ses poches et justifier par des factures pour être remboursé par la comptabilité de son ministère. C’est sans garde du corps qu’il se déplace en avion, il fait la queue comme tous les voyageurs devant la préposée au guichet pour s’enregistrer et obtenir son ticket d’accès. Il n’y a ni salon d’honneur à sa disposition, ni salon VIP pour l’accueillir. Arrivé à l’aéroport de destination, il prend le plus normalement du monde un taxi pour se rendre à sa visite programmée. Au passage, il n’oublie pas de demander un reçu au taxieur en réglant la note, toujours de sa poche. Il n’a ni voiture officielle qui l’attend, ni cortège officiel avec motards et accompagnateurs ! Lors de sa visite, il peut être invité à manger au réfectoire de l’entreprise, ce qui n’est pas une obligation, où on lui offre, au meilleur cas, un café à la fin d’un repas qui est loin d’être spécial. Il n’y a ni méchoui pour l’occasion ni de la nourriture pour tous à gogo. C’est comme monsieur tout-le-monde au service exclusif de son pays. Quant au ministre de la justice et de l’intérieur de ce même pays, il va chercher lui-même et tout seul ses enfants à l’école et à la crèche. Le ministre partage les voitures collectives du gouvernement avec les autres ministres. Il n’a point d’appartement de fonction et prépare lui-même son dîner en rentrant à la maison. De plus, aucun chauffeur attitré ne lui est affecté. Pourtant, la Norvège est un grand pays riche de gaz et de pétrole beaucoup plus que l’Algérie. Elle est ni plus ni moins que le 2ème exportateur mondial de gaz et le 6ème exportateur de pétrole.
Quoique ce soit un pays très riche dont la population ne dépasse guère les 5 millions d’habitants, on ne badine pas avec les dépenses publiques dont le pêcher capital pour les élus demeure la corruption (3). Voilà un pays où la vertu démocratique n’est pas un vain mot ni un slogan sans saveur. Franchement, lorsque j’ai vu ce reportage dont je le propose à être projeté dans toute l’Algérie, je n’ai jamais crû que cela puisse exister sur terre. Ce sont des êtres humains comme nous qui ont vaincu admirablement leurs pulsions maladives comme la corruption et le complexe de supériorité en mettant leur esprit collectif au seul profit du progrès de leur pays.

…ET LA TÉTINE ALGÉRIENNE.

Quant à notre pays, abonné aux queues de ce type de classements mondiaux, il ne figure qu’à la 130ème place sur ce classement de la démocratie sur un total de 167 pays avec un faible indice global de 3,44/10, en recul de 5 places par rapport au classement de l’année d’avant. A ce rythme, on risque de ne pas voir le bout du tunnel avant très longtemps.
 Où en sommes-nous de toutes ces restrictions dans ces pays dits développés ? C’est inimaginable de faire transposer ces mesures chez nous où l’on confond le domaine public du domaine privé et où les salaires de nos ministres ne sont pas publiables et où nos responsables rechignent à déclarer leur patrimoine et quand ils le font, c’est à prendre avec des pincettes où le dérisoire l’emporte sur le faste dissimulé. Le train de vie d’un simple Wali, voire d’un ordinaire chef d’entreprise et de ses proches collaborateurs dans notre pays guetté par la précarité peut abasourdir ou choquer plus d’un outre-méditerranée sur ces mamelles de la république.

Pendant ce temps là, toujours chez nous, on est à des années lumières d’Oslo malgré que nous vivions sur la même planète. On n’arrête pas de parler de fraude électorale et de cette alternance au pouvoir qui s’éternise à voir les prémices. La nouvelle assemblée va sans doute faire couler beaucoup d’encre et perdurer la crise multidimensionnelle que vit le pays. Heureusement pour nous et malheureusement pour les générations à venir que le pétrole est là pour parer à toute éventualité comme après les émeutes de janvier 2011 où on a distribué de l’argent public à tort et à travers jusqu’à ce que nos jeunes croient qu’il leur est gracieusement offert. Cette rente n’est-elle pas devenue le premier obstacle du pays au lieu d’être un soulagement et un moyen de développement ? Cette rente n’est-elle pas en train de freiner toute ouverture politique afin que les générations d’aujourd’hui et de demain puissent s’émanciper et apprendre à réfléchir comme les jeunes de l’occident ou des pays émergents pour prendre leur avenir en charge avant que les choses ne se dégénèrent-elles ?
N’est-il pas urgent de réformer l’école et les universités pour ne viser que la qualité au détriment de la quantité pour distinguer le bon grain de l’ivraie ? Par quel miracle scientifique des centres universitaires nouvellement créés se sont-ils érigés en statuts d’université dans un pays dont le niveau d’instruction s’est de plus en plus dégradé et les programmes annuels en général à moitié inachevés ? N’est-il pas impératif de favoriser l’éclosion d’une véritable élite compétente à placer dans tous les rouages de l’état au lieu et place de l’incompétence et de la médiocrité régnante à tous les niveaux et arrivées grâce à leurs connaissances et à leurs allégeances au système éminent ?

N’est-il pas nécessaire de stopper cette immigration clandestine de nos jeunes qui cherchent à traverser la méditerranée par tous les moyens pour gagner cette Europe vue comme l’Eden par la faute de l’application de politiques inappropriées chez soi alors que toutes les potentialités existent mais ce sont les politiques adéquates qui font défaut ? N’est-il pas temps de préserver aux prochaines générations leur part des ressources dilapidées en mettant en place des économies non rentières en prenant l’exemple de nos voisins qui ne vivent que de la sueur de leur front ?

 Pire encore, nous allons hériter d’une assemblée de députés où une minorité recueillant un peu plus de 8% des suffrages des algériens devient majoritaire par la magie d’un article de la loi électorale en légiférant et en décidant sur tout ce qui va toucher à la vie des citoyens durant tout un mandat. Un vice de forme qui va encore retarder l’émergence d’un régime démocratique dans le pays au milieu d’autres pays qui avancent doucement mais surement. Les genèses des réformes annoncées ne sont pour le moment que de la poudre aux yeux et c’est le pays tout entier qui gémit et qui attend avec impatience sa délivrance.
Ainsi la preuve par trois est faite par les urnes, aux populations du nord dont personne ne remet en cause l’issue de leur destination, aux nôtres qui les regardent avec une envie terrible et en se remettant fatalement au Mektoub. Ils attendent vainement l’ouverture d’un cycle moderne qui rompt à jamais l’ancien dont on prédise une fin prochaine mais qui semble se ressusciter et à se régénérer à chaque fois qu’on le dit agonisant.

Références :
(1)http://www.elysee.fr/president/root/bank objects/ 17.05Chartededeontologie.pdf
(2) http://lanation.info/Les-chiffres-des-urnes-et-les-autres a987.html
(3)http://www.youtube.com/watch?v=EcxnCuR7U5o&feature
=results main&playnext=1&list=PL10CF51C8363EB48F