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Elections législatives : D'accord. Mais? !

par Belkacem AHCENE DJABALLAH

Que les récentes élections législatives «n'arriveront pas à résoudre la crise nationale, parce qu'elles ont été conduites par un système contesté»? d'accord !

Qu'il y eut «des dépassements, ici ou là, et de la colère»? d'accord !

Que le fort taux d'abstention et le grand nombre de bulletins «nuls» aient «faussé le jeu démocratique»? d'accord !

Que la consultation électorale n'ait fait que «légitimer le système en place» ? d'accord !

Que le régime «veuille maintenir le statu quo? d'accord !

Que les résultats du scrutin «poussent à une situation dangereuse»? d'accord !

Qu'il n'était «pas nécessaire de «laminer» les partis islamistes»? d'accord ! Qu'il y ait un «besoin d'une plus grande transparence à tous les niveaux»? d'accord !

Qu'il y ait «une volonté en Occident de protéger le régime algérien»? d'accord !

Que le PT ait été «spolié de dizaines de sièges»? d'accord !

Que le FNJS «aurait pu avoir près de 50 sièges»? d'accord !

Que le FNA «aurait dû obtenir la majorité des sièges »? d'accord !

Que si le FC «n'est pas représenté au Parlement, c'est en raison de la majorité du peuple qui n'a pas voté»? d'accord !

Que «c'est une victoire des partisans de la violence»? d'accord !

Que les «résultats annoncés confirment que le changement n'est pas au rendez-vous»? d'accord !

Qu'il y aura des «révélations» de «vedettes» du monde sportif, sur le pourquoi de leur mise sur la touche. On attend! D'accord ?

Que? Que? Que de «que» dans la tête !

Voilà donc, présentées en «diagonale», les plus notables des observations (en fait les plus vives critiques) émises surtout par les parti(e) s perdants, ayant obtenu peu (ou pas) de sièges. On peut à la limite comprendre les premières réactions, celles à chaud, de tous ceux qui, tout au long d'une campagne bien ennuyeuse, qui n'a jamais capté l'attention et les esprits, tant par sa forme que dans le fond, n'ont cessé de répéter à leurs ouailles, la victoire certaine. Et quelle victoire ? Des raz de marée ! Des tsunamis ! Les plus confiants étant les partis islamistes et leurs alliés et les «populistes» qui attendaient des répliques arabo-printanières en Algérie, et tous ceux qui ont analysé les «émeutes alimentaires» de janvier 2011, les immolations répétées et les incidents dans les stades, les présentant comme les prémisses d'une Révolution annoncée.

Des analyses de laboratoires et de rédactions «assises», des conclusions tirées de «micro et caméra-trottoirs», des commentaires assez salonnards ou venant de think thanks étrangers ou algériens, déconnectés des réalités algériennes, ou aux objectifs autres que la recherche de la vérité scientifique.

Que?Que...Que de «que» dans les têtes! Même dans celle de l'ambassadeur d'un pays «ami», certainement déçu par les scores de ses protégés.

Mais, on avait oublié, dans l'euphorie des analyses optimistes et de l'urgence qu'une élection, comme une bataille, se gagne d'abord et avant tout par une bonne observation des adversaires, par une bonne préparation de ses moyens, puis par une présence massive et crédible sur le terrain (le service national, ça a servi quand même !). Et, que la victoire (de la démocratie) n'est pas une affaire de nombre, mais de droit et de foi.

Mais, on avait oublié que les législatives ne sont qu'une étape du processus démocratique? et qu'il y a les locales,? et pour les plus ambitieux, les présidentielles? et les législatives dans cinq ans?

Mais on avait donné, certainement, trop de crédit politique et cultuel aux revendications, excessivement médiatisées, des «jeunes». Un axe certes porteur? d'actions? mais pas de «voix». Le «retour de manivelle» de la sur-médiatisation et de l'exploitation de la misère et des frustrations existants.

Mais, on avait oublié que le corps électoral algérien a des comportements identiques à ceux de tous les autres électeurs du monde, avec cependant, des particularités liées à toute une éducation civique défaillante. En tout cas, une large méconnaissance de la psycho-sociologie générale et électorale de la population. Les mots ne suffisent pas, ne suffisent plus à faire oublier les maux? du passé récent (décennie rouge) ou actuels (la corruption et l'attrait de l'argent et des avantages et privilèges liées aux fonctions). La réaction (abstention, bulletins nuls? deux grands partis) vient surtout de ceux qui, à longueur de journée, adossés à un mur, candidats à la harga, déçus de ne pas avoir d'autres Oum Dream, sirotent un café tiédi, en bordure d'une rue passante qui grouille de 4X4, travaillent au «noir», au pré-emploi ou gardiens de «parking», habitent une baraque ouverte à tous les vents, tenant une «table» minable pour subvenir aux besoins d'un famille élargie, rejetés par l'école et les centres de formation, en attente d'un service national qui les «bloque» durant des années, malheureux que leur club de football préféré «surnage» avec peine en championnat en raison de dirigeants affairistes ou incompétents et de joueurs grassement payés, mais qui ne marquent pas de buts. Le vote-sanction est là et pas ailleurs. Chez les vrais ou supposés ou se croyant «mahgourine». La vraie vie, chez nous, chez les jeunes, est surtout faire de rêves et d'illusions.

Mais, on avait oublié que ceux qui votent généralement et qui se rendent assez tôt ou assez tard au bureau de vote, ne sont pas nécessairement ceux qui ont des problèmes, mais surtout ceux qui n'en veulent plus, en l'occurrence les strates les plus aisées, les plus âgées, les plus conservatrices ou les moins «révolutionnaires». Le vote-refuge. Durera-t-il ? Là est la question que les décideurs du FLN ne se posent pas encore, tout heureux de savourer, car eux-mêmes surpris, leur «victoire» Et, surtout, que la construction d'un parti politique, même soutenu par «le pouvoir», est une œuvre d'art (belle ou affreuse) qui se construit sur une longue période. Sur des idées. Sur un choix. Sur un programme. Sur une crédibilité et un engagement collectifs visibles et lisibles. Pas sur un seul homme (encore que le Président a «boosté» le vote en faveur du FLN, en laissant accroire que c'est son parti, alors que, semble-t-il, il parlait de l'Algérie). Le temps des «discours» sous les préaux d'écoles ou de certains minbars de mosquées, des «waâdate», des influences de zaouiate (en tout cas au nord du pays), et des «chkarate» a bien l'air d'être bel et bien révolu. Même la «popularité», la «notoriété» et les comportements ostentatoires ne sont plus sûrs d'être payants. Si, par exemple, A. Ghoul (comme d'ailleurs Tayeb Louh à Tlemcen et Cherif Rahmani à Djelfa) a «cartonné», c'est parce que, malgré les «scandales de l'Autoroute», il a montré et démontré que c'est un «bosseur» qui sait y faire, en parlant «simple», sans tabou linguistique et sans invective. De plus, il est encore jeune, il joue au football et s'est toujours, avant la campagne, «frotté» au peuple des cafés maures et des quartiers populaires.

Que de que. Que de mais !

Mais, l'essentiel pour les perdants, surtout tous les nouveaux partis (dont l'Alliance verte qui a «déboussolé» les électeurs fidèles aux appellations traditionnelles) n'est-il pas, au lieu de se comporter comme de «mauvais perdants», de se pencher sur l'avenir. Sinon, gare aux ulcères !