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GRECE : LA SORTIE DE LA ZONE EURO N’EST PLUS UN TABOU

par Akram Belkaid, Paris

Tourner en rond, perdre du temps et l’argent des contribuables avant de se rendre à l’évidence. C’est ce que l’Europe a fait à propos de la Grèce. Souvenons-nous de l’automne 2009. A l’époque, Athènes fait savoir à ses partenaires européens qu’elle sera bien en peine de respecter ses obligations financières et qu’elle n’a pas les moyens de rembourser une dette bien plus importante qu’affichée dans ses comptes. Dans le fracas des réactions et des analyses qui suivent, rares sont celles et ceux qui évoquent une sortie de la zone euro comme solution à cette crise. A Bruxelles, siège de la Commission européenne et à Berlin, la vraie capitale de l’Europe, le discours est sans appel : un retour à la drachme est impossible et qu’importe si quelques économistes jugent que c’est pourtant la meilleure option.

UN DISCOURS EUROPEEN QUI A CHANGE DE TONALITE

Aujourd’hui, les choses ont changé. Accablés par l’austérité qui sape leur pouvoir d’achat, les Grecs viennent de voter contre la mise sous tutelle humiliante de leur pays. Ingouvernable et donc incapable d’entériner les exigences européennes en matière d’économies, en échange d’une aide financière, la Grèce semble désormais en route pour une sortie de l’euro. Et, signe des temps, ce scénario n’est même plus écarté par les grands argentiers du vieux continent même si l’Eurogroupe prétend vouloir «garder» la Grèce «de toutes ses forces» dans la zone euro.
Bien au contraire, cette possibilité est ouvertement évoquée par des personnalités influentes. C’est par exemple le cas de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, pour qui cette sortie peut finalement se faire sans grands dommages. Rien à voir donc avec les discours apocalyptiques que l’on entendait encore à la fin 2011.
A lire les articles sur ce sujet, la tonalité qui ressort s’avère soudain positive. On reparle de la possibilité, pour la Grèce, de pouvoir dévaluer la drachme – ce qui lui permettrait au passage de réduire sa dette - et de relancer ses exportations. Bien entendu, personne ne nie que cette perspective risque d’avoir un coût important puisqu’une partie de l’aide fournie à la Grèce pour qu’elle reste dans l’union monétaire européenne aura été perdue. Selon les chiffres qui circulent, le retour à la drachme pourrait coûter de 150 à 200 milliards de dollars aux Européens, à la Banque centrale européenne (BCE) et au Fonds monétaire international (FMI). Un montant certes impressionnant mais qui n’a rien à voir avec les pertes engendrées par la crise des subprimes.
Il semble même que pour l’Allemagne et ses partenaires européens, la sortie de la Grèce de la zone euro constitue un argument de taille destiné aux marchés financiers. Cela prouverait que l’Europe peut exclure de son union monétaire tout membre qui ne respecterait pas les règles du Pacte de stabilité et de discipline budgétaire. En se séparant de la Grèce, les Européens renforceraient donc la crédibilité de la zone euro, tout en créant un précédent.
Ce serait un message sans aucune ambiguïté pour d’autres pays tentés par le laxisme financier.

DES RISQUES REELS

A ce stade, il faut, tout de même, se méfier de l’optimisme européen. Dans cette chronique, la sortie de la Grèce de la zone euro a toujours été présentée comme une option possible. Mais il aurait fallu l’organiser, il y a bien longtemps et avant même que la facture ne gonfle comme elle l’a fait au cours de ces deux dernières années. On peut donc se demander si, à force de tergiversations, le point de non-retour n’a pas été atteint et si cette sortie ne déclenchera pas de nouvelles catastrophes. Déjà, l’Espagne, l’Italie mais aussi la France et le Portugal sans oublier l’Irlande, sont dans le viseur des marchés et des agences de notation. Finalement, à bien y regarder, le feuilleton grec est loin d’être terminé…