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Quitte ou double ?  Les Algériens contraints à redoubler !

par Mohammed Beghdad

Tout le monde connaît maintenant l'issue officielle des élections législatives de ce 10 mai 2012 qui n'ont rien changé dans l'ordre du tiercé gagnant par rapport aux antécédentes échéances avec une forte progression du FLN. Ce qui retient l'attention, ce sont ces partis perdants qui hurlent maintenant au loup une fois connue l'attribution des sièges après que les jeux soient faits dont ils connaissaient en principe toutes les règles de la loi électorale.

Les uns imputent leur défaite à la fraude mais aucun responsable partisan n'a apporté pour l'instant les preuves tangibles de ce qu'ils avancent gravement, d'autres parlent du mode du scrutin avec ces notoires 5% qui ont rapporté gros aux grosses cylindrées électorales par un effet subtil. Les partis mis sur le carreau n'ont vu que du feu.

Ce qui étonne un peu chez nous, ce sont des partis qui ont à peine de deux heures de naissance se sont lancés têtes baissées comme des lièvres deux mois après dans une bataille suicidaire, yeux fermés et mains liées, dont l'issue était incertaine vu qu'ils ne disposent même pas de militants sur le terrain ni de structures adéquates. Qui est-ce qui a fait courir nombre de ces partis sinon l'appât du gain immédiat des candidats qui se sont battus presque à mort où les affairistes de l'informel de tous bords ont monnayé fortement leur place en tête de liste. On apprend ici et là que certains ont dépensé des milliards de leurs poches en promettant monts et merveilles et en distribuant des billets à tout-va aux citoyens abusés. Au soir de la proclamation des résultats, nombre d'entre-deux étaient assommés.

C'est un amateurisme politique qui ne dit pas son nom. Un parti qui travaille pour le long terme doit d'abord bâtir des instances solides, construire de réelles bases à travers le territoire national et non se réveiller la veille des élections pour crier ensuite au scandale en constatant les amers résultats. Un parti qui n'est pas capable de trouver de vrais candidats militants à travers le pays, ne doit fatalement faire du remplissage à la va-vite en spéculant sur la théorie du nombre au détriment de la qualité. La politique, c'est une longue bataille dont le travail de proximité demande beaucoup de travail de fond et énormément de patience. On ne nait pas aujourd'hui pour prétendre légiférer 2 mois plus tard. Rien ne sert de courir, il faut partir à point selon la célèbre citation de La Fontaine.

A cela se rajoute cette pléthore de partis qui n'ont même pas tenu compte des articles 85 et 86 de la nouvelle loi électorale qui pourtant les anciens partis l'ont vu passer sous leurs nez et sous leurs barbes telle une lettre à la poste. Si des formations politiques n'avaient pas estimé les dégâts qu'allait provoquer cette loi dans leurs rangs, comment pourraient-ils alors comprendre des chiffres économiques dont les conséquences seraient graves pour le pays si jamais elles accédaient au pouvoir ? Elles ne se sont rendues compte que très tard après l'annonce des résultats qui ont été à tel point désastreux qu'un chef de parti songe déjà à dissoudre son parti nouvellement agréé.

Ces deux articles dissimulent une véritable astuce pour les partis qui ne dépassent par les 5% des suffrages au niveau de chaque wilaya. Imaginons le cas le plus défavorable où 3 partis obtiennent équitablement 5,1% des voix dans une wilaya, c'est-à-dire 15,3% en additionnant leurs voix. Si les 41 listes restantes obtiennent des résultats compris entre 0 et 4,99%, soit au total 84,7% ! Alors elles sont éliminées de facto quoique la somme de leur score respectif soit très largement majoritaire. Avec 84,7%, une majorité redevient miraculeusement une minorité à 0% et l'inverse est vrai. Une trouvaille algérienne à breveter.

Les majoritaires voient leurs voix disparaître dans les textes mais réellement s'envoler au profit des 3 partis qualifiés, sans aucune concession politique ni de préalables négociations, qui se partagent légalement et allègrement le butin par le bénéfice de cette légale touche terrible des 5%. Un parti à 5,1%, peut donc, dans cet exemple, s'accaparer par la magie de ces 2 articles le tiers des sièges à pourvoir ! Un report de voix presque offert gratuitement par les perdants. Ce qui n'est absolument pas le cas dans un scrutin majoritaire à deux tours. Le scrutin proportionnel qui est censé élargir la représentation à toute la classe politique devient plus sévissant que le vote de la majorité absolue.

Comme un malheur ne suffit pas, ce pourcentage éliminatoire dont il serait difficile à l'abroger va encore sanctionner à la hausse lors des prochaines élections des APC et des APW avec 7% au lieu et place de ces illustres 5% à travers les articles 66 et 67 qui risquent encore une seconde fois de jouer de mauvais tours aux postulants.

Si ces partis s'étaient alliés par famille politique avant de se précipiter dans le gouffre, ils auraient certainement raflé toute la mise. Mais, il faut reconnaître que d'autres ont été plus lumineux que ceux qui possèdent les mêmes programmes mais seul le leadership de leurs patrons, qui les rongent, les différencie. Ils ont échoué le plus souvent à cause du stratagème de cette loi. Ils sont appelés à aller refaire leurs classes tout en révisant leurs leçons et en revenant repasser leurs examens.

Il ne suffit pas de prétendre disposer d'une tête charismatique pour ambitionner construire virtuellement une formation politique. L'Algérie a besoin de partis dont les chefs ne lancent pas dans leurs meetings des formules magiques sortantes hasardement de leurs bouches gonflés à bloc sous l'effet d'hallucinations pour croire au miracle mais le pays exige des programmes réfléchis dont la conception demande des années et des années d'études et de travaux approfondis. Ceci est aussi valable pour les gagnants comme pour les perdants.

C'est pourquoi les Algériens qui avaient voté jeudi dernier ont été forcés à redoubler leur classe pour ne pas courir le risque dans une classe supérieure où la réussite soit en fin d'année hypothéquée. Quant aux abstentionnistes dont la plupart étant les jeunes, s'ils ne se sont pas déplacés aux urnes, c'est qu'aucun discours ne les émeut. Ils veulent du concret, pas des discours creux. Ils ont choisi de geler leur année en attendant de réels signes du changement promis pour enfin réagir à prendre la place du personnel qui a largement dépassé l'âge de la retraite et dont-il leur doit léguer urgemment le flambeau pour la pérennité de l'état et la paix en Algérie.