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Civilisations supérieures, civilisations inférieures

par Meriem Mahmoudi

«Chaque nation a ses mœurs, très différentes de celles des peuples voisins» [Fénelon]

Dès la plus haute antiquité, on recense d'intenses mouvements migratoires qui contribuent, progressivement, au peuplement du bassin oriental méditerranéen, au moins quarante siècles avant l'ère chrétienne. Ces populations organisent de véritables états avec toutes leurs structures et deviennent, par la suite, d'importants foyers de civilisation.

En parlant de civilisation, peut-on ne pas évoquer la civilisation grecque, romaine, égyptienne ?

L'importance de la civilisation grecque apparait plus grande encore, si on considère le nombre de siècles où elle garde sa vitalité. Nulle civilisation au monde n'exerce une influence aussi profonde et aussi étendue. Malgré les différences entre les cités, il existe, entre les communautés, de profondes affinités qui s'expriment à travers les traits suivants : beauté, équilibre, harmonie, puissance et richesse. La Grèce est la première nation (VIe siècle avant l'ère chrétienne) à connaitre et à pratiquer la démocratie. Chaque circonscription territoriale possède son assemblée, chargée de s'occuper des intérêts locaux. Nobles et roturiers, riches et pauvres peuvent y discuter en commun et sur un même pied d'égalité.

164-146 avant l'ère chrétienne, les Romains dominent toute l'étendue du monde occidental. Leur empire, d'une superficie de sept millions de kilomètres carrés, possède une population de quatre vingt millions d'habitants. Admirablement équipé, il a pour capitale Rome et pour axe la Mer Méditerranée. Rome, foyer actif d'une brillante civilisation, apporte, à tous les peuples qu'elle contrôle, les bienfaits de la paix, d'une législation unique et d'un système de mesures et de monnaie communs.

La civilisation égyptienne est l'une des plus anciennes et rivalise avec la civilisation grecque et romaine. Dans les documents historiques, nous apprenons que l'art égyptien est, avant tout, un art religieux et les seuls monuments qui nous soient parvenus sont des temples et des tombeaux. D'étonnants bâtisseurs, on reste frappé d'admiration devant l'immensité de leurs constructions. Architecture, sculpture, arts décoratifs sont réalisés avec une habilité remarquable. Quant à la peinture, elle met en scène des instants de la vie quotidienne. Ces fresques représentent une source inépuisable sur les mœurs des Egyptiens.

Avant de quitter l'Egypte ancienne, quel souvenir devons nous garder de son histoire, de sa société et de sa civilisation ? Un égyptologue contemporain nous répond : «société communautaire au temps des clans, autocratie de droit divin sous l'Ancien Empire, socialisme monarchique depuis la révolution, telles sont les étapes de l'histoire des institutions. Sous ses aspects successifs, la civilisation égyptienne nous laisse la vision d'un peuple dense, homogène de race et d'esprit ; sans être grand par le nombre, il éveille une impression de force, par son génie créateur et organisateur, son art robuste et volontaire, sa discipline intellectuelle, sa foi en la survie, son idéal de justice.

Poursuivant notre lecture, nous découvrons un point de vue plus concis de la part de l'auteur «à la période de la décadence, arrivent les Grecs, parmi d'autres étrangers. L'Egypte s'offrait à eux comme un conservatoire de la civilisation humaine, depuis ses origines : elle était la mère des sciences, de la religion et des institutions? dont la vie déclinante est miraculeusement conservée?» (1)

LA CORRESPONDANCE

Des hommes sages et réfléchis tentent de se rapprocher pour donner un sens à leur vie. Ils choisissent la correspondance, afin de rendre moins douloureux et pesant, l'éloignement, la séparation ou la solitude. De cette correspondance nait une amitié inaltérable. Le texte suivant nous donne une idée concise d'une amitié singulière : «nous sommes à Cordoue, en 1147. Un très jeune homme s'attache aux pas d'un adolescent plus âgé et se prend d'amitié pour lui. Tous deux s'intéressent à la poésie, aux sciences et à la philosophie. Très vite séparés par les évènements politiques, ils resteront amis et échangeront une correspondance érudite où ils trouveront réconfort et plaisir intellectuel, et ce, jusqu'à la fin de leur vie. Une histoire simple et qui serait presque ordinaire si ces jeunes gens avaient été ordinaires, mais le plus jeune était Maimonide et le plus âgé était Averroès.» (2)

A travers les nombreuses missives qu'ils se sont adressées, ils nous entretiennent de leurs gouts, de leurs occupations, de leurs lectures, de leur santé et celle de leur famille, de la société de leur époque et des évènements politiques. Ils expriment également leurs idées, sans omettre de faire des réflexions sur la destinée des hommes, et brossent un tableau de leurs mœurs et de leurs passions.

Dans un extrait d'une lettre intitulée' la crainte des Almohades contraint la famille du jeune Moshe ben Maimon ha ?Sefaradi de s'enfuir de Cordoue, on peut y lire : «voila trois mois que nous avons dû fuir pour préserver nos vies. Trois mois qui m'ont paru de longues années. Cordoue est distante comme un rêve? mon cœur est à Cordoue, si belle et si aimable? nous voyons de très belles choses ; partout s'étendent les oliveraies et les champs de blé. Mon père m'a expliqué que les innombrables plantations de grenadiers, de citronniers et de pêchers que nous avons pu voir comptent parmi les cultures nouvelles qui furent introduites ici par tes frères, les conquérants de l'Espagne. Encore une chose qu'il convient de porter à votre crédit.»(3)

En effet, la civilisation musulmane en Espagne, 711-1432, est l'œuvre de trois communautés, vivant en harmonie, bien qu'elles soient de confessions différentes. Suite à son effondrement, elle nous transmet un héritage reflétant son génie scientifique, philosophique, et littéraire portant des traces ineffaçables d?une tolérance unique au monde.

Un autre texte admirable témoigne de la tolérance religieuse, du rapprochement et de la compréhension de l'Autre, malgré les différences : «Cordoue une et unique ! C'est là que nous avons connu la vie de l'esprit et de l'intelligence ; c'est elle qui a su réunir mes frères et les tiens, car la paix ne peut s'instaurer entre choses opposées que par ce qu'elles ont en commun.»(4)

La longue missive se termine ainsi : «Abul-Walid, mon frère, je te fais la promesse d'écrire lorsque je le pourrai, afin que nos entretiens se poursuivent même lorsque nous ne serons plus jeunes, l'un et l'autre.»(4)

Nous soumettons à votre lecture un fragment de lettre rédigé par Abul-Walid : «j'ai été empli de joie et de peine en recevant ta lettre : la peine pour cette douleur qui vous accable dans votre errance et la joie parce que je constate que le lien qui nous unissait n'est pas altéré?(5) «que Dieu te préserve ta santé et celle de ta famille. J'espère que ces temps difficiles seront rapidement révolus et que notre Andalus redeviendra ce qu'elle était.»(6)

Faut-il rappeler qu'en Espagne, à l'époque de nos deux savants «l'arabe était la langue de la rue, du commerce et de la culture. Les juifs lettrés lisaient des livres arabes de philosophie, de sciences et de littérature. Ils écrivent eux-mêmes en arabe de nombreux ouvrages, sans que leur sentiment d'appartenance au peuple juif en ait été le moins du monde affecté.» (7)

LES VOYAGES FAVORISENT LE RAPPROCHEMENT, LA CONNAISSANCE ET LA COMPREHENSION DE L'AUTRE

La connaissance de l'Autre qui est presque inexistante, commence à se frayer un chemin parmi les peuples, grâce aux voyages. Des navigateurs intrépides et impétueux s'élancent à l'aventure ; défiant l'inconnu, ils sillonnent les mers et les océans, bravant tempêtes et furie des flots tourmentés. Leur audace leur ouvre la route des Indes d'où ils rapportent les épices et des plantes aromatiques. La route de la soie, permet aux voyageurs de découvrir pour la première fois, la chenille, le cocon, le fil de soie, matière dont seuls les Chinois détiennent le secret.

On ne voyage pas seulement dans le but de commercer mais pour s'instruire, d'établir des relations avec l'Autre et satisfaire sa curiosité. Autrefois, voyager représente la dernière étape et le complément d'une bonne éducation. L'auguste Ibn Khaldun conseille à ses étudiants d'entreprendre un périple qui les conduirait de l'Espagne musulmane, en Egypte, en Syrie, et à Jérusalem, en passant par l'Afrique du Nord. Dans la société anglaise, on juge que l'éducation d'un jeune homme n'est parfaite que si elle est couronnée par le grand tour.

L'ETUDE DES LANGUES ETRANGERES

Les carnets de voyage font apparaitre au grand jour des peuples demeurés longtemps mystérieux au regard de l'Autre. Le récit de leurs mœurs, de leurs coutumes et de leur vie quotidienne offre la tentation de partir, de faire la connaissance de cet Autre si différent et qui pourtant nous ressemble. L'homme est l'ennemi de ce qu'il ignore.

Enseigne une langue et tu éviteras l'absurdité d'une guerre.

REPANDS UNE CULTURE, TU RENDRAS UN PEUPLE AUPRES D'UN AUTRE POPULAIRE. (8)

L'idée de la compréhension de l'Autre, de sa culture, de sa civilisation aurait commencé par les voyages entre la France et l'Allemagne. Cet échange impose l'apprentissage de la langue : aussi se met-on à apprendre le français et l'allemand, dès le neuvième siècle. Au dixième siècle, on étudie l'anglais. L'apprentissage des langues étrangères concerne, tout au début, celui des pays appartenant à la même sphère culturelle.

«Vers 1700, on devait aller en Hollande, dans la province d'Utrech, pour y apprendre l'arabe et le persan. A la fin du XVIIIe siècle, au début du XIXe, le Collège de France attire ceux qui veulent étudier les langues du Proche et de l'Extrême-Orient, et pour qui, on a fondé l'Ecole des langues étrangères.»(9)

Aller d'un pays à un autre exerce un attrait irrésistible sur l'homme qui découvre des terres lointaines, va à la rencontre d'autres gens, fait leur connaissance, et partage avec eux leur façon de vivre. A son retour, le voyageur publie des récits édifiants et bien exaltants. C'est le cas de Marco Polo, un négociant vénitien qui séjourne en Chine près de vingt ans (1275-1291) Après son retour, il publie une description de tout ce qu'il a observé. Son ouvrage, écrit en français et intitulé' le livre des merveilles' rencontre un grand succès. A travers le récit de ses excursions, il célèbre la civilisation des régions qu'il visite et révèle au lecteur, les mœurs, les activités et les richesses des peuples d'Extrême-Orient

Le grand voyageur qu'est Ibn Batouta, un des plus intrépides du Moyen Age, (1304-1369), n'a pas rédigé lui-même les récits de ses vingt huit années de pérégrinations en Afrique, au Proche-Orient, en Asie et en Europe. C'est Ibn Djozay qui écrit le récit des souvenirs d'Ibn Batouta. L'explorateur ne rapporte pas seulement les descriptions intéressantes de peintures des mœurs, mais des détails sur l'industrie et le commerce des pays visités. Cet ouvrage témoigne des mœurs, des idées et de la pensée des Arabes du 8è siècle de l'Hégire et constitue un intéressant monument de la science géographique de ces mêmes Arabes.

Des hommes de lettres, en quête d'inspiration et de dépaysement, parcourent bien des contrées lointaines. Les Anglais, déprimés par le brouillard et le spleen du Royaume Uni, vont en Italie «son soleil, ses femmes et ses monuments a exercé, sur l'Angleterre un prodigieux envoutement, et l'on citerait plusieurs sujets de Sa Majesté britannique qui préfèrent la vie outremonts aux brumes de leur pays.»(10)

LES HOMMES ET LEURS TEMOIGNAGES

Se saisissant de leur sac et de leur bâton de pèlerin, allant où il leur plait d'aller, se reposant à leur guise, se détourant de leur route au moindre caprice, des hommes célèbres partent à l'aventure. «Le XVIIIe et XIXe siècle, ont connu un type de voyageur particulier : riche et excentrique, se sentant partout chez lui ou plutôt mieux parmi les autres que chez les siens ; William Thomas Beckford, le prince Pucller-Muskau ont témoigné, dans leur récits de la facilité avec laquelle, ils s'adaptaient aux mœurs étrangères. On se transportait alors d'un pays à pays (la Russie exceptée) sans être victime de tracasseries bureaucratiques, policières et douanières. Et l'on se fixait où l'on se plaisait sans avoir à exhiber un contrat de travail.» (11)

Déjà, à l'époque médiévale, le célèbre Ibn Khaldun évoque le mode de vie des peuples et souligne que celui-ci est caractérisé, en grande partie, par les ressources naturelles et le climat des pays qu'ils habitent. Il exprime ainsi, sur les individus et les sociétés, des opinions qui en font un précurseur des idées modernes actuelles, notamment celles de Montesquieu.

Dès la fin du XVIIe siècle, les récits de voyages sont à la mode. Jean-Baptiste Tavernier (1605-1689) transporte ses lecteurs en Turquie, en Perse et en Inde. Il raconte : «les six voyages qu'il a faits?, pendant l'espace de quarante ans et par toutes les routes que l'on peut tenir, accompagné d'observations particulières, sur la qualité, la religion, le gouvernement, les coutumes et le commerce de chaque pays, avec les figures, le poids et la valeur des monnaies qui y ont cours.» (12)

La peinture de ces civilisations étrangères nous permet d'avancer que, «les usages occidentaux, loin d'être universels, et seuls raisonnables, n'étaient plus que des coutumes particulières : il y avait, en Asie, des peuples non pas inférieurs aux Européens, mais différents d'eux en toutes choses ; leurs mœurs n'étaient pas absurdes. Elles s'expliquaient logiquement par le milieu et le climat de chaque peuple.» Se saisissant du thème, Montesquieu affirme à son tour que : «plusieurs choses gouvernent les hommes : le climat, la religion, les lois, les exemples des choses passées, les mœurs et les manières. La nature du terrain fertile ou stérile agit sur les lois.»(13)

Dès la moitié du XVIIe siècle, Fénelon (1651-1715), un homme de religion à l'esprit ouvert, large, aussi large que l'horizon, reconnait les peuples dans leur diversité sociale et culturelle ; ces idées originales à l'époque, sont conçues et énoncées clairement: «chaque nation a ses mœurs, très différentes de celles des peuples voisins» Il a,également, le sens des différences entre les époques. Il écrit : «un historien qui représentera Clovis entouré d'une cour polie, galante et magnifique?.il sera faux pour les mœurs de toute une nation. Les Francs n'étaient alors qu'une troupe errante et farouche, presque sans lois et sans police, qui ne faisaient que des ravages et des invasions. Il ne faut pas confondre les Gaulois polis par les Romains avec ces Francs si barbares.»(14)

Voltaire suivra les traces de Fénelon et de Montesquieu et souligne la relativité des coutumes, des croyances : il écrit : «tout diffère entre les Orientaux et nous : religion, police, gouvernement, mœurs, nourriture, vêtements, manière d'écrire, de s'exprimer et de penser? »(15)

L'INFLUENCE DES VOYAGES

C'est autour de l'an 1700 que le Français Antoine Galland met la main sur des manuscrits des Mille et Une Nuits (Alf laylah wa laylah). Il en fait une traduction, la toute première dans une langue européenne, qu'il publie en 1704. Ces contes font rêver tant de lecteurs occidentaux, excitent l'imagination et constituent une source si féconde d'inspiration. Les écrivains reprennent conscience des apports de la civilisation arabo-islamique et mettent en exergue la féconde interpénétration des cultures et des civilisations. La traduction de Galland, dans toute l'Europe soulève immédiatement un grand enthousiasme et on assista à l'éclosion de toute une littérature narrative, de livres de contes destinés à l'éducation des enfants ou à leur distraction. Très vite, les personnages d 'Ali Baba, de Sindbad le marin, le héros légendaire des Mille et une nuits, d'Aladin deviennent très populaires Le plus grand écrivain, Voltaire se passionne pour les Mille et une nuits pour écrire, à son tour, des contes philosophiques ou satiriques. On retient cette remarque de sa part : «ainsi le fonds est partout le même, et la culture produit des fruits divers.» (16)

Montesquieu s'en inspire également et écrit les lettres persanes, un roman qui fait la satire de la société française.

En 1754, parait une revue de presse intitulée le Journal étranger qui déclare avec enthousiasme «de faire passer dans la langue française toutes les richesses de l'Univers., le point commun de réunion où toutes les connaissances acquises viennent s'éclairer mutuellement, où les génies des diverses nations viennent se réunir pour instruire l'univers?» Et de renchérir : «la bonne volonté est évidente, mais les temps n'étaient point propices, puisque, tout en reconnaissant les goûts des autres nations, la France prétendait à la palme en faveur du sien.»(17)

C'est seulement dans la moitié du XVIIe siècle, que l'Europe apprend à connaitre scientifiquement l'Islam et un peu la Chine. Tout au long du XVIIIe siècle paraitront les Lettres Edifiantes et curieuses des missionnaires, en Syrie, en Égypte et au Liban et en Extrême-Orient. On admire la tolérance envers les missionnaires : ceux-ci découvrent avec surprise la tolérance des Musulmans qui considèrent Jésus comme un prophète, respectent Marie et n'admettent aucun blasphème à leur encontre. «Quant à la sagesse chinoise qui émerveille les missionnaires jésuites, elle stimule aussi la réflexion critique. Bien que privés de la Révélation, ces disciples de Confucius avaient des mœurs pures et un état politique admirablement organisé.» (18)

Partout où il se pose, le regard des missionnaires est fasciné. Dans l'ensemble, la civilisation chinoise reflète une haute spiritualité et dégage une poésie intense. La religion, l'histoire, la littérature, inspirent tour à tour les peintres, les poètes et les architectes. Les Chinois excellent dans les arts décoratifs. Le gout des courbes inattendues et l'enchevêtrement des lignes brisées caractérisent cet art, sauf dans la céramique où l'usage du tour impose la symétrie. La laque est un autre triomphe de l'art décoratif chinois, ainsi que les soies et les broderies à tons éclatants.

Le célèbre sinologue français, Stanislas Julien,1797-1873, affirme que la porcelaine est inventée en Chine 206 ans avant l'ère chrétienne. Au XVe siècle, elle atteint son apogée. Parmi les plus célèbres, il cite les porcelaines provenant du service impérial, c'est-à-dire à couvercle jaune-citron et décorées du dragon à cinq griffes,? les porcelaines à mandarins? l'esprit du décor chinois influencera pour longtemps les arts décoratifs européens.

Dans le sillage des missionnaires, André Malraux, 1901-1976, part en mission archéologique pour l'Indochine, puis voyage au Cambodge et en Chine. Quelles impressions rapporte-t-il de ce pays ? «Longtemps mal connue, mystérieuse, repliée sur elle-même, la Chine a vu, non sans hostilité du reste, arriver ?les diables étrangers' qui cherchaient à commercer avec elle ou à la convertir. A la suite des marchands, des curieux et des missionnaires se sont infiltré des idées d'Occident.»

«Qu'apporte aux Chinois lettrés, imprégnés d'une culture et d'uns sagesse millénaire la culture européenne, si jeune par rapport à la leur. Quelle tentation leur offre-telle ?

«Blanc ou jaune, l'homme rêve, mais quand le Blanc rêve c'est de gloire et d'action alors que le Jaune recherche le calme, la sérénité. L'un aspire à se dépasser, l'autre à se fondre dans l'univers, à s'accorder à son rythme. L'un veut empoigner le réel, l'autre veut atteindre la paix.» (19)

L'intolérance, l'injustice et de rejet de l'Autre, pour ces étrangers à demeure provoquent bien des remous au sein des sociétés occidentales. Ces gens qu'on accepte, un jour, et dont on ne reconnait pas l'efficacité, font partie de la population. Le devoir de l'Etat est de les protéger et d'empêcher les querelles théologiques. Montesquieu combat l'intolérance religieuse et le souligne avec hardiesse pour l'époque : «lorsque les lois d'un état ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu'elles les obligent à se tolérer entre elles» (20)

Toute sa vie, le fulgurant Voltaire se bat pour les libertés et tolérance universelles, ce qui lui vaut les lettres de cachet, l'emprisonnement à la Bastille et même l'exil. Dans une diatribe virulente, il conclut que «l'intolérance est la pire erreur politique.»

L'humiliation, le harcèlement doivent faire place à la tolérance universelle, à l'acceptation de l'Autre et il ajoute : «je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères ; quoi ! Mon frère le Turc ? Mon frère le Chinois ? Le Juif ? Le Siamois ?- Oui, sans doute, ne sommes nous pas tous enfants du même père et créatures du même Dieu ?»(21)

Vivre ensemble ne sera pas un vain slogan dans une société où domineront la compréhension, la reconnaissance de l'Autre, le respect mutuel des différences, de l'éthique et des valeurs de la terre d'accueil.

Toutes ces nations au passé glorieux, aux civilisations rayonnantes se désagrègent au fil des siècles et s'écroulent massivement. Ibn Khaldun nous apprend que dans l'antiquité, les cités grecques se trouvent aussi périodiquement en butte à des crises monétaires qui provoquent des troubles. Elles inventent même un expédient qui y remédie, tant bien que mal, dans l'abolition de la dette, mesure révolutionnaire, que l'on voit souvent revenir, au cours de leur histoire.

En ce début du XXIe siècle, Le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et l'Egypte connaissent un ensemble d'évènements malheureux qui précipitent leur faillite et provoquent leur chute.Frappées de plein fouet par la crise économiques, ces nations constatent amèrement le lamentable échec de leur régime politique, de leur stratégie agricole, souvent aggravée par les conditions climatiques, l'effondrement de leur finance. Aurons-nous le temps d'assister à la restructurer de ces pays, et de les voir, avec soulagement, renaitre de leurs cendres ?

Bibliographie :

1 :D'après A.Moret, le Nil de la civilisation égyptienne Albin Michel Editeur.

2, 3, 4, 5, 6,7 Ili Gorlizki, présentation Colette Sirat, Maimonide-Averroès, une correspondance rêvée ? Maisonneuve &Larose, p 5, 14, 15, 17, 26,7.

8 : texte de Naïm Boutanos

9, 10, 11,17: P. Brunel, Cl. Pichois, A-M. Rousseau, qu'est-ce que la littérature comparée ? Armand Colin-collection U, p 39,34, 49

12, 13: André Lagarde et Laurent Michard, XVIIIe siècle, les grands auteurs français du programme, Editions Bordas, p 13,95.

14 : XVIIe siècle, Fénelon, article la couleur historique, p 432

15 16, 21, XVIIIe siècle, Voltaire, p 156,116.

18 : XVIIIe siècle, p 14.

19 : Malraux, la tentation de l'Occident Brodard et Taupin, 6 place d'Alleray Paris,

20 : Montesquieu, XVIIIe siècle, p109-110