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Dégagez de la Palestine, à vous le Birobidjan

par Redha Amezrar

«La Région Autonome Juive du Birobidjan avait été créée par Staline il y a 75 ans comme une alternative à la Palestine et au projet des gangsters sionistes en Israël»

A part quelques initiés, tout le monde a ignoré, et ignore toujours, qu'il existe une «république autonome juive», installée il est vrai sur un territoire inhabité de l'URSS. En 1928 (donc vingt ans avant la création de l'Etat préfabriqué d'Israël), sur proposition du président Mikhaïl Kalinine, Staline décide de créer à 8 400 kilomètres de Moscou, au Birobidjan, région perdue, marécageuse et désertique de l'Extrême-Orient sibérien, près de la frontière avec la Chine, une « entité nationale juive », avec le statut de terre d'accueil pour les Juifs d'URSS. En 1934, le Birobidjan reçoit son statut officiel de région autonome juive. En 1937, on y compte 37 000 Juifs.

Le Birobidjan n'est pas un « Etat juif », mais une « autonomie » plus ou moins relative selon les époques, où la population est juive et la langue officielle yiddish ? largement enseignée jusqu'en 1948 ? sont peu à peu devenues quasiment fictives. Après l'implosion de l'URSS en 1991, un grand nombre de ses habitants a émigré en Israël, en Europe ou aux Etats-Unis. Aujourd'hui, la population serait d'environ 5 800 personnes d'origine ou de religion juive ? sur un total de 200 000 ? et un petit mouvement de retour semble s'esquisser (environ 150 personnes depuis ces dernières années).

La Région (ex-république) autonome juive du Birobidjan, ainsi qu'on l'appelait jusqu'en 1996, était l'un des quatre-vingt neuf « sujets » de la Fédération de Russie, formée après la dislocation de l'URSS.

Elle devait être intégrée le 1er mars 2008 à la région de Khabarovsk. Ce regroupement fait partie d'une réforme en cours, dont la caractéristique est de dissoudre des régions et districts de petites minorités ethniques dans des ensembles administratifs régionaux, ou encore de regrouper les villes de Moscou et Saint-Pétersbourg avec leurs régions environnantes de Moscou et Leningrad (l'ancien nom de la ville est resté pour la région). Cette réforme se fait au nom de la « rationalité » économique et administrative. A l'automne 2007, il n'y avait déjà plus que quatre-vingt cinq « sujets » (au lieu de quatre-vingt neuf).

Le Birobidjan avait été créé après des tenta tives infructueuses en vue d'établir un territoire juif dans d'autres régions, notamment la Crimée (Ukraine) où des communes agricoles juives s'étaient formées, dont certaines ont d'ailleurs subsisté jusqu'à la deuxième guerre mondiale. Mais, dans ces régions, la création d'une république juive rencontrait de fortes oppositions locales. Au point que le projet criméen, relancé après 1945 et encouragé par les Juifs américains, fut l'un des prétextes de la répression déclenchée par Staline en 1948 et qui dura jusqu'à sa mort en 1953.

La création d'un territoire juif en URSS, dont l'idée remonte à 1917, a souvent étonné : elle apparaît comme une version soviétique du « sionisme », alors que celui-ci y était condamné. Il n'en est rien : le projet diabolique sioniste visait la terre historique de Palestine, alors qu'en URSS la politique officielle consistait à former des territoires à titulaires ethniques : il en fut de même pour les Allemands de la Volga, les Tatars de Crimée ou de Kazan, les Abkhazes et les Ossètes de Géorgie installés en « autonomies » sur la terre de leurs ancêtres. D'autres minorités sans territoire le sont restées : les Grecs par exemple, ou les Coréens.

La « curiosité » du Birobidjan est qu'il a été installé dans une région d'Extrême-Orient où ne vivaient pas de Juifs auparavant. S'il s'agissait, pour Staline, après l'émancipation des Juifs par la révolution bolchevique, de créer une république juive de nature à satisfaire l'aspiration nationale de certains d'entre eux, d'autres observateurs privilégient la volonté de les éloigner et d'en profiter pour peupler une région stratégique, aux frontières de la Mongolie et, au-delà, de la Chine. Cette opération s'explique aussi par le contexte des années 1920-1935, favorable à un certain fédéralisme et au développement des cultures nationales, avant que Staline n'impose centralisme et russification ? ce qui n'a pas empêché l'URSS de conserver sa diversité linguistique.

Les Juifs russes, grand vivier de peuplement pour l'entité sioniste, la boudent désormais. Ils préfèrent rester en Russie (où sans doute aller au Canada ou aux Etats- Unis maintenant qu'ils ont le choix de leur destination). C'est ce qui ressort d'une dépêche diplomatique révélée par WikiLeaks.

L'immigration juive vers la Russie en provenance d'Israël a largement excédé celle de Russie vers Israël. Un grand Rabbin israélien est paru impressionné par le niveau de l'immigration à rebours d'Israël vers la Russie, affirmant que seulement 1 000 Russes ont émigré en Israël l'an dernier.

En soi, cette nouvelle est très mauvaise pour les gangsters sionistes car elle interdit pratiquement tout espoir de maintien d'une supériorité démographique juive en Palestine occupée sur le long terme. Car ce ne sont pas les Juifs français ou Britanniques qui vont faire leur prétendu retour à Sion par dizaines de milliers. Et dans les situations coloniales, le facteur démographique est absolument décisif.

L'autre mauvaise nouvelle pour les sionistes coloniaux, c'est que des juifs qui sont venus de Russie squatter la Palestine sont nombreux à décider de rentrer chez eux, c'est-à-dire en Russie, au Birobidjan en particulier.

Le Birobidjan, c'est cette région autonome de Russie qui avait été attribuée aux Juifs russes perçus comme une nation sans Etat. Cette nation n'est, bien entendu, pas la prétendue nation formée par l'ensemble des Juifs de la planète, mais celle que formeraient les Juifs russes. Cette identification nationale étant associée à une langue commune aux Juifs et qui n'est pas l'hébreu mais le yiddish.

D'où un certain renouveau du Birobidjan qui végétait depuis un certain temps et où les Juifs tendent en réalité à s'assimiler en douceur à leurs compatriotes Russes non Juifs. Et c'est l'échec d'un chargé de mis(s)Sion venu essayer d'inculquer ou ré inculquer aux Juifs leur qualité de peuple séparé (en vertu prétendue de leur statut de peuple élu !!!).

Alors le Birobidjan est-il une alternative à la Palestine pour les Juifs en quête de patrie? Oui si ce sont des Juifs de Russie ou des Juifs qui veulent devenir Russes. Non pour les autres dont les patries se nomment Roumanie, France, Ukraine etc.

Pourquoi certains Juifs préfèrent vivre en Birobidjan plutôt qu'en Israël ? Birobidjan, dans la région autonome juive de l'extrême orient russe, avait attiré des Juifs yiddishophones avant que Staline ne se tourne contre eux. Des réfugiés commencent à revenir d'Israël.

A première vue, Birobidjan ressemble à n'importe quelle ville de Sibérie, avec sa statue massive de Lénine, son monument de la seconde guerre mondiale, et ses immeubles d'habitation délabrés de l'ère soviétique. Puis vous remarquez qu'il y a des symboles juifs partout, depuis l'immense candélabre qui domine la grande place à l'immense panonceau qui souhaite la bienvenue aux visiteurs du ?Birobidjan? en yiddish.

Ces symboles rappellent que ce territoire sibérien limitrophe de la Mandchourie et à sept fuseaux horaires de Moscou est une république juive. La Région Autonome Juive avait été créée par Staline il y a 75 ans comme une alternative au projet sioniste en Israël. Pas moins de 18 000 Juifs s'y établirent. Au début, elle connut la prospérité, avec des théâtres yiddish, des écoles et de nombreux journaux, mais Staline éliminera rapidement la majorité des élites. Les Juifs qui le purent s'enfuirent. La dernière synagogue de Birobidjan a brûlé dans les années 1950 et actuellement, à peine 6 000 des 200 000 habitants de la région se reconnaissent juifs.

Mais le rêve juif en Sibérie n'est pas tout à fait mort, et la région connaît en ce moment un léger renouveau, grâce aux Juifs qui arrivent d'Israël.

Au complexe communautaire central juif rutilant, qui comprend une synagogue construite il y a cinq ans, Oleg Oroshko, un travailleur du bâtiment âgé de 60 ans qui a passé une dizaine d'années en Israël, explique pourquoi il est rentré au pays. ?C'était la pagaille en Russie et nous ne voyions pas d'avenir pour nos enfants alors nous sommes partis, mais nous étions des étrangers là-bas [dans l'entité sioniste, NdT]. Ici, c'est chez nous.? L'optimisme ici est nourri par le boom des exportations de produits agricoles et de matières premières vers la Chine voisine. Mais

Boris Kotlerman, qui enseigne à l'université Bar-Ilan de Tel Aviv et combat les néo sionistes, a animé ici pendant deux ainsi un programme yiddish destiné aux universitaires, programme qui s'est essoufflé l'été dernier. ?La république juive a un bon potentiel pour un grand renouveau, mais les autorités maintiennent le statu quo? Elles ne sont pas vraiment intéressées à le stimuler,? déclare Kotlerman joint par téléphone en Israël. Ces dernières années, la Russie a cherché à incorporer ses régions à minorités ethniques dans des régions plus vastes, dominées par l'élément russe.

Pourtant, Roman Leder, responsable de la communauté juive ici, affirme que 80 familles sont parties l'an dernier mais que 120 autres sont arrivées. Il ajoute que d'autres reviendraient si elles en avaient les moyens. ?Il y a dix ans, je vous aurais dit que c'était une expérience ratée, mais plus maintenant. Le renouveau juif est manifeste. A l'avenir, nous pourrions même devenir le centre mondial pour le yddish, qui sait??

Rapidement après la création de cette région par Staline, des Juifs vinrent du monde entier pour construire leur propre version du paradis des ouvriers avec le yiddish en partage, ce mélange en voie d'extinction d'hébreu et d'allemand qui s'écrit en caractères hébraïques et était parlé autrefois par des millions de Juifs européens.

?C'était le contraire de Babylone. Avec la destruction de Babylone, les gens ne se comprenaient plus entre eux, tandis qu'ici, les gens arrivaient de 14 pays différents et communiquaient entre eux avec une seule langue: le yiddish,? explique Yosef Brenner, un éminent historien local.

« La Palestine ne nous appartient pas, nous devons saisir cette chance d'avoir au moins une terre accueillante ou tous les juifs puissent vivre en paix, communiquer dans leur langue ancestrale et pratiquer leur Religion. Le Birobidjan est notre salut, c'est comme ça qu'on peut barrer la route à la vermine sioniste qui n'a rien à voir avec l'orthodoxie juive.» déclaration d'un éminent docteur du culte israélite.