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Livres : les défis démocratiques

par Belkacem AHCENE DJABALLAH

«LE DEFI DEMOCRATIQUE» Ouvrage collectif. NAQD, revue d'Etudes et de Critique sociale), n°29 Alger, 2011 (Automne-Hiver) 213 pages en français, 120 pages en arabe, 500 dinars

La revue Naqd n'est plus à présenter. En tout cas, à ceux qui aiment les études   et la critique sociale. Elle a su s'affirmer auprès de la communauté universitaire et scientifique par ses analyses toujours d'actualité ?et, bien souvent, devancières en bien des domaines. Créée par Said Chikhi, un universitaire, sociologue plein de promesses, décédé trop tôt, elle est, aujourd'hui, à son 29è numéro. Un numéro qui tombe à pic avec tout ce qui se prépare en politique, chez nous, et avec tout ce qui s'est passé alentour, dans le monde arabe dont on est, malgré tout, si proche? et avec tout ce qui se déroule actuellement comme perturbations en Afrique sub-saharienne. Le titre du n°29 titre en dit long : «Le défi démocratique». Plusieurs études et analyses : Onze spécialistes en tout (Brossat, Galissot, Elsenhans, Chahal, Mouaquit, Ouachrine, Kadri, Ivekoviç, Kchir-Bendane, Aboullouz, Ouannes), auxquels il faut ajouter des documents : Une «lettre aux citoyennes et citoyens algériens», assez sociale, anti-pouvoir de Mohamed Harbi? datant de mars 1989 (étant à l'APS en tant que DG, et ce jusqu'en mai 1990, je ne me souviens pas l'avoir reçu? et encore moins «censuré» ou demandé à ce qu'elle le soit, comme cela est affirmé au bas de la page 201. Pas grave ! De toute façon, la longueur du texte n'entrait pas dans le format des dépêches de l'Agence). Aussi, un «Appel à l'intelligentsia européenne et nord-américaine» du Prince Kum'a Ndumbe III, écrivain camerounais qui a longtemps enseigné dans les universités européennes,? afin qu'elle (la sus-citée intelligentsia) «éclaire la cécité de certains de ses leaders politiques détenant les leviers du pouvoir et devenus des chefs de guerre dont le seul langage avec l'Afrique reste la force brutale».

Daho Djerbal, le directeur de la publication a présenté l'ouvrage? et, on peut, dans sa conclusion, «saisir» l'orientation générale des contributions, toutes de haut niveau : Pour lui, «La «démocratisation» (issue de la «gigantesque émeute». Il parle du «Printemps arabe»)? est un mouvement aussitôt saisi par le dispositif impérial se trouve absorbé, récupéré, optimisé par les mécanismes de sécurité de la machine globale aux fins d'une «modernisation» limitée, molle, des rapports de pouvoir dans cette aire. Bref, la «démocratisation» comme un antidote au mal absolu ? la révolution?». Assez décourageant, donc, pour tous ceux qui sont, involontairement ou non, «mysthifiés» par le «mythe» démocratique, ce nouveau cadeau impérial?iste. A défaut de révolution, faites des réformes ! C'est amplement suffisant. Merci du conseil !

Devant la rareté de publications d'études, d'analyses et de critique sociale? et autres de haut niveau scientifique, à lire absolument. Et, pour ceux qui veulent devenir plus critiques, et ne plus être pris entre le marteau des «révolutionnaires» et l' enclume des «démocrates», il faut très vite s'abonner pour ne rien rater. Même si vous n'êtes pas d 'accord, et surtout si vous ne l'êtes pas, avec les auteurs ou avec les contenus. C'est ça la démocratie !

Algérie : Chroniques d'une expérience postcoloniale de modernisation. Débats et réflexions? Recueil d'articles et d'études. Ouvrage de Lahouari Addi editions Barzakh, Alger 2012 334 pages, 700 dinars

On l'a connu surtout lorsque les «démocrates» l'ont voué aux gémonies lorsqu'il a avancé la thèse de la «régression féconde» à propos de l'arrivée (certaine) des islamistes du Fis (parti aujourd'hui dissous) au pouvoir. Cela lui a collé aux basques durant près d'une décennie. L'Algérie est le pays où la fabrication d'étiquettes est la plus prolifique, impossibles à décoller. Sans renier les fruits de ses analyses du «coup d'Etat» de janvier 1992, toujours magistralement menées, comme il sied à tout bon et vrai universitaire et intellectuel, il est revenu à la charge, tout particulièrement à travers des écrits publiés, surtout à partir de 1999, dans la presse nationale... Il a surtout fait le «buzz» et un retour en sympathie (auprès des «démocrates») le 24 juillet 2008, après un échange de «bons mots», dans Le Soir d'Algérie, avec l'actuel ministre de l'Intérieur, qui s'exprimait alors en qualité de président de l'Association nationale des anciens du Malg. Sujet : La privatisation de l'Etat et la cooptation des élites Phrase-clé :... que l'on se répète encore dans les arrières ?salles des cafés maures. «En 1962, vous étiez déjà préfet à Oran quand j'étais lycéen; je vais bientôt partir à la retraite et vous êtes encore ministre». C'est tout dit. C'est bien dit. C'est bien compris? cinq sur cinq !L'ouvrage commence d'ailleurs par ce fameux «papier». Une belle «accroche» (ou «attaque», comme on dit dans la presse) Tout le reste est de la même veine fertile en critiques, en analyses et, heureusement, en propositions : sur le rôle politique de l'armée en Algérie, sur les langues, sur le système social : idéologie, histoire, politique, cinéma? et des «lectures hebdomadaires de la crise en Algérie» (ici, cela va d'une réponse à Djamel Labidi à l'interminable conflit du Sahara occidental en passant par les excuses demandées à la France pour les crimes commis durant la guerre de Libération et la plus grande mosquée du monde au pays des harraga). Et, en guise de conclusion, un texte récent, de décembre 2011, à propos de «la crise des régimes autoritaires arabes» : les origines des régimes autoritaires, les limites du modèle populiste, le nouveau cycle du nationalisme avec la fin des régimes autoritaires? Une sorte de retour à la case départ où "les leaders étaient socialisés dans des combats politiques nationalistes et non pas, comme leurs héritiers, des gestionnaires voulant tirer profit personnellement des situations?" Pas si sûr, à mon sens? car la «régression inféconde», fille de la «bête immonde», est toujours là, aux abois.

L'auteur est (actuellement) professeur à l'IEP de Lyon et chercheur au CNRS français. Il a longtemps enseigné à Oran et aux Etats Unis. Un universitaire comme on n'en fait plus? Un intellectuel qui fait bouger, concrètement, les «lignes» et qui crée du «sens». Il est vrai que «le doigt dans les plaies» du pays ne plaît que rarement aux tenants des pouvoirs et à leurs serviteurs, membres de la médiocratie universitaire nationale. A lire et à re-lire. Mais, soyez, vous aussi, très critiques. C'est ça la démocratie !

Il y a, aussi, Monde arabe et Occident : Choc des civilisations ou stratégies d'hégémonie ??

Actes du colloque international du 2 novembre 2008, tenu à Alger lors du 13è SILA. Editions Anep, Alger, 2009