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Günter, le poème et Israël

par Abdelkader Leklek

Souvent les critiques, les analystes, les lecteurs et les bouquineurs se méfient des productions littéraires tardives, dussent-elles émaner d'auteurs célèbres, comme un prix Nobel de littérature.

En l'occurrence, il s'agit de l'écrivain, romancier, poete, dramaturge, graphiste sculpteur, graveur, peintre, et illustrateur, allemand Günter Grass, et de son texte intitulé :«ce qui doit être dit». Ce poème en prose, avait été publié le 04 avril 2012, simultanément dans trois grands quotidiens européens à grand tirage, un allemand, un espagnol et un journal italien. Ce qui au final fait beaucoup de monde à la réception. Mais les récepteurs les plus outrés, les plus froissés, ne sont pas forcément ceux auxquels on pense. Ce furent les israéliens. Pourquoi ? Le poète s'interpelle lui-même, sur son silence, qui dura jusqu'à la publication du poème, d'un coté. Et de l'autre, les lecteurs les plus attentifs ont noté, dans les vers en prose, la manifeste menace de la paix dans le monde, que représente réellement, le surarmement, la possession avérée de l'arme nucléaire, et les attitudes outrageusement belliqueuses d'Israël. Cette observance complice, absolue, constante et universelle, de silence, par opposition au vacarme, à la clameur, au tapage, aux avertissements, aux protestations, et autres polémiques, quand il s'agit du programme nucléaire de l'Iran, questionne, dira le poète. En vieux loup flairant les hostilités Günter Grass, dans son texte, répond sans rechigner à ceux qui douteraient des œuvres tardives d'artistes vieillissants, par cette strophe :'' Pourquoi ai-je attendu ce jour pour le dire, vieilli, et de ma dernière encre : La puissance atomique d'Israël menace une paix du monde déjà fragile ? Parce qu'il faut dire, ce qui, dit demain, pourrait déjà l'être trop tard''. Et il justifie ce mutisme et ce retard de dire la vérité, par la victimisation, tous les jours ressassée, et partout dans le monde de l'état d'Israël, par des professionnels de la communication. Et dont la cause, et l'origine, montées en épingle, est la responsabilisation de l'Allemagne, et par effet d'entraînement, la culpabilisation de tous les allemands. Bien sur, le poète,série et détaille les astreintes au sens juridique, les dettes, les cens et les compensations, que son pays est obligé d'honorer,à terme échu. La dernière compensation selon Günter, et qui le dit aussi en prose, est ceci :«Mais à présent. Parce que de mon pays, régulièrement rattrapé par des crimes qui lui sont propres, sans pareils, et pour lesquels on lui demande des comptes, de ce pays-là, une fois de plus, selon la pure règle des affaires, quoiqu'en le présentant habilement comme une réparation, de ce pays, disais-je, Israël attend la livraison d'un autre sous-marin dont la spécialité est de pouvoir orienter des têtes explosives capables de tout réduire à néant en direction d'un lieu où l'on n'a pu prouver l'existence ne fût-ce que d'une seule bombe atomique. Mais où la seule crainte veut avoir force de preuve, je dis ce qui doit être dit».

L'histoire est là, et l'Allemagne culpabilisée, contrainte ou bien consentante, avait dès la fin de la deuxième guerre mondiale, été mise à l'amende, par Israël et tous les lobby sionistes de par le monde. Et le pilote de cette coterie, fut à partir de 1951 la Conference on Jewish Material Claims Against Germany, ou conférence sur les restitutions juives. C'est une collusion d'associations sionistes. Elle milite depuis sa création en 1951, à défendre les revendications de dédommagement des victimes juives du national-socialisme et des survivants de la shoah. Son siège est situé à New York, cependant elle est également représentée à Francfort, Vienne et bien sur à Tel Aviv. L'un de ses ténors, et pas moins premier président, Nahum Goldmann, avait explicitement rappelée, le 21 mars 1952 au Pays-Bas que : ?'Personne ne dit aux Allemands : «Vous nous payez, nous vous pardonnons». Nous ne promettons rien ; nous n'offrons rien. Nous ne faisons que réclamer ce qui, moralement et légalement, nous appartient ?'. Cette rhétorique déclamation et cette finesse dans le discours, avaient et ont toujours, sur quoi, légitimement s'accouder. Effectivement, elles reposent sur une notion de droit élémentaire, ainsi énoncée : si une personne cause un dommage à autrui par sa faute, elle est tenue de réparer celle-ci, du point de vue du droit civil. D'ailleurs l'article 124 du code civil algérien, dispose en la matière, ceci :'' tout acte quelconque, de la personne qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel, il est arrivé à le réparer''. Cet article est lui même une reprise de l'article 1382 du code napoléon, du 21 mars 1804, ou code civil français, qui faisait, selon l'Empereur lui même, sa fierté. Et à son propos, il disait : «ma vraie gloire, ce n'est pas d'avoir gagné quarante batailles; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien, n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon code civil». De la même manière, le droit pénal prévoit également la réparation des victimes de crimes ou de délits. Si ce principe ne pose en réalité aucun problème auprès de l'opinion publique, des controverses avaient surgi lorsqu'il s'était agi d'appliquer cette règle aux crimes de génocide. Tant pour les rescapés, que pour les descendants ou les ayants droits des auteurs du génocide.

Les mesures visant à réparer le préjudice subi, se heurtaient à toute une série d'obstacles d'ordre moral et aussi matériel. A commencer par une question fondamentale : peut-on réparer un génocide ? En posant cette interrogation, on est évidemment amené à s'interroger sur la notion de pardon et plus généralement sur les rapports qu'entretiendront les rescapés et les bourreaux. L'argent peut-il tout racheter et tout réparer ? Toute chose, peut-elle être monnayable ? Enfin, ces réparations contribueront-elles, effectivement, à entretenir la flamme de la mémoire ? En tout état de cause, cette organisation de restitutions juives avait, selon la logique de ses précurseurs, réussi à faire valider ses revendication et à faire entériner ses prétentions aux réparations, en faisant signer à l'Allemagne le 10 septembre 1952, par les soins de chancelier fédéral Konrad Adenauer le traité de Luxembourg d'indemnisation. Ce traité, faisait reconnaître à l'Allemagne sa culpabilité dans les crimes nazis. Ce qui obligea conséquemment, l'Allemagne à s'engager, à verser trois milliards de deutschemarks à l'État d'Israël et 450 millions à la Conférence de restitutions juives. Le dossier de ces indemnisations n'est jusqu'à l'heure de rédaction de cette chronique, pas encore fermé. L'organisation depuis 1989, et suite à la chute du mur de Berlin, revendique l'indemnisation des biens juifs, qui été alors, situés en république démocratique allemande, l'ex R.D.A. Une autre organisation sioniste était née, la même année, en 1951, aux Etats-Unis, il s'agit du groupe lobbyiste, American Israël Public Affairs Committee (AIPAC).

Cette autre congrégation milite à soutenir Israël, notamment, dans son conflit avec les États arabes. Son credo réside dans la promotion de l'idéologie sioniste. Ce lobby soutient financièrement, et fortement la droite israélienne, à sa tête le Likoud, grand bâtisseur et grand défenseur des colonies de peuplement implantées sur des terres de palestiniens brutalement dépossédés, dans les territoires occupés. Ces groupes de pression et de compression maintiennent depuis 1951 des poussées et des tensions à la limite du chantage, à chaque époque renouvelées, selon les moyens et les instruments les plus performants en matière de résultats. Si les Etats-Unis n'ont de soucis que la sécurité d'Israël, les allemands culpabilisés à vie et à travers toutes les générations, n'arretent pas de payer et de «vendre» de l'armement à Israël. Günter Grass, dans son poème parle de la vente d'un submersible. C'est le sixième d'une série de sous-marins de la classe «Dolphin», alimentés par un dispositif de cellules électrochimiques, qu'on ne peut presque pas détecter. Selon des spécialistes des questions d'armement, ces engins de la mort disposent de tubes lance-torpille par lesquels ils peuvent tirer des missiles de croisière nucléaires. Bien sur contre les peuples arabes, et d'Iran. Le 3 avril 2012, recevant le ministre de la défense israélien Ehud Barak, le ministre allemand de la défense monsieur de Maizière déclarait: «Nous assumons et sommes d'avis que cela est juste». Il faut noter que l'Allemagne, développant indéfiniment, ce complexe de culpabilité, participe aux coûts de cette opération, de vente de sous marins, au titre de la compensation. Ce ministre culpabilisé, comme la quasi-totalité du groupe social allemand, convaincu de porter une responsabilité, de la tragédie des camps de concentration, doit pour être en paix avec sa conscience, lui et tout le groupe, continuer de payer une dette,que leurs aînés avaient contractée. Lors de cette rencontre, il annonçait :«qu'Israël peut se rassurer que son intégrité nationale et son existence sera toujours garantie par la solidarité allemande». A qui s'adressait monsieur de Maizière ? De quelle intégrité nationale parle t-il ? Il est ici utile, que le lecteur sache, qu'Israël met à la disposition de l'armée allemande et de toute la coalition occidentale, dans leur guerre en Afghanistan, des drones de reconnaissance, en leasing, ou crédit-bail. C'est-à-dire, avec Israël rien pour rien. Günter Grass dit dans son poème, qu'Israel continue de demander des comptes à son pays, plusieurs fois et encore une fois de plus, selon la pure règle des affaires, mais en prenant le soins de présenter ses injonctions de payer, sous le visage d'une demande honnête et humaine d'une juste et équitable réparation.

Par ailleurs Tsahal, l'armée sioniste, et toujours sur le terrain des opérations en Afghanistan, conseille les troupes allemandes dans les techniques de lutte contre les pièges explosifs. Ce juteux filon, du souvenir et de la mémoire, que les sionistes exploitent jusqu'à racler la dernière strate, atteint l'indécence. Si ce que diffuse sur la question de l'holocauste et de la shoah, les médias américains et allemands, ne m'est pas accessible, celui qu'éditent, qu'émettent et retransmettent les chaînes française, l'est. Chaque année, dans les nouvelles grilles de programmes télé français, y figurent en bonne place, et sont diffusées à des horaires de grandes écoutes, des productions à budgets hollywoodiens. Ces créations ex-voto, sont des demandes pour la rédemption, le rachat et la délivrance, de la France de la collaboration que les idéologues exaltés du maréchal de Vichy avaient orchestrée. Dans cette course au salut, et du plaire à Israël, pour gagner l'assentiment des dirigeants israéliens, la SNCF, la compagnie française des chemins de fer avait reconnu pour éventuellement décrocher de juteux contrats aux Etats-Unis, son rôle dans la déportation des Juifs. Alors qu'auparavant l'entreprise insistait, mordicus, sur le fait, que les cheminots étaient sous le joug de l'occupant nazi, sous menace de mort. Le 25 janvier 2011, son président Guillaume Pépy exprimait sa profonde douleur et les regrets de la SNCF pour les conséquences des actes de la SNCF de l'époque, et qu'en son nom, il s'inclinait devant les victimes, les survivants et les enfants de déportés et devant la souffrance qui vit encore''. A travers ce chemin de croix, de satisfaire certaines insistantes sommations, et autres exigences, parfois intenables, la compagnie du rail français, annonçait début février 2012, la création d'un site Internet en anglais (sic) sur le sujet de l'holocauste. Et qu'elle venait, aussi, de déposer une copie de la totalité de ses archives numérisées de la période 1939-1945 dans trois centres de recherches et de témoignages sur la Shoah, au Mémorial de la Shoah à Paris, au centre Yad Vashem à Jérusalem et à l'Holocaust Museum à Washington. Suivez mon regard vous y découvrirez les oukases des organisations sionistes lobbyistes, que j'ai citées au début. Là il faut rappeler que les employés et les moyens de cette compagnie française, avaient servi à transporter vers les camps de la mort et de la solution finale, selon des statistiques fiables, près de 76 000 personnes. Cependant le but ici n'est pas de comparer, ni de commenter les malheurs et les drames humains et de les utiliser pour défendre telle cause ou bien telle autre. L'utilisation de la Shoah jusqu'à l'extrême, par ceux qui dise en être les héritiers, frise l'immoralité. Les tenants de cette conception, mettent tous les éditorialistes, les chroniqueurs, les reporters, ceux qui écrivent, ceux qui produisent, dans tous les domaines des medias et des arts, dans une situation de potentiels condamnés en sursis. Ils se permettent d'interpréter, selon leurs canons ce qui fait et ce qui ne fait pas griefs à la mémoire des victimes de l'holocauste, et de fait s'érigent en senseur de la créativité. On crie au loup, quand Günter Grass déclame son poème. Pour la simple et bonne raison, qu'il est allemand. Et chacun y va de son réquisitoire sentencieux, et tous jouent aux victimes itérativement torturées et martyrisées. Le texte de l'auteur allemand est consultable sur la toile, chacun pourra se faire une idée. Il cite et évoque des faits réels, avérés et démontrables. Le poète a même été interpellé par le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou , se dernier, disant qu'il n'était pas surpris qu'un ancien soldat de la Waffen SS comme Günter Grass pense que seul l'État juif n'ait pas le droit de se défendre. Par ailleurs et bien que Günter dise dans son texte ceci : ?' Mais pourquoi me suis-je tu jusqu'ici ? parce que je pensais que mon origine, entachée d'une tare à tout jamais ineffaçable, m'interdit de suspecter de ce fait, comme d'une vérité avérée, le pays d'Israël, auquel je suis lié et veux rester lié''. Il est déclaré le 8 avril 2012, persona non grata, en Israël, par le ministre de l'intérieur de l'état sioniste. Par contre, si le même texte avait été composé et dit avec sa voix vibrante de torturé et d'écorché vif, par le grand poète palestinien, feu Mahmoud Darwich, les sionistes auraient tout fait, pour le faire passer pour un non évènement. Car le poète de la cause palestinienne, n'avait plus rien à donner, mais son œuvre dérangeait. Les sionistes lui avaient déjà tout pris dès 1948. A cet homme et à sa famille, les sionistes avaient confisqué leur maison, et tout leur village. Ils les avaient contraints à l'exil et au déracinement, et les avaient privés d'identité. Darwich l'amoureux fou de sa terre palestinienne, en est mort avec la spoliation plein le cœur, la poitrine explosée.

Ces lobbys travaillent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale à se donner les pouvoirs de régenter la liberté de penser et d'expression des intellectuels de par le monde. Dès qu'ils soupçonnent, et souvent à tors, une atteinte à la mémoire des déportés, ils convoquent le monde et crient à l'offuscation et à l'offense. Enfin et pour conclure, je rapporterais, cette anecdote. Questionné sur la virulence de Jean Paul Sartre, à son encontre, durant la guerre d'Algérie, par la presse qui prêtait à De Gaulle une intention de jeter le philosophe en prison. Le général répondit : «qu'on n'emprisonnait pas Voltaire». C'est toujours d'actualité et bon à méditer. À s'en imprégner et à s'en inspirer, pour plus de paix en Palestine et à travers le monde aussi. Alors, messieurs dames des organisations sionistes, laissez tous les Mahmoud Darwich, reposer en paix, ils ont trop pâti et beaucoup subi leur vie durant, c'est damnés, sur la terre.