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Livres : les «ismes» de la violence

par Belkacem AHCENE DJABALLAH

«L'ISLAMISME ALGERIEN : DE LA GENESE AU TERRORISME» Analyse politique de Abdelhamid Boumezbar et Azine Djamila (Chihab Editions, Alger 2002).

Beaucoup de livres sur l'islamisme algérien ont été écrits, en Algérie et à l'étranger, mais peu ont été aussi didactiques que les fruits de la recherche (????) et de la réflexion de Boumezbar A. et Azine D. On ne sait rien de nos auteurs, mais on est tenté de croire que ce sont certainement des universitaires qui ont traité le sujet lors d'un mémoire de magister ou? Sauf si ce sont des analystes d'une des «grandes Maisons».

La démarche globale est chronologique, mais cela n'a pas empêché nos chercheurs d'explorer le champ des facteurs historiques et politiques ayant secrété ou favorisé les courants islamistes depuis la conquête coloniale au temps de l'ouverture démocratique.

Avec une conclusion plus que prémonitoire : «Les actions terroristes obéissent à la dimension intemporelle du terrorisme islamiste qui ne s'encombre d'aucune des considérations propres aux autres organisations terroristes classiques. Il agit, selon une grille de référence qui transcende les sources traditionnelles de recherche de sympathies et n'éprouve aucun besoin de prudence parce que convaincu d'être le détenteur d'une vérité absolue...». On le savait déjà depuis les années 90. Beaucoup devraient l'avoir bien en tête.

Publié en 2002, dédié entre autres «aux jeunes qui ont résisté aux tentations du mal, à leur courage, à leur patience», il est, aujourd'hui plus qu'hier, hélas, d'actualité car il a l'odeur de la franchise.

A lire donc sans se presser pour bien comprendre le phénomène? pour se préparer à d'autres épreuves et, et surtout pour se prémunir des engagements politiques et idéologiques précipités.

«ISLAM ET ISLAMISTES A TRAVERS LA PRESSE FRANÇAISE : CAS DE L'IRAN ET DE L'ALGERIE?» Un travail de recherche universitaire de Ahmed Adimi. (Editions El Gharb, Oran 2006) Existe en arabe, traduit et publié par Anep Editions, Alger.

C'est le résumé ou la reprise intégrale d'un travail de recherche universitaire? Peu accessible pour le grand public, le livre retrace, à travers des articles de la presse française de l'époque traitant de l'Iran et de l'Algérie et grâce à l'analyse de contenu en tant que méthode de recherche scientifique, l'histoire de l'islamisme, depuis le début de la «Révolution» iranienne jusqu'aux «Evènements» d'Algérie : Tout y passe. D'avril 1978 à Mars 1992, la première date indiquant le début des évènements de la révolution iranienne, la seconde coïncidant avec l'interdiction du Fis, le départ du président Chadli Bendjedid et le début du terrorisme intégriste en Algérie.

Un seul point gênant : l'auteur part du principe que «dans la presse, rien n'est neutre. Tout ce que l'on publie a un sens. Le titre, la photographie, le dessin, le choix des mots, etc. ont tous signifiants. Ils construisent des représentations?». Il n'existerait donc pas, si l'on s'en tenait à cette approche «engagée», de journaliste (et de presse) se suffisant d'informer le lecteur avec exactitude, complétude et rapidité. Il n'y a que des manipulateurs.

Décourageant et/ou déprimant comme thèse !

A lire et à méditer. Vivement une étude de cette (grande) qualité sur «le traitement de l'Islam et des islamistes (en Algérie) par?.. la presse et les journalistes algériens», surtout ceux des années 90. On y découvrirait pas mal de choses !

 «DE LA VIOLENCE EN ALGERIE: LES LOIS DU CHAOS» Ouvrage de Abderrahmane Moussaoui. (Barzakh, Alger 2006)

Anthropologue, l'auteur a beaucoup travaillé sur les questions liées à l'espace et aux croyances qui président à son organisation. Il sait donc de quoi il parle quand il se penche sur le «malade» Algérie pour essayer de trouver, les causes de la violence durant les «années noires» et d'en comprendre les mécanismes.

Ni analyse politique du «chaos» algérien, ni analyse journalistique distribuant les certificats de bonne conscience en désignant les bourreaux et les victimes, ni lecture «urgentiste», mais seulement une tentative de lecture anthropologique d'un moment de l?histoire du pays, à travers l'échange de violence et de mort ; un pays, et c'est une particulariité des sociétés maghrébines, où «l'entreprise de la guerre» ? donc de la violence - «a fini par s'institutionnaliser comme valeur».

Le chercheur avertit d'emblée : son regard sera essentiellement focalisé sur l'opposition islamiste armée car, «en général, les actions du pouvoir établi demeurent largement déterminés par les formes classiques de la répression de régimes autoritaires». On sent déjà, malgré tout, un certain parti pris qui, comme bien d'autres, va, sans l'écrire, trouver des «circonstances atténuantes» aux violences et aux crimes terroristes et «charger», sans le dire, et indirectement, l'autre camp.

Par ailleurs, sa démarche se veut transcender les démarches essentialistes qui voient dans tel ou tel phénomène un produit inéluctable de telle culture, telle religion ou telle race. A la lumière des événements et des faits concrets recueillis dans le cadre de l'expérience algérienne, il veut tenter de comprendre les mécanismes qui président à l'explosion de la violence et les logiques qui la nourissent. Le quoi et le comment pour expliquer le pourquoi !

Une autre manière de mettre sur le même pied d'égalité les protagonistes du drame. Dramatique, non?

Ca fait du bien de lire, de temps en temps, une oeuvre scientifique sur un tel sujet. Potion amère, mais potion guérisseuse.

Et, celle-ci en est une. Déprimante certes, mais porteuse d'espoir (????). Car, pour rejoindre un propos de l'auteur: Si «le discours commun parle d'une société qui se désagrège et se fragmente(?..), On peut également faire remarquer que c'est à cette période précise que l'Algérie a connu un brassage favorisant une meilleure intégration à l'espace national et des agrégations de type sociétal. La violence peut, au contraire, être perçue comme le signe d'une volonté de vivre ensemble mais autrement». Pourquoi pas ! Mais quel autrement ? Voilà donc le sujet d'une autre recherche.

Et, pour finir, pour ne pas oublier, relire, «Fis : Chronologie d'une mort annoncée»

(23 mai 1991-5 octobre 1992) Ouvrage de B. Ahcene-Djaballah. (Editions Dar El Gharb, Oran 2005)