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Le mensonge de destruction massive, nouvelle arme de guerre totale ?

par Mourad Benachenhou

Le projet de Dimona incluait tous les composants technologiques requis pour permettre à Israël de mettre en place une infrastructure d'armes atomiques basée sur le plutonium dans une période de temps de dix années (Mark Fitzpatrick : «Les Capacités nucléaires au Moyen-Orient». Consortium de l'Union européenne sur la non-prolifération, Bruxelles, Juillet 2011, p. 4).

 L'adhésion aux règles morales, que tout un chacun considère comme allant de soi et comme fondement du bonheur personnel, n'est pas un guide de comportement des Etats, en particulier dans leurs relations avec le reste du monde, quoiqu'aucun d'entre ne soit disposé à le reconnaître.

LES PRINCIPES MORAUX GERANT LES RELATIONS INTERNATIONALES : DES CONCEPTS A SENS VARIABLE

Une constatation banale tirée de l'histoire du monde peut être établie sans risque d'être démentie par les faits passés, présents ou à venir : plus l'Etat se sent puissant, plus les règles morales qu'il suit à l'égard d'Etats plus faibles que lui sont éloignées de toute moralité. Le cynisme suprême, qui consiste dans des déclarations de principes moraux au-dessus de toute critique est atteint lorsque l'Etat est assez puissant à l'échelle planétaire pour violer ses propres principes, tout en assurant qu'il y adhère à la lettre !

 Gare à quiconque qui oserait le contredire, que ce soit un simple particulier ou un Etat reconnu et membre légal de cette fameuse «communauté internationale » si souvent invoquée, mais dont le nombre ne dépasse jamais quelques doigts d'une seule main.

LE MENSONGE D'ETAT : UNE ARME DE GUERRE

Le mensonge, c'est à-dire la fabrication d'informations qui n'ont qu'un rapport lointain et vague avec la réalité, est l'une des armes les plus redoutables de ces puissants. Ils peuvent transformer le moindre fait anodin en cause d'alarme et le moindre brin de paille en risque d'incendie majeur qu'il faut éteindre, même si aucune flamme ne peut en sortir. Et une fois engagé dans la spirale de la mauvaise foi, tout incident anodin devient un casus belli ou la preuve d'une menace éminente justifiant des actions de préemption. Ce ne sont pas les exemples d'escalade dans le cynisme qui manquent dans ces récentes périodes.

LES MASS MEDIA INTERNATIONAUX : DES INSTRUMENTS DE MANIPULATION DES OPINIONS

Les mass media internationaux, qui maintenant tendent leurs tentacules auxquelles nul ne peut échapper, à travers l'Internet, cette autre arme absolue de diffusion des mensonges destinés à préparer les opinions aux pires et aux moins justifiables des agressions armées, jouent évidemment un rôle majeur dans la transformation de ces mensonges en casus belli allant de soi.

 La massification de la diffusion d'informations tronquées, qui mélangent habilement le vrai et le faux pour apparaître crédibles, selon la fameuse proportion du proverbial «pâté d'alouette» : une alouette, un cheval et tutti quanti rendent les informations les plus absurdes, les analyses les plus biaisées, les documents les plus faux particulièrement convaincants, d'autant plus qu'ils sont difficiles à réfuter un à un.

L'EPAIS BROUILLARD DE L'EXCES D'INFORMATIONS

La réalité, telle que peut la percevoir un observateur à la fois objectif et serein, se trouve couverte par l'épais brouillard de ce flot d'informations, dont le but n'est nullement d'informer, mais de convaincre le lecteur ? si cultivé soit-il dans le domaine en cause - de l'inéluctabilité des mesures qui doivent être prises pour mettre fin à une situation supposée pleine de menaces pour «la paix mondiale» et causée par «des fanatiques» qui ne suivent pas les règles de jeu du «monde civilisé».

LA GUERRE, CE GRAND SPECTACLE MACABRE ET ATTIRANT

La guerre, une fois déclenchée pour la bonne cause de la «sauvegarde de l'humanité», devient à la fois solution au problème posé et grand spectacle télévisuel, tout comme sujet de discussion et occasion d'apprendre la géographie d'un pays dont on connaissait à peine l'existence. Les organisations internationales, alignées en rangs serrés pour la «bonne cause», jouent également leur rôle dans cette vaste opération de transformation d'un mensonge en une vérité indéniable et les diplomates, hommes pleins de finesse, trouvent l'argumentation nécessaire et les petits arrangements secrets entre hommes bien nés et archi-polis, qui ne sont connus que lorsqu'ils sont révélés au grand public, soit par calcul, soit par simple accident.

UN MONDE DOMINE PAR DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES SOUS TUTELLE D'UNE MINORITE D'ETATS

Il est évident que, dans ce contexte d'organisation du monde, dans laquelle le moindre acte d'un gouvernement à l'intérieur du territoire qu'il contrôle légitimement, si ce n'est légalement, est soumis à revue et à critiques, ces institutions internationales jouent le rôle important à la fois de dilution des responsabilités des Etats et de justification des actions des Etats les plus puissants qui ont décidé de régler leurs comptes avec ce qu'ils appellent des «Etats voyous», parce qu'ils considèrent que ces Etats ne font pas preuve de la soumission nécessaire et qu'ils doivent être remis dans les rangs, quitte même - suivant l'expression inventée par Benjamin Natenyuahu , Américain de New York , co-auteur avec un ancien président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, d'un document plus ou moins officiel sur la transformation du Moyen-Orient, - à devenir des «Etats disparus».

UN SCENARIO NORMALISE ET REPETE CENT FOIS AU COURS DE L'HISTOIRE CONTEMPORAINE

Ce scénario, qui est en train d'être monté peu à peu contre un autre Etat de la région, dont le seul tort est de vouloir se développer en toute indépendance et acquérir la technologie moderne dans ses aspects les plus complexes, a été joué contre l'Algérie, mais sous une forme nettement plus rudimentaire, moins sophistiquée que la voie suivie actuellement. Il s'agit évidemment du fameux «Coup d'éventail du Dey» qui a justifié l'occupation de l'Algérie pendant cent trente-deux ans et qui continue à figurer en bonne place dans les manuels d'histoire des deux côtés de la Méditerranée.

L'ETAT ALGERIEN AVANT 1830 : UNE REALITE POLITIQUE INTERNATIONALE

Dans son livre publié en 1965 par les Editions de Minuit et intitulé «L'Algérie, Nation et Société», il est affirmé que l'Algérie était, lors de son invasion, un Etat indépendant, reconnu internationalement, avec lequel nombre de grandes puissances, y compris le jeune pays qu'étaient alors les Etats-Unis d'Amérique, avaient signé des traités et entretenaient des représentations diplomatiques apurées de plus.

 Récemment, une autorité supérieure a cru bon de remettre en cause cette version avérée de l'Histoire de l'Algérie et qui a servi d'argument aux leaders de la guerre de Libération nationale contre les autorités coloniales qui affirmaient :

- qu'elles avaient conquis un pays qui n'appartenait à aucun Etat organisé reconnu et

- qu'elles gouvernaient légitimement et légalement l'Algérie, et - que son intégration au territoire métropolitain était justifiée à la fois historiquement et juridiquement.

L'ALGERIE AVANT L'INVASION COLONIALE : UN ETAT MUSULMAN TRADITIONNEL

Peut-on dire que l'Algérie d'avant 1830 était un Etat moderne ? Loin de là ! Mais on ne peut nier son existence, dans le cadre de ce qu'on peut appeler la conception islamique de l'Etat à l'époque, conception qui, évidemment, n'a rien à voir avec la vision nationale et nationaliste actuelle de l'Etat. Il est connu que, dans ce système étatique, où la religion avait plus d'importance que l'attachement à un groupe ethnique, linguistique ou culturel, le musulman se sentait chez lui dans n'importe quel Etat de ce que certains ont appelé le «Commonwealth musulman». Les Musulmans pouvaient se déplacer sans grandes formalités d'un Etat musulman à l'autre, s'y installer et y travailler, sans contrainte ni limite aucune. Les carrières politiques, administratives et d'enseignant de Abderrahmane Ibn Khaldoun (1332-1406), comme d'Abou Abbas El-Maqqari (1578?1632), qui se sont étendues du Maghreb à l'Egypte, constituent des exemples de cette liberté de mouvement et de résidence qui a précédé de très longtemps les arrangements régionaux modernes.

 En cherchant plus profondément, en peut trouver des centaines d'exemples d'hommes célèbres dans ce cas, y compris en remontant plus loin dans le temps : celui de Roukn Eddine El-Wahrani (décédé en 1119), originaire d'Oran, qu'il quitta à la suite de la conquête almohade de la ville, et qui fut un auteur reconnu (voir Les Maqqamate Baghdadia), secrétaire et biographe de Salah Eddine El-Ayoubi.

LES POUVOIRS ETATIQUES DU DEY D'ALGER

Parler d'occupation turque est simplement à la fois un anachronisme et une erreur politique que l'on peut qualifier de très grave, car cette thèse infirme toute l'idéologie nationaliste sur laquelle s'est fondée la lutte de Libération nationale. Voici ce que dit sur les attributions du Dey un document historique de l'époque, confirmant ainsi la thèse du FLN de guerre, défendue avec une grande érudition par Mostefa Lacheraf : «Le Dey se regarde comme souverain indépendant, allié seulement de La Porte, dont il ne reçoit aucun ordre, mais seulement des Capigi-bachis ou envoyés extraordinaires qu'il ne voit jamais d'un bon œil. II est maître absolu, commande les forces de terre et de mer, dispose des emplois et des grâces, récompense et punit à son gré et ne rend compte de sa conduite à personne». (Dans «Le Contemporain en Egypte, «Tome 6, Editions Lavocat, Paris, France, 1831, p. 72)

LE TRAITE DE PAIX DE 1801

D'ailleurs, ce qui confirme le fait que l'Algérie était un Etat reconnu internationalement et non un simple démembrement de l'Empire ottoman, comme l'a avancé ce même haut responsable, c'est que le différend qui devait conduire à l'invasion et à l'occupation de l'Algérie a eu pour cause première le non-respect par la France du traité de paix signé entre celle-ci, alors gouvernée par un Directoire que dirigeait Bonaparte, et la Régence d'Alger, traité datant du 17 décembre 1801. Ce traité avait garanti le payement par le gouvernement français des créances des sujets algériens. Ces créances de 7 millions de francs (approximativement 10 milliards de dollars d'aujourd'hui) avaient été reconnues par la loi des finances française du 24 juillet 1820, mais n'avaient pas fait l'objet de versements au gouvernement de la Régence d'Alger (voir Alfred Nettement : «Histoire de la conquête d'Alger», Lecoffre fils et Cie Successeurs, Paris, 1867, p. 143).

UNE AFFAIRE DE DETOURNEMENT DE FONDS AU DETRIMENT DE LA REGENCE

Il ne s'agit pas de rentrer dans les détails de cette affaire, qui avait été compliquée par le fait que les intermédiaires que le Dey avait désignés avaient bien reçu une bonne partie de cette somme , mais l'avaient détournée à leur profit, et avaient bénéficié de l'asile en France, sans aucun doute grâce à de hautes protections qu'ils avaient monnayées - payements dans lequel Deval, le fameux consul français, avait sans doute perçu sa part.

LE PRIVILEGE PROTOCOLAIRE DU CONSUL FRANÇAIS A ALGER

Le fait est que Hussein, qui avait été élu Dey le premier mars 1818, profita d'une visite de courtoisie que lui fit Deval le 27 avril 1827, à l'occasion de l'Aïd el-Fitr, pour, semble-t-il, soulever cette question des dettes françaises et demander l'extradition de deux escrocs qui avaient trouvé refuge en France, en même temps que poser la question de l'armement en canons de la concession de La Calle, qui était supposée être un simple entrepôt commercial et se transformait peu à peu en forteresse française sur le territoire algérien.

 Il semble bien que l'audience accordée à Deval, et à la veille de l'Aïd, était une audience privée et nul d'autre que les deux hommes n'était présent, à l'exception d'un officier du protocole du Dey. Car, suivant un historien français : «Dans tout le Levant, dans les visites de cérémonie, le consul français a le pas sur tous les autres consuls, depuis une altercation qu'il y a eu entre un consul anglais et un consul de France? Le Dey avait décidé qu'à l'avenir, le consul de France irait seul, la veille de ces fêtes, faire seul son compliment. Lors du Baïram de 1827, Monsieur Deval, notre consul, s'était présenté comme à l'ordinaire...». (Le Contemporain en Egypte ; op.cit. p. 23).

NULLEMENT UNE RECEPTION PUBLIQUE

Donc, contrairement à ce qu'ont constamment affirmé de nombreux écrivains, nul autre diplomate que Deval n'était présent à cette audience ; de plus, corroborant le caractère privé de cette audience, toujours suivant Nettement, «M. Deval, qui parlait avec une égale facilité le turc et l'arabe, s'exprimait sans l'intermédiaire d'un interprète» (dans «Histoire de la conquête d'Alger», Lecoffre fils et Cie Successeurs, Paris, 1867, p. 144).

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