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Experts «connection»: du n'importe quoi, avec n'importe qui? et à n'importe quel prix !

par Belkacem AHCENE-DJABALLAH

Au moment où les députés vont être très bientôt renvoyés à leurs «chères études» (sic !) , il me souvient que l'Assemblée nationale populaire avait organisé, fin avril 2010, un atelier de formation sur «l'éthique parlementaire de la déontologie de l'élu dans l'exercice de sa fonction»? destiné aux parlementaires algériens ainsi qu'aux cadres de plusieurs hautes institutions de l'Etat et de ministères? tout ceci en collaboration avec une «Ong» américaine.

 Ce n'était pas la première fois que la vénérable institution yankee apportait ses lumières à nos honorables parlementaires. Il me semble bien qu'il y eut même un atelier d'écriture des communiqués de presse dans le cadre des relations des élus avec les journaux et les journalistes? afin qu'ils apprennent à mieux «communiquer» (re-sic !)

 A chaque session de formation, ils étaient venus, ils étaient tous là ! A ces moments ? là, il n?y avait pas beaucoup d'absents... car un voyage aux Etats-Unis (pour les premiers de la classe comme pour les cancres, comme d'habitude) valaient bien quelques sacrifices de savoir-être démocratique, le savoir-faire étant réservé aux gogos d'électeurs que nous sommes !

 D'autant qu'il n'y avait pas d'examen de passage, et que cela se passait en salle «close» et/ou dans les petits salons discrets de l'ambassade. Wikileaks ? Pff !

 Le nœud de notre problématique n'est, en fait, pas dans ces leçons (qui relèvent beaucoup plus du tourisme politique et de la coopération internationale banale) dont on sait que, bien nos élus en ont bien besoin et, ils ne sont pas les seuls, d'ailleurs !

 Il est dans le fait que l'on ait pris l'habitude ? et ça continue - de faire appel à l'expertise étrangère (payante ou gratuite, plus payante que gratuite?)... pour n'importe quoi. Et, de fil en aiguille, le n'importe quoi a mené rapidement, inéluctablement, au n'importe qui, et à n'importe quel prix, avec cette fâcheuse préférence pour l'étranger et, mode toute nouvelle, pour l'Algérien résidant à l'étranger... les missions et les devises (comme «retours sur investissement») étant, dans beaucoup de cas, les deux mamelles nourricières attractives de la démarche. Un quotidien national de langue arabe a révélé, un jour, qu'en cinq années seulement (2004 -2009) les bureaux d'études étrangers? (qui utilisent eux-mêmes, à des taux de rémunération autres et faibles généralement, des bureaux d'études ou des experts algériens sur place), avaient engrangé en rémunérations la somme de 1 200 milliards de dinars, soit 120 000 milliards de centimes, soit environ 10 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros par an en moyenne. La loi de finances 2010 a essayé de corriger la tendance, mais bien des fenêtres sont restées grandes ouvertes, avec la possibilité de faire appel aux experts et bureaux étrangers pour «des projets nécessitant des techniques de haut niveau» (sic !). Comme le recours aux sociétés étrangères d'inspection avant expédition pour le contrôle de conformité des produits importés (Lfc 2009)... une mesure, appliquée puis suspendue (???) puis... et, «qui n'est pas enterrée» selon le Dg des Douanes (février 2012).

 Rien n'empêchera, demain (si ce n'est déjà fait comme pour bien d'autres secteurs), de créer des filiales ou sociétés-écrans de droit algérien, qui ne se limiteront pas, d'ailleurs, à la seule expertise?. associées elles-mêmes à des sociétés «étrangères», expertes en tours de passe-passe, ayant elles-mêmes pour seule adresse... souvent, bien que multinationales solidement assises, une toute petite boîte à lettres dans un immeuble pourri aux «Iles Caiman», aux «Iles Moustique», à Luxembourg et autres «Iles Vierges» (exemple assez récent d'un établissement de formation hautement spécialisée de Boumerdès? qui a «récupéré» (ouf !), en décembre 2011, contre du bon et bel argent vert (bof !), certainement, et au prix fort, je suppose, les 10% de son capital, alors propriété d'une grande entreprise étrangère assez présente en Algérie, actions acquises par cette dernière, en décembre 2009... sur les 82% détenus de la «société ? grand'mère» algérienne, peut-être au dinar symbolique, grâce, certainement, à un «ami» qui «lui voulait beaucoup de bien»).

 Ils seront largement aidés soit par les dizaines (dommage !) de cadres supérieurs nationaux retraités ou «retirés des affaires», compétents et encore capables d'«aller au charbon», et dont une bonne partie éprouvera une certaine satisfaction à «rouler dans la farine» et avec art, ceux qui les ont «mis sur la touche» précocement, soit, aussi, par les dizaines (hélas !) d'experts en tout et en rien, toujours bardés de «diplômes», mais véritables «escrocs de l'intellect», une spécialité née dans les foulées du «socialisme injuste» des années 70, des réformes anarchiques des années 90 puis du libéralisme frénétique (ou sauvage, c'est selon) des années 2000, les trois étapes toutes nées elles-mêmes d'expertises «tout-terrain» de péri-, para, ou pseudo- politiciens et autres managers... généralement toujours les mêmes, accompagnés au fil du temps par de jeunes et de très affreux «clones».

 Les multiples retournements économiques dits stratégiques parfois si rapides (ainsi, on est passé du tout-Etat au pas d'Etat, puis au peu d'Etat et maintenant au beaucoup d'Etat en moins 20 ans) ont accéléré le pourrissement et l'on s'est vite retrouvé avec un cadre juridique complexe et compliqué facilitant les «affaires» conjoncturelles et juteuses pour soi, pour les copains et pour les coquins. Rien d'étonnant donc de se retrouver presque pieds et poings liés entre les griffes et les élucubrations d'experts en tout, étrangers mais aussi nationaux. Pourvu que ça rapporte !

 L'expertise est, désormais, un métier avec ses techniques et ses niveaux. Elle est liée à la somme de connaissances acquises durant de longues années d'études (dans une spécialité donnée) et/ou d'expériences prouvées. Elle est, généralement, de plus en plus chèrement payée (ou coûteuse). De ce fait, sa réglementation s'avère nécessaire (et/ou à revoir). Mais, dans la transparence totale, car les experts- arnaqueurs, ne manquent pas et se bousculent au portillon, formant même des réseaux quasi-mafieux, bien étanches, épaulés par des réglementations «à la mesure» de leur capacité (intelligence ?) de nuisance.

 Avec, si possible, des «préférences nationales résidantes». Pour toutes les spécialités. Les industries culturelles y compris !

 Encore du tout-Etat ? Pour une fois !